Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Au moment où le nouveau Parlement du Myanmar devait être installé à Naypidaw aujourd’hui 1er février, l’armée a pris le pouvoir et arrêté nombre de dirigeants du pays, en commençant par Aung Sang Suu Kyi qui est dorénavant en résidence surveillée dans la capitale. Mais aussi le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement, le premier ministre des États ethniques, les collaborateurs d’Aung San Suu Kyi, Min Ko Naing et Ko Ko Gyi, les dirigeants de la génération 88, les militants de la NLD, leaders du mouvement étudiant.

Les militaires n’ont pas supporté d’avoir reçu si peu de votes lors des élections de novembre dernier. Le système qu’ils ont installé au moment où ils ont accepté le retour à la démocratie, qui prévoit que des ministères importants leur soient réservés ainsi qu’un quart des sièges aux deux chambres du Parlement, leur donne pourtant des garanties qu’ils n’ont pas manqué d’utiliser par exemple contre les Rohingyas. D’autres raisons sont perceptibles, en particulier les intérêts personnels des dirigeants de l’armée et la pression chinoise, elle aussi marquée par la peur d’une démocratie active à ses frontières et les intérêts économiques d’accès à l’océan indien à travers le Myanmar.

Sentant le vent venir, le cardinal Charles Bo, archevêque de Yangon, et également président de la Fédération des Conférences Episcopales d’Asie (FABC) et vice-président de Religions pour la Paix, a lancé un  appel au calme et au respect du verdict des urnes en fin de semaine dernière. Il n’aura pas été entendu. Les communications sont coupées avec le Myanmar. Dans de nombreuses régions du Myanmar, les gens ne savent encore rien.

C’est le retour à la dictature militaire qui avait écrasé le pays pendant des décennies. Le « pour un an » du nouveau chef de l’état auto-promu, le général Min Aung Hlaing, n’a d’autre valeur que celle de ralentir les critiques.

Il faut que cette histoire douloureuse et dramatique se termine le plus tôt possible. La communauté internationale doit réagir vigoureusement, en particulier en demandant dans un premier temps la libération des personnes arrêtées et en exigeant le retour à l’état de droit.

Il n’y a pas que les civilisations qui soient mortelles, les démocraties le sont aussi si nous ne les défendons pas.

Paris, le 11 février 2021
Alors que la crise économique déclenchée par la pandémie de COVID met sous pression les finances publiques des Etats, l’enquête publiée cette semaine par le Monde et 16 médias pointe à nouveau les dommages causés par le Luxembourg, paradis fiscal majeur au cœur de l’Union Européenne, et par les entreