Dans un contexte politique en tension croissante avant les élections législatives de fin 2013, les forces de droite, dans l’opposition, s’allient avec les  islamistes traditionnels et politiques.

Ceux-ci sont pilonnés par le parti au pouvoir laïque et de gauche : un tribunal juge et condamne pour crimes de guerre des collaborateurs de l’armée pakistanaise pour des faits remontant à la guerre civile qui conduisit à l’indépendance de 1971.

Même dans un pays chahuté et pauvre, l’Etat existe, présent et efficace comme le manifeste sa réponse organisée face au drame du 24 avril 2013. A 21 kilomètres du centre-ville de la capitale Dacca, un bâtiment de huit étages, abritant 300 échoppes et cinq usines textiles, s’est effondré tuant 1147 personnes, principalement des ouvrières exploitées par des entrepreneurs bangladais et des entreprises occidentales.

L’armée envoya des soldats; la police, les pompiers furent immédiatement actifs, comme 1200 bénévoles du Croissant rouge, de Caritas et du service d’aide du Ministère des urgences et des secours.

Comme d’habitude, en cas de catastrophe de ce genre, ce sont les populations et les organisations locales sous la conduite d’un plan officiel préétabli – quand il existe – qui sont efficaces lors des premières heures, les plus importantes pour secourir les victimes coincées sous les gravats. Le Bangladesh connait cela parfaitement du fait de son habitude des inondations et des cyclones.

Mais sa faiblesse politique et sociale ne permet pas la protection des travailleurs du textile. La catastrophe récente fait suite à une longue série de drames du même genre, le dernier étant l’incendie d’un bâtiment de neuf étages qui fit au moins 112 morts et 200 blessés en novembre 2012.

Cette catastrophe a  servi de déclic : les syndicats bangladais et des sociétés occidentales ont signé un accord qui vise à améliorer les conditions de travail et de sécurité et à créer un mécanisme d’indemnisation des victimes. Il faudra que l’Etat s’engouffre dans la brèche, si la corruption ne l’entrave pas. L’Organisation mondiale du commerce et l’Organisation internationale du travail sont impuissantes, tant dans ces domaines que pour inciter à des salaires décents. Un comble à l’époque où le discours dominant fait l’éloge de la mondialisation; pas celle de la protection des travailleurs, en ce cas, des « esclaves », dirait même le pape François.

Bidonvilles, mendicité, travail au noir… Le tableau est peu reluisant et ne laisse pas imaginer qu’une intégration en France de ceux que l’on appelle « Roms » est possible.

Pourtant, ces personnes sont avant tout victimes de la précarité et du racisme et pourraient s’intégrer si les moyens leur en étaient donnés.

Une migration familiale poussée par la misère

20 000 « Roms migrants » (dont 40% d’enfants), originaires pour la plupart de Roumanie, habitent aujourd’hui en France.

S’ils sont peu nombreux, ils sont néanmoins très visibles car ce sont eux qui, en grande majorité, peuplent les bidonvilles qui sont apparus – ou réapparus  – dans les friches industrielles, voire rurales, selon les départements.

Habiter dans un lieu insalubre et indigne n’est évidemment pas un choix pour ces familles, mais bien une nécessité, car elles sont bien obligées de « se poser » quelque part, n’ayant accès à aucun logement « normal » du fait de leur manque de moyens et de leur statut administratif.

Quitter son pays pour vivre dans des conditions si précaires peut sembler incompréhensible, mais comme tant d’autres migrants qui fuient la misère, ceux-ci cherchent simplement une vie meilleure où ils auraient un logement et un travail, et où leurs enfants pourraient aller à l’école normalement et envisager un avenir.

Le constat est alors assez simple : des citoyens européens très précaires viennent vivre en France pour y trouver une vie meilleure.

La question qui se pose est tout aussi simple : la France se donne-t-elle les moyens pour les expulser (en attendant qu’ils reviennent puisqu’ils en ont le droit en tant que citoyens européens) ou pour les aider à s’intégrer ?

Une intégration aujourd’hui quasiment impossible

La France impose aux ressortissants roumains et bulgares des mesures transitoires qui les empêchent d’avoir un plein accès au marché du travail.

Ainsi, pour avoir le droit de rester légalement en France après trois mois de présence, les Roms roumains doivent démontrer qu’ils en ont les moyens, et ils doivent donc trouver un travail. Mais pas n’importe lequel : un travail payé au moins le SMIC qui figure dans une liste de 291 métiers. Leurs contrats de travail en poche, il faut qu’ils soient encore signés par la Direction du travail (DIRRECTE). Ce n’est qu’après tout ce processus qu’ils pourront se voir délivrer un titre de séjour par la préfecture, titre qui conditionne à son tour de nombreux droits sociaux, comme l’accès au logement social ou aux allocations familiales.

