Fragile DUDH

Le 10 décembre 1948, à Paris, les 58 pays membres de l’ONU adoptaient la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), par cinquante voix pour et huit abstentions.

Il est à craindre que, soixante-dix ans plus tard, certains des 193 pays qui composent aujourd’hui l’ONU voteraient contre.

Après 70 ans, le chemin parcouru est immense : les pactes, conventions, accords, initiatives, interventions, colloques, rencontres, séminaires se sont multipliés et ont permis l’émergence d’un thésaurus juridique fondamental, façonnant les relations entre les pays et la reconnaissance des droits civils et politiques, puis économiques, sociaux et culturels de chacun d’entre nous.

Mais ce symbole est occulté par les difficultés de sa mise en œuvre :

  • l’universalisme est contesté par des revendications identitaires, nationalistes, culturelles et religieuses ;
  • les acquis sociaux sont remis en cause par la crise économique et par les théories néo-libérales ;
  • la démocratie et l’État de droit sont fragilisés par des législations restrictives au nom de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, au nom de la sécurité des populations et, désormais, au nom de la gestion de la crise migratoire.

Peu relayés avant le 11 septembre 2001, les critiques du « droit de l’hommisme » et les courants intellectuels considérant que les droits de l’homme, par un développement continuel de l’individualisme, détruisent les fondements du corps social, se sont aujourd’hui démultipliés sur les réseaux sociaux, et ce, sans véritable débat contradictoire.

Les droits de l’homme s’inscrivent dans une filiation de projets très divers, parfois en tension les uns avec les autres. Leur expression actuelle est le fruit principalement des Lumières et de la pensée chrétienne (même si les catholiques ont eu bien du mal à relier « droits de Dieu » et « droits de l’Homme »).

Quant aux droits économiques, sociaux et culturels, ils sont au croisement des systèmes de protection sociale et de la difficulté de faire passer des droits formels en droits réels, c’est-à-dire opposables. Ils sont aujourd’hui un enjeu central de la réactualisation des droits de l’homme et de la construction de nouveaux systèmes de protection.

Une déclaration en évolution

Enfin, de nouveaux défis sont apparus depuis 1948 : reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes, changement climatique, nouveaux moyens de communication, défis écologiques, intelligence artificielle, bioéthique, transhumanisme, etc. Ils soulèvent des questions d’articulation ou de compléments avec les trente articles de la DUDH.

Bien sûr, cette Déclaration n’est pas parfaite. Bien évidemment, il faut la compléter, à partir des questions de notre temps, par une série de textes juridiques. Oui, l’universalité peut s’exprimer selon des politiques, des philosophies, des approches culturelles différentes : les hommes accèdent à l’humanité par des cultures particulières, non pas par l’abstraction. Non, le fait que les droits de l’homme se vivent dans un monde excessivement inégal ne supprime ni leur interdépendance, ni leur indivisibilité.

En 1948 les États ont proclamé la DUDH comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations. Aujourd’hui, peut être plus que jamais, si nous voulons vraiment travailler au « bien commun », défendons et renouvelons cet héritage.