Covid-19 et victimes d’exploitation des êtres humains

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« La personne humaine ne devrait jamais se vendre ou s’acheter comme une marchandise. Celui qui l’exploite, même indirectement, se rend complice de ce mépris » Pape François.

La crise sanitaire de la Covid-19 a augmenté la vulnérabilité des victimes de traite. Aux traumatismes psychologiques et aux blessures physiques, s’est ajouté le manque de subsistance.

Ils sont nombreux, migrants ou avec un emploi irrégulier, sans protection sociale, psychologique ou médicale, ni documents, ni ressources, ni possibilité de retourner au pays, ni logement sûr. Avec la pandémie, leur situation se dégrade. Des criminels en profitent pour les exploiter : sexe, esclavage domestique, travail forcé, contrainte à commettre des délits, mariage forcé… Certains survivent dans la rue, dans des domiciles privés, dans des ateliers clandestins, dans des champs, occupant des emplois du secteur informel. Pour obtenir des pièces de monnaie, ils ont dû recourir au troc afin d’accéder à des denrées, à l’hygiène (douches, toilettes, Lavomatic…) ou payer sur internet des factures. Dans les transactions, des exploiteurs imposent leurs commissions.

Beaucoup de pays ont pris des mesures restrictives :

quarantaine, fermeture d’activités ou de frontières. Police et Justice sont mobilisées par la gestion de l’état d’urgence, moins disponibles pour enquêter et identifier des victimes. Les inspecteurs du travail, les travailleurs sociaux, le personnel de santé, les ONG voient réduite leur capacité à détecter des victimes, qui restent invisibles, non identifiées, non protégées. Les associations poursuivent leur engagement, malgré leurs craintes budgétaires. Nous avons constaté des refus d’accès à des lieux d’accueil pour des victimes exposées au risque de la rue.

Les associations membres du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains 1» se sont adaptées. Pour limiter la propagation du virus, des foyers 2 ont réaménagé des chambres (désormais individuelles), y ont installé des outils informatiques et le wifi. De nouvelles formes d’appui ont vu le jour 3 : chèques services pour l’hygiène et l’alimentation ; hotline pour aider à l’orientation ou aux démarches juridiques et gagner du temps sur « l’après » ; chaines téléphoniques d’amitié pour garder un lien social et aider à la scolarité des enfants ; soutien psychologique par téléphone ; activités artistiques et création d’œuvres collectives à partir d’éléments – photos, sculptures, dessins – produits chez soi ; poursuite de l’apprentissage de la langue française. Les maraudes 4 ont continué, moyennant respect des gestes de sécurité. Des rencontres reprennent dans certaines régions. Des projets de vacances se font jour. La pandémie de la Covid-19 est mondiale, comme la traite des êtres humains.

Pour survivre, les plus vulnérables risquent l’exploitation ou la ré-exploitation. Pendant le confinement, « l’école à la maison » se fait par internet. Quand le contrôle parental est insuffisant, l’accès de mineurs à des sites pornographiques – certains devenus gratuits ! – puis à des Covid-19 et victimes d’exploitation des êtres humains sites de rencontre, a été facilité. Des jeunes, repérés comme vulnérables par des exploiteurs, sont des victimes potentielles de traite à des fins d’exploitation sexuelle ou pour la contrainte à commettre des délits. Si la crise a contraint des entreprises, connues pour leur exploitation, à fermer (massages, coiffure…), l’augmentation de la demande de travailleurs dans des secteurs propices à l’exploitation par le travail, conjuguée à l’assouplissement des règles, favorise l’exploitation. Les trafiquants en profitent : travail à bas prix, à des cadences élevées, dettes à rembourser sous forme de travail. Il faut veiller aux droits de l’homme. Le plaidoyer inter-associatif pour un accès aux moyens de paiement et à l’inclusion bancaire, né du confinement, doit se poursuivre.

Le 18 octobre 2019, le gouvernement a présenté le second Plan d’action nationale de lutte contre la traite des êtres humains. Un avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme 5 engage à mieux repérer, identifier, orienter et accompagner les personnes victimes de traite au plan social, de santé, juridique, éducatif, de l’emploi… À nous d’agir : faire accéder des personnes rencontrées au statut de victime, au droit de séjour, à un parcours de sortie de traite, à une protection sociale, à une régularisation ; former des professionnels au contact de personnes à risque et de victimes ; travailler en réseaux ; collaborer avec les institutions ; sensibiliser à la réalité de l’exploitation, dans nos diocèses, paroisses, réseaux, congrégations, associations ; repérer les nouvelles formes d’exploitation via internet. C’est au niveau mondial qu’il faut prévenir et combattre ce fléau. Dans « le monde d’après », l’écologie intégrale se décline en ses composantes sociale, économique, culturelle, politique, quotidienne, notamment dans notre lutte contre toute exploitation de l’être humain, dans le respect du corps humain la dignité au travail, la liberté de mouvement. L’encyclique du Pape François Laudato Si’ soutient notre réflexion et nous invite à agir.