Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

En ces premières semaines de 2021, le continent européen est plongé dans la tempête pandémique. Les assauts du coronavirus et de ses variants forment comme un blizzard empêchant de porter le regard au loin.

Un des événements marquants de l’année est toutefois déjà connu. Il s’agira du retrait de la chancelière Angela Merkel. Après seize années au pouvoir, elle passera le témoin après les élections générales prévues en septembre. Son départ tournera une page de l’histoire moderne de l’Allemagne et provoquera sans doute des conjectures sur la poursuite de l’engagement européen de ce pays posé au centre du continent.

Gageons que la continuité prévaudra. L’adhésion de l’Allemagne à la construction d’une Europe unifiée est en effet fondée sur une sage compréhension de ses intérêts. Le récent ouvrage de deux historiens rappelle comment Paris et Berlin, notamment, ont transformé une hostilité profonde et meurtrière en une dynamique positive. Hélène Miard-Delacroix et Andreas Wirsching soulignent que les intérêts nationaux de la France et de l’Allemagne n’ont pas disparu dans la construction européenne. Des institutions et des mécanismes ont en revanche été créés pour organiser leur confrontation et déboucher sur des politiques communes[1]. C’est ainsi que le 18 mai 2020, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont pu rendre publique une initiative qui déboucha sur le plan de relance européen face à la crise du coronavirus. L’Allemagne, à cette occasion, accepta ce qu’elle refusait depuis trois décennies : un endettement européen commun.

Avant de céder sa place, nul doute toutefois que la chancelière va continuer à imprimer sa marque en Europe et à orienter la stratégie de son pays pour les années à venir. À Paris et Berlin, on envisage une démarche commune à forte portée stratégique : un voyage d’Angela Merkel et Emmanuel Macron à Pékin pour peser, ensemble, face au géant chinois.

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[1] Ennemis héréditaires ?, Fayard, 2020, 216 pages, 20 €.

À nos dirigeants élus dans le nouveau gouvernement, aux responsables militaires, à tous les fonctionnaires, aux chefs ethniques politiques et militaires, et à toutes les personnes de bonne volonté,

Nous, membres de Religions pour la Paix du Myanmar, en tant qu’ambassadeurs de la paix et de la réconciliation, lançons cet appel fraternel et nous unissons à vous en solidarité, dans notre engagement à travailler ensemble pour la paix sur notre terre.

 

Votre Excellence, Madame la Conseillère d’État,

Chers sœurs et frères du Myanmar,

Salutations de paix.

Au nom de Religions pour la Paix et au nom de la Fédération des Conférences Episcopales d’Asie, je vous félicite chaleureusement pour le résultat des élections générales de 2020. Les élections nationales pacifiques de novembre ont été largement reconnues comme libres et équitables. Cela donne au nouveau gouvernement le mandat et l’obligation de poursuivre les objectifs économiques et sociaux inclusifs pour lesquels il a été élu. Puis-je mentionner quelques sujets de préoccupation sur lesquels nous engageons les communautés que nous représentons. En tant que leaders de communautés confessionnelles, nous nous engageons à travailler ensemble et avec vous pour vous soutenir dans les demandes de leadership.

Nous vous exhortons à

  • Créer les conditions de la paix
  • Éliminer toute discrimination ethnique
  • Démilitariser le Myanmar
  • Rechercher des solutions politiques
  • Poursuivre la réforme des systèmes judiciaire, éducatif, social et sanitaire
  • Décentraliser la prise de décision
  • Préparer la prochaine génération

Les défis actuels du Myanmar

La pandémie mondiale déchire notre système de santé publique. Le virus a dévasté notre économie fragile. Les enfants ont manqué une année de scolarité et les études supérieures sont abandonnées. Beaucoup manquent de nourriture et ce sont les pauvres qui souffrent le plus. Toute la communauté souffre si un membre sombre dans la pauvreté. Avant la pandémie, le Myanmar était déjà confronté à une catastrophe environnementale. Avant la pandémie, de grands dommages ont été causés à notre peuple au cours des dernières décennies d’obscurité. Pourtant, ce n’est qu’en faisant face à la vérité de ce qui a été fait et de ce qui se fait que la justice peut être rendue. Grâce à votre leadership, grâce à une action politique clairvoyante et unie, le Myanmar devra relever ces défis, maintenir la paix et promouvoir un avenir prospère et dynamique. Les droits et devoirs de tous au Myanmar sont communs et notre intérêt pour le bien commun est le même.

