Etat d’urgence sanitaire dramatique pour les mal-logées

Pour ce 3e numéro de la lettre de l’Observatoire de l’état d’urgence sanitaire et du confinement, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a estimé nécessaire de s’intéresser plus particulièrement aux difficultés liées au logement par les personnes en situation de pauvreté et aux atteintes aux droits fondamentaux dont elles sont victimes.

Aujourd’hui, 4 millions de personnes vivent dans un logement indécent ou sont sans-abri – et leur situation est particulièrement critique depuis la mise en place de mesures pour endiguer l’épidémie de Covid-19, en particulier le confinement. Les informations reçues par la Commission, via ses associations membres, montrent que les inégalités sociales sont exacerbées par la crise sanitaire et aggravent les difficultés liées au mal logement.

LE CONFINEMENT AGGRAVE LES DIFFICULTÉS LIÉES AU LOGEMENT

Vivre en situation de mal logement, à cause d’un logement trop petit, surpeuplé et/ou insalubre est déjà source de souffrances et de difficultés quand on peut passer une grande partie de sa journée en dehors. Mais en situation de confinement, les personnes, vivant seules ou avec leurs proches, se retrouvent prisonnières de ces logis indignes, faisant peser des risques sur leur santé psychique et physique, nombre de ces logements étant insalubres. En 2016, dans son avis « Logement : un droit pour tous ? », la CNCDH a alerté sur le fait que pour des millions de personnes en France, l’accès à un logement digne était un combat. Début mars 2020, Leilani Farha, rapporteure spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable, présentait un rapport très critique sur l’accès au droit à un logement décent en France, à la suite de sa visite officielle en avril 2019. Ses constats et recommandations faisaient écho à ceux formulés en 2016 par la CNCDH, notamment la mise en œuvre défaillante de la loi DALO, le manque de logements sociaux, le prix inabordable des logements, la saturation des services d’hébergement d’urgence.

Le 18 mars, Leilani Farha a exhorté les gouvernements « à prendre des mesures extraordinaires pour garantir le droit au logement pour tous et se protéger contre la pandémie ». En effet, alors que le logement est devenu la protection première contre le coronavirus SARS-CoV-2, les personnes vivant dans des logements inadéquats ou sans-abri deviennent particulièrement vulnérables à la contraction du virus. Il en résulte des difficultés d’existence insurmontables et des dommages physiques et psychologiques considérables. Les perturbations portées à l’éducation des enfants peuvent être dramatiques, voire irréversibles, en raison de la promiscuité et, fréquemment, de l’impossibilité de se livrer convenablement au travail scolaire dit « à domicile ». Les taux de perte de contact avec les élèves dénoncés par les enseignants et diffusés par leurs syndicats, variables selon les quartiers, peuvent monter jusque dans les 50% dans les zones les plus défavorisées. La CNCDH se félicite ainsi du report de deux mois de la trêve hivernale, permettant d’éviter toute remise à la rue de personnes dans le contexte sanitaire actuel. La CNCDH salue aussi la décision de certains bailleurs sociaux de proposer des reports et étalements de paiement, ou l’aménagement des charges. Elle les encourage à aller plus loin et à proposer une gratuité exceptionnelle et temporaire pour les ménages en grande difficulté. La Commission regrette néanmoins qu’il n’y ait pas de consignes nationales données par le ministère du Logement, la diversité des acteurs et des mesures prises rendant l’information peu accessible aux locataires, d’autant que tous les bailleurs ne sont pas facilement joignables.

LE CONFINEMENT : DES CHARGES ACCRUES POUR LES MÉNAGES PRÉCAIRES

Lorsque l’on vit avec quelques centaines d’euros par mois, la moindre dépense supplémentaire ou perte de revenu a des conséquences immédiates. Les mesures de confinement actuelles ont un impact fort sur le budget des ménages précaires : présence permanente au domicile, voire augmentation du nombre de personnes dans le logement due au retour de certains membres (élèves en pension, étudiants) et souci d’assurer la continuité pédagogique entraînent une augmentation des dépenses d’énergie, d’alimentation (plus de cantine le midi pour les enfants qui y avaient accès, souvent avec des tarifs adaptés), mais aussi d’équipement (achat de matériel et de fourniture pour l’école à la maison, forfait téléphonique pour garder le lien avec l’école ou les démarches administratives…). Ces impasses financières peuvent aggraver encore les problèmes de logement. Beaucoup de familles seront alors dans l’incapacité de payer les prochains loyers et craignent de perdre leur logement. La CNCDH salue les multiples efforts des collectivités publiques, des associations et des bénévoles qui, au prix souvent d’efforts financiers collectifs ou personnels encore plus lourds que d’ordinaire, s’efforcent d’apporter secours aux personnes en danger. Mais ces efforts ont leurs propres limites budgétaires et matérielles ; ainsi les distributions de vivres et de produits d’hygiène ne peuvent souvent s’effectuer que dans des conditions incompatibles avec les règles de protection liées au confinement. La CNCDH considère indispensable que les pouvoirs publics apportent à ces actions un soutien budgétaire et logistique à la hauteur de leurs besoins.