Disparition. Michel Drain

Face au départ d’un ami, on est toujours tenté par le silence et le repli. Pourtant je trouve dans ce qui va constituer le souvenir de Michel, une raison de dire.

Il y a cinquante ans à Sciences Po, il présentait déjà cette discrète mais forte affirmation des vérités auxquelles il croyait. Dans les tumultes de l’époque, il maintenait un soutien raisonné mais résolu, faisant naître par sa discrétion et l’élégance de son expression plus de partage que bien des cris.

Cette attitude s’incarnait dans sa vie professionnelle où, au service des parlementaires, il allait pendant des décennies leur fournir les données, les arguments opposés qui leur permettaient ensuite de construire et d’étayer leurs positions, sans que les sources réelles de leurs phrases n’apparaissent. Position ingrate, tempérée peut-être par le sentiment que dans tel ou tel discours politique, ce en quoi il croyait était exposé. Il se peut d’ailleurs que son appétence pour les langues vivantes, qu’il se sera plu à pratiquer sans cesse, comme son attirance pour les zones frontalières, notamment celle des plats pays, aient traduit son goût de l’autre et compensé les silences professionnels.

Est-ce à l’occasion des rares dialogues sur des événements parallèles de nos vies que je lui ai parlé de Justice et Paix ? En tout cas, je suis sûr qu’il a trouvé dans notre groupe, et dans quelques autres instances, un lieu pour exprimer enfin librement ce qu’il pensait et surtout ce sur quoi il avait si longtemps réfléchi. La recherche de la paix et de la sécurité, qu’il incarnait dans une progression du droit international, passait particulièrement par une critique pointue du nucléaire militaire et le combat pour sa progressive élimination. Il rejoignant là une longue position de l’Église, souvent méconnue, voire dissimulée. Il la défendait dans des articles, des livres et des interventions en France et en Europe dont sa rigueur et sa retenue augmentaient la force. Ce fut, enfin, un plaisir de dire, dont les maladies l’ont si vite privé.

Aujourd’hui il est parti. Mais pour nous, et avec lui, tout n’est pas dit.

André Brigot, ancien membre de JPF

 

Pour la troisième fois cette année JPF est en deuil ! Michel Drain nous a quittés le 19 juin dernier.

Michel est né le 15 avril 1948. Après une licence d’anglais puis d’histoire, il a été diplômé de Sciences-Po en 1970 et a fait un DESS de relations et affaires internationales. Il a passé le concours d’administrateur de l’Assemblée Nationale en 1974 et a travaillé au service des affaires européennes, puis comme conseiller à la commission des finances, chef du secrétariat de la commission défense et enfin directeur adjoint du service des études.

Spécialiste des questions stratégiques, du désarmement nucléaire et des relations franco-allemandes, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI), Michel parlait l’anglais, l’allemand, le russe et le néerlandais. Son manuel « Relations internationales », qui a vu Cécile Dubernet le rejoindre pour sa 25e édition, est devenu un classique pour les étudiants et les chercheurs.

Michel a commencé à travailler pour Justice et Paix France en 2001, en rejoignant André Brigot dans les groupes de travail. Entre 2011 et aujourd’hui, il a rédigé pour la Lettre 36 articles : 14 sur l’Europe (les derniers sont parus en mars et avril), 5 sur la paix et la sécurité, 17 sur l’arme nucléaire (dont 4 sur la position du pape François). Vous retrouverez la majorité d’entre eux sur le site de JPF. En les relisant, je reste frappé par la clarté de son écriture et son souci pédagogique. Mais c’était également le cas pour toutes ses prises de parole.

Michel a animé deux colloques pour JPF : « Désarmement nucléaire » et « Responsabilité de protéger les populations ». Il a participé à plusieurs AG de Justice et Paix Europe (Athènes, Berlin, Taizé). Il faisait partie du groupe de travail sur les questions internationales de la COMECE. Il a organisé et animé le colloque de Paris pour le Conseil sur les approches chrétiennes de la défense et du désarmement. Il était responsable du groupe Paix et Sécurité de JPF et membre du bureau.

Il a co-écrit le livre « La Paix sans la bombe » ainsi que « L’illusion nucléaire ».

Michel était un pilier de notre commission, nous lui faisions une totale confiance dans ses propos et ses jugements sur les questions qu’il traitait. À Pascale sa femme et à ses enfants, toute notre tristesse, nos remerciements et nos prières.

Marc de Montalembert, membre de JPF