Créer les conditions de la paix

Il n’y a personne qui ne désire la paix. Le premier devoir du nouveau gouvernement du Myanmar est de créer les conditions de la paix. Le devoir de chaque dirigeant national, qu’il soit civil ou militaire, est de s’engager en faveur de l’unité, de la paix et de la réconciliation. À tous les dirigeants civils et militaires, je plaide que soit mise de côté la recherche futile de solutions militaires. Chacun de vous a la capacité de transformer la culture politique qui divise le Myanmar. Renouvelez votre engagement à affronter les vérités de notre histoire passée. Reconnaissant ces réalités, recherchez la justice avec courage et détermination par le dialogue et la négociation. La paix ne viendra que si un esprit de leadership transparent, ouvert et responsable est inculqué dans tous les secteurs et à tous les niveaux de gouvernance.

Éliminer toute discrimination ethnique

Le Myanmar est profondément divisé selon des lignes ethniques. Il y a des raisons historiques à cela, mais ça ne devrait pas perdurer. Le passé n’a de valeur que pour comprendre le présent. Nous pouvons et devons emprunter une autre voie, la voie de la solidarité. Les conflits civils qui n’en finissent pas au Myanmar ont tous des dimensions raciales, mais les causes profondes sont politiques.

Toute personne née sur le sol du Myanmar partage le même intérêt dans l’avenir du Myanmar. Le Myanmar est immensément riche – ses habitants, ses cultures, son sol. Il est maintenant temps de grandir en tant que nation ouverte sur l’extérieur, accueillante et épanouie, qui célèbre l’unité dans la diversité. Le gouvernement a pour mission de rechercher le bien de toute personne pour qui le Myanmar est son pays. Cela ne peut se faire que par un engagement bien réfléchi dans un dialogue basé sur la confiance. Ce n’est pas un signe d’honneur que le Myanmar crée des réfugiés et des apatrides en si grand nombre.

Démilitariser le Myanmar

La guerre est le langage de la mort. Les guerres civiles sont un refus de reconnaître l’humanité de nos frères et sœurs. La violence n’engendre jamais la paix. La guerre nie l’harmonie nationale. Les fruits des conflits sont l’amertume, les divisions et les blessures qui mettent des années à guérir. Cherchez l’unité, oui, mais pas par la peur ni par la menace.

Rechercher des solutions politiques

L’histoire nous l’apprend, les diplomates et les artisans de paix le savent, qu’il n’y a jamais de solution militaire à un conflit politique. La recherche de solutions militaires ne mène qu’à une guerre sans fin, une misère sans fin. Le Myanmar en a assez ! Là où une solution politique fait défaut, tout avantage militaire est fragile. De cette manière, le déploiement élargi des Tatmadaw (forces armées birmanes) dans les zones ethniques ne peut pas amener l’unité si le dialogue politique est absent.

Réformer les systèmes judiciaire, éducatif, social et sanitaire

Les réformes déjà engagées depuis le centre sont immenses. Le mandat pour une réforme plus profonde et plus audacieuse donné à ce gouvernement, malgré les limites de la Constitution, est encore grand. Il couvre le pouvoir judiciaire, la responsabilité des militaires envers les autorités civiles, la reconstruction des systèmes d’éducation, de santé et de protection sociale, la formation des fonctionnaires à la bonne gouvernance et au leadership, l’inclusion des exclus. Le premier gouvernement civil a fait beaucoup pour mettre en place des systèmes de gouvernance au service de la population, mais nous aspirons à plus de progrès dans ces domaines essentiels. Justice différée est justice refusée. Nous nous associons solidairement à ces tâches énormes, en promettant notre bonne volonté et toute l’expertise que nous pouvons rassembler.