Rares sont les employeurs capables d’attendre tout ce processus pour, peut-être, engager une personne. Les seuls qui acceptent la longueur et les aléas de cette procédure le font par conviction, voire par militantisme.

Mais sans accès au travail, quelle intégration durable est possible ? Il est en effet difficile de reprocher à une personne de ne pas s’intégrer et de vivre dans un bidonville, si parallèlement, on lui interdit de gagner sa vie légalement.

Les mesures transitoires sont donc clairement un frein à l’intégration des citoyens roumains et bulgares en France. Frein qui sera levé le 31 décembre 2013, non pas par une décision de la France – qui a refusé à de nombreuses reprises de céder aux revendications de diverses associations – mais du fait du droit communautaire. Les ressortissants de ces deux pays pourront alors travailler dans tous les secteurs et pour tous les emplois sans en demander préalablement l’autorisation

La politique de « démantèlement des campements illicites » menée actuellement en France est elle aussi un frein, voire un obstacle, à l’intégration des familles qui habitent ces bidonvilles.

Depuis le début de l’année 2013, plus de quarante évacuations de squats et bidonvilles ont été menées, pour la plupart sans aucune solution de relogement pérenne pour les familles (en violation de la circulaire interministérielle du 26 août 2012).

Force est de constater que cette politique, en plus d’être inefficace et coûteuse, est surtout inhumaine et destructrice.

Chasser les Roms de leurs bidonvilles, voire de France, ne règle rien mais au contraire ne fait qu’empirer le problème et le déplacer. En effet, ces expulsions sans solutions bouleversent la scolarité des enfants, le suivi de soins, les efforts d’insertion des familles et le travail des associations.

Dire que la solution au problème des bidonvilles en France se trouve en Roumanie est une affirmation contraire à l’esprit même de l’Union Européenne et en pratique irréaliste.

Toute la construction européenne se base sur la liberté de circulation des marchandises, des capitaux mais aussi des personnes, même les plus pauvres d’entre elles. Aucun Etat membre de l’Union Européenne ne se plaint de la liberté de circulation de travailleurs étrangers quand ils sont commerçants ou cadres supérieurs ; par contre, c’est beaucoup plus compliqué quand il s’agit de la circulation des plus pauvres et des plus exclus.

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de dire que la Roumanie n’a rien à faire pour l’insertion de ses propres ressortissants, c’est évident, et l’Union Européenne doit l’y aider, mais la solution pour ceux qui ont choisi de venir en France ne peut pas être uniquement  celle-là. D’abord parce que chacun a le droit de migrer mais aussi parce que  la Roumanie a encore beaucoup de chemin à parcourir pour l’insertion des Roms. Un racisme très profond à l’égard des Roms est ancré dans la société roumaine. Il faudra encore de longues années et beaucoup de volonté politique pour que les Roms soient vus et traités comme des citoyens roumains comme les autres..

Enfin, la société française est d’une façon générale assez hostile, voire raciste elle aussi, envers les Roms. Ce rejet n’est pas profond comme en Roumanie mais est plutôt une  réaction  à la vie en bidonville et à la mendicité, et l’expression de préjugés sur cette population. Même si vivre en bidonville et mendier, comme nous l’avons dit, n’est pas un choix mais une nécessité, l’opinion publique rejette les Roms comme étant ceux qui véhiculent cette misère. Ce rejet bloque lui aussi l’intégration. Comment s’insérer dans une société hostile qui ne veut pas de nous ? Les responsables politiques, au lieu d’appeler à la paix sociale et au « vivre ensemble », participent souvent à ce rejet en tenant des propos stigmatisants à l’égard des Roms.

Des leviers à activer pour rendre l’intégration possible

Heureusement, des solutions existent, mais une réelle volonté politique est indispensable pour qu’elles « marchent ». En effet, sans la levée des mesures transitoires et sans l’arrêt des évacuations des squats et bidonvilles l’insertion de ces familles est quasiment impossible.

Ces deux conditions préalables doivent concerner l’ensemble des familles roms présentes sur le territoire français, et pas seulement une poignée d’entre elles qui bénéficient de programmes d’insertion spécifiques.

En effet, se sont développés ici ou là, mais surtout en Ile de France, ce que l’on appelle « les villages d’insertion ». L’idée de ces villages est d’offrir à certaines familles roms, vivant en squat ou en bidonville, un hébergement convenable (souvent sous la forme d’algécos ou de caravanes sur un terrain) et un accompagnement social en vue d’un accès au droit commun. Ainsi, les familles concernées sont stabilisées quant à leur hébergement et bénéficient d’un accompagnement social global, parfois associé à une levée individuelle des mesures transitoires par le préfet (ce qui leur permet d’éviter la procédure précédemment expliquée de demande d’autorisation de travail).

Ce type de solution pose une série de questions. D’abord, ce dispositif ne concerne que quelques familles sélectionnées pour y participer. Or, les critères de sélection ne sont jamais les mêmes d’un projet à un autre et sont surtout très subjectifs tels que « l’insérabilité », ou encore « l’employabilité » d’une personne. Ensuite, ces villages ne concernent que des Roms. Mais comment savoir si une personne est Rom ou non ? Cette appartenance ethnique ne peut être que supposée, car elle n’est écrite sur aucune pièce d’identité (heureusement) et n’est qu’une donnée sociologique particulièrement compliquée tellement le « peuple Rom » est divers et complexe. La dérive de l’ethnicisation, voire de la ségrégation, provoquée par ces programmes est probable et dangereuse. Enfin, créer un lieu collectif pour sortir d’un bidonville, n’est-ce pas créer un nouveau bidonville propre ? Comment éviter la pérennisation d’un tel dispositif qui, par ailleurs, coûte très cher ?

Cette solution apparait finalement comme une fausse bonne idée car elle engendre beaucoup trop de difficultés par rapport aux bénéfices qu’elle procure.

Passer par la case « village d’insertion » avant d’entrer dans un logement de droit commun ne parait pas indispensable. En effet, la condition pour qu’un accompagnement social efficace soit mis en place est la stabilité de l’habitat. Ainsi, la solution qui consiste à aménager un bidonville pour qu’il devienne vivable le temps de l’accompagnement dans le droit commun paraît la solution la plus réaliste.

Bien sûr, les habitants des squats et des bidonvilles ont droit en principe à un hébergement ou à un logement (selon leur statut administratif), mais, compte tenu de la crise actuelle du logement, la solution de la stabilisation semble être  la plus adaptée.

Cette solution permet de définir le projet de vie de chaque famille et de mettre en place un accompagnement adapté.

L’accompagnement varie selon les familles : certaines sont très précaires, d’autres déjà bien insérées dans la société. Par ailleurs, les besoins en accompagnement sont généralement forts, non seulement à cause de la multitude des problèmes  de ces familles, mais aussi à cause des discriminations dont elles sont victimes de la  part des services publics. En effet, les familles roms ont très souvent besoin d’être accompagnées par un tiers pour pouvoir inscrire leurs enfants à l’école, voir un médecin ou avoir un entretien d’embauche auprès d’un employeur potentiel, sans parler des démarches en préfecture pour obtenir une autorisation de travail ou un titre de séjour… !

Le travail impulsé par la DIHAL (Délégation Interministérielle pour l’Hébergement et l’Accès au Logement) qui consiste à proposer aux préfectures de mettre en place des diagnostics sociaux individualisés de chaque famille habitant en bidonville va dans ce sens.

Les diagnostics ne sont pas faits partout (car le préfet est libre de les mettre en œuvre ou non), sont plus ou moins fouillés, et plus ou moins suivis en terme d’accompagnement mis en place, mais cette démarche est intéressante.

Le « vivre ensemble » en question

La situation des Roms immigrant en France aujourd’hui montre une fois encore que ce sont bien les plus pauvres et les plus précaires qui sont les premières victimes de la crise.

Ils sont, non seulement de plus en plus pauvres, mais surtout de plus en plus rejetés et stigmatisés. Cette politique du bouc-émissaire est vieille comme le monde et est très facile à invoquer, que ce soit par l’opinion publique ou par les décideurs politiques.

Pourtant, cette politique est dangereuse et met en péril le « vivre ensemble », et même plus, la paix sociale. Accepter un racisme ambiant, une violence verbale, physique ou institutionnelle, est insupportable dans une République comme la France qui s’inspire de l’égalité.

Montrer du doigt toute une population (définie par une supposée appartenance ethnique) en accusant ses membres de ne pas vouloir s’intégrer sans leur en donner les moyens, voire en les en empêchant très concrètement, n’est pas acceptable.

L’intégration est possible et nombre de familles sont aujourd’hui intégrées et « fondues dans la masse » malgré tous les obstacles auxquels elles sont confrontées.

La politique menée actuellement n’est pas claire, elle vacille entre intégration et expulsion. Or, il faut faire un choix. Un choix de société.

Partons d’un constat : les dettes, publiques et privées, ont atteint des niveaux impayables.