Décentraliser la prise de décision

La bonne gouvernance passe par la subsidiarité, la délégation. Toutes les décisions ne devraient pas être prises à Nay Pyi Taw (la capitale). Les activités de l’ensemble de la société doivent être coordonnées de manière à soutenir la vie propre des communautés locales. La délégation d’autorité doit être soutenue par une formation et une prise en charge à la fois des élus et des fonctionnaires. Elle servira à renforcer l’efficacité du leader qui délègue.

Préparer la prochaine génération

La pauvreté n’est pas seulement une condition économique, c’est le déni d’opportunités. Après des décennies de négligence, le défi auquel votre gouvernement civil est confronté est de construire pour l’avenir. Nous sommes prêts à relever ce défi avec vous. Si les jeunes ne sont pas responsabilisés par l’éducation, la pauvreté s’aggravera. La privation d’éducation est une grande plaie de la pauvreté. Cela appauvrit l’humanité d’une personne. Cela diminue leurs capacités et leur présence sociale. S’engager en faveur de l’éducation pour tous au Myanmar est cent fois plus précieux pour construire la paix que d’acheter des armes. Le Myanmar a besoin de faire confiance, d’investir et de développer sa jeunesse. Ils sont notre présent et notre avenir.

Une nouvelle ère d’unité et de solidarité

L’appel lancé à chacun de nous, en particulier à ceux qui ont la responsabilité de diriger, est d’être des artisans de paix – unir et non diviser, éteindre la haine et ne pas l’entretenir ou l’enflammer, toujours ouvrir des voies de dialogue qui réconcilieront, guériront, uniront et reconstruiront notre beau Myanmar.

Avec mes prières fraternelles, mon respect et ma solidarité pour vous et pour chaque personne dans tous les coins de notre pays,

 

Cardinal Charles Maung Bo

Archevêque de Yangon, Myanmar
Président de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC)
Président de Religions pour la Paix – Myanmar et coprésident de Religions pour la Paix International

# DIÈSE : Un demi-ton au-dessus du bruit de fond médiatique.

1 – Identité. La situation actuelle, avec les enjeux sanitaires et les conséquences en matière économique et sociale, bouleverse nos identités. On croit se connaître, sur une base de sécurité qui permet de faire des projets et, patatras, un méchant virus vient réveiller des peurs, modifier notre rapport aux autres, obliger de s’adapter à des règles mouvantes… Les contours de notre identité deviennent plus flous. Mais les défis révèlent des forces et des capacités qui étaient jusqu’alors en mode veille ; nous découvrons la beauté de la bienveillance et de la confiance, l’importance de prendre soin les uns des autres. Des facettes méconnues de notre humanité apparaissent au grand jour.

Il est normal que l’on s’inquiète des personnes perturbées par l’affrontement à l’inconnu, la crainte d’être contaminé ou de contaminer, la fragilité professionnelle, la raréfaction des relations sociales… Mais ne tombons pas dans la surenchère victimaire qui ferait que chacun ne serait reconnu qu’en raison de son malheur. Il y a aussi les joies du quotidien qu’il faut savoir nommer, il y a les capacités d’adaptation et de rebond qui nous habitent. Bien des jeunes rencontrent des difficultés, mais ne les enfermons pas dans le statut de victimes, regardons plutôt les signes de créativité et de solidarité dont ils témoignent.

Et l’on reparle des frontières comme l’une des mesures sanitaires pour endiguer la pandémie. Mais un recours univoque à l’identité nationale a vite fait de donner des gages à l’illusion dangereuse d’une « pureté ethnique ». Nos sociétés sont plurielles, chaque jour nous voyons des gens qui, venus d’ailleurs, enrichissent notre culture, notre vie commune. Ne laissons pas de côté notre désir de rencontre au profit d’un repli frileux, d’une méfiance agressive… Même au cœur des épreuves, nous pouvons déployer nos qualités de créativité, de générosité, de solidarité fraternelle.

2 – Écologie. Rien n’est simple ! (suite)

On reparle des biocarburants comme une solution au dérèglement climatique,  notamment grâce à un produit issu du colza (le Poitou est directement concerné par la culture et la transformation de cet oléagineux). Une production végétale absorbe du CO2, mais il faut la cultiver, la récolter, la transporter, la transformer pour en faire un biocarburant ; tout cela a un coût environnemental. Selon diverses études, le bilan positif énergétique est de 1/3  à 1/2 ; il n’y a pas de carburant neutre d’un point de vue climatique.

Il faut aussi prendre en compte le coût écologique et social. La production d’huile de palme dans les pays tropicaux se fait au détriment de cultures vivrières et au prix de la destruction de forêts. Quant à la production de colza, elle a recours à des apports d’engrais et de pesticides qui ont un impact écologique non négligeable ; quand elle devient une quasi monoculture il y a des effets négatifs sur les sols et la biodiversité.

Certains diront : l’avenir, pour les déplacements, est aux véhicules électriques et à l’hydrogène, mais la production d’énergie, même électrique, a toujours un coût environnemental qui fait l’objet de débats vigoureux ! La solution la plus sûre : une réduction raisonnée de la mobilité. Cessons donc de considérer la frugalité comme un terme grossier, punitif, et de faire du mot « amish » une injure !

La limitation, même contrainte, des déplacements routiers a un effet bénéfique : il y eut 2 500 morts l’année dernière, un chiffre historiquement bas. En raison d’une diminution de la circulation sans doute, mais peut-être aussi d’un sens plus aigu du respect de la vie.

3 – Petits pas vers la paix

* Le Traité international sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), dans le cadre de l’ONU, est entré en vigueur le 22 janvier. Il vient compléter l’interdiction des autres armes de destruction massive (armes biologiques, chimiques). Sa limite : il n’oblige que les pays qui y adhèrent. Selon le mouvement Pax Christi « La France qui s’est toujours voulue le peuple porteur des valeurs de respect du droit international ne doit pas tourner le dos à ce processus de démocratie internationale et doit adhérer au TIAN. » Pourquoi une question aussi importante ne fait-elle pas l’objet de vrais débats ? (Voir l’édito de Christian MELLON, revue Projet). Les responsables politiques auraient-ils peur de l’expression du peuple ? N’oublions pas que l’esprit démocratique se nourrit en traitant des questions vitales, dont la dissuasion nucléaire.

* Les USA et la Russie viennent de prolonger pour cinq ans le traité New Start qui arrivait à son terme. Ce traité organise la réduction des armes nucléaires stratégiques entre ces deux pays qui en possèdent le plus grand nombre. Le changement de président aux États Unis clarifie les relations internationales de manière positive.

4 – Prises de conscience.

Enfin la question de l’inceste est prise au sérieux, ce qui ravive aussi les débats à propos des abus sexuels en tous genres, notamment les crimes commis envers des enfants et des femmes. On notera que la souffrance des victimes était largement déniée. Pourquoi ? Les réflexions en cours mettent l’accent sur l’esprit de domination des agresseurs. Les actes pervers relèvent d’une volonté de « toute puissance » qui s’impose d’autant plus que les auteurs disposent d’une autorité reconnue socialement. On peut être étonné des soutiens apportés à des criminels, mais il paraît encore difficile de toucher aux puissants ! On sait aussi qu’il fallait du courage pour contrer des idées à la mode, d’autant que le slogan  « jouir sans entraves » servait à étouffer le cri des victimes, à les réduire au silence. Il faut relire lucidement ces pages sombres de notre histoire et nommer certains « donneurs de leçons » comme les complices qu’ils sont effectivement.

5 – Rêves, à la manière du pape François : « Rêvons en tant qu’une seule et même humanité, comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères. » Fratelli tutti § 8

Le pape s’est associé à une initiative de l’ONU : la journée internationale de la fraternité humaine. Quand on envisage d’autres manières d’organiser la vie commune certains se gaussent, traquant ceux qu’ils nomment « doux rêveurs ». Mais leur pseudo réalisme  met en danger la vie sur terre, dévalue la solidarité et la fraternité. Alors, faisons de bons rêves pour inventer un monde nouveau ; vive l’utopie, c’est sérieux !

6En plus léger. DIÈSE est l’acronyme de « Dossier d’information : éthique sociale en Église », un demi ton en dessus ! Gerbert d’Aurillac élu pape en 999 (Sylvestre II) était musicien, il a établi les divisions musicales, dont dièse. Donc, merci à lui !

 

Rendez-vous dans un mois pour le prochain numéro de # DIÈSE