On peut avancer des chiffres, les contester ou élaborer de nouveaux et savants agrégats comptables. Compte tenu des montants, le constat global restera le même pour les générations futures. Les politiques publiques sont sous l’influence de ces dettes. La question financière est au cœur des politiques des Etats et de leurs tentatives de sortie de crise.

Que dit la rumeur ?

On paiera :

  • Grâce au retour de la croissance. Mais chacun se doute bien que les taux de croissance atteints dans les années d’après-guerre ne se reverront plus en Occident, et que l’avenir de la planète suppose plutôt l’abandon ou l’affaiblissement de « l’occidental way of life ».
  • Grâce aux recettes et aux impôts. On va les augmenter. On va faire revenir les contribuables qui s’échappent vers les paradis fiscaux. Mais, d’une part, il est difficile de tondre le chômeur  – disons plutôt que la baisse de la consommation réduit les recettes du fait de la baisse des revenus. Et d’autre part, la course au refus de l’impôt se généralise – disons plutôt que la maximisation fiscale s’affine.
  • Grâce à la diminution des dépenses. En transformant les dettes financières en dettes sociales, en comprimant les services publics pour payer les dettes des Etats. En ne respectant plus, ou moins, les engagements correspondant aux stocks d’épargne obligatoires : caisses de retraites, d’assurances, de Sécurité sociale. Non seulement l’Etat-providence rétrécit, mais les sécurités économiques au sens large (les droits fondamentaux) sont remplacées par le risque permanent : on précarise, on diminue ou supprime le salariat, pour que chacun entre dans des revenus-statuts d’« indépendants » ; on peut aussi faire payer pour les services « publics ». « Allez les jeunes, empruntez pour vos études ! Allez les inquiets, payez pour votre sécurité, pour votre protection ! »
  • Grâce à l’autorégulation exigeante promue par ceux qui profitent de la situation.

Quelle est la perspective ?  Avec un mélange de tout cela, les intérêts  pourraient être payés mais le montant du capital ne baissera pas significativement.

Alors : On ne paiera pas ?

  • Grâce à l’inflation et à la planche à billets que les Etats font tourner. Ils remonétarisent ensuite sans scrupules les établissements financiers qui rachètent alors des dettes étatiques.
  • Grâce à la sortie de l’euro. Et tant pis si l’Europe coule avec ! En 2014  verrons-nous des élections anti-européennes?
  • Grâce à « la crise menant à la guerre », dans un scénario qui reproduirait « les suites de la crise de 1929 » ? Corrélons les dettes et les dépenses de défense : les mêmes Etats sont concernés.

D’ailleurs, pourquoi avoir confiance dans le dollar ? Parce que, derrière, il y a 12 porte-avions! La confiance dans une monnaie repose aussi sur les forces de son émetteur, le « seigneuriage »[*] des Etats-Unis en l’occurrence.

Il existe un rempart contre le passage de la crise à la guerre: si la prédation financière a besoin des ours – les Etats – pour garder les abeilles – les producteurs -, les algorithmes qui la gèrent peinent à discerner les profits potentiels d’un combat entre gardiens! Les grandes institutions financières privées qui dominent « le marché financier » n’ont sans doute pas  intérêt à ce que les ours-gardiens entrent en conflit violent. Donc le passage de la crise à la guerre est improbable

Mais les oppositions entre Etats suscitées par le sauve-qui-peut, ou des réactions sociales déstabilisantes – les « marchés » en ont horreur – sont susceptibles de jouer le rôle de « l’assassinat de l’archiduc »: déclencher des réactions aussi automatiques et peu contrôlables que les alliances militaires de l’été 1914. 

Repères

Voir le document de Justice et Paix de juin 2013 :

Postures chrétiennes face à la finance,

Il cite le pape François dans son discours aux ambassadeurs de quatre pays, dont deux paradis fiscaux, le 16 mai 2013 :

« Alors que le revenu d’une minorité s’accroît de manière exponentielle, celui de la majorité s’affaiblit. Ce déséquilibre provient d’idéologies promotrices de l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, niant ainsi le droit de contrôle aux États chargés pourtant de pourvoir au bien commun. S’installe une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose unilatéralement, et sans recours possible, ses lois et ses règles. En outre, l’endettement et le crédit éloignent les pays de leur économie réelle, et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. A cela s’ajoute, si besoin en est, une corruption tentaculaire et une évasion fiscale égoïste qui ont pris des dimensions mondiales. »

[*] Féodalité: tout droit d’un seigneur dont celui de battre monnaie et d’en tirer profit. Économie : situation d’un pays dont la monnaie est utilisée dans les échanges internationaux ; pratique consistant à donner à une monnaie plus de valeur qu’elle n’en a intrinsèquement (dictionnaire encyclopédique Larousse, 1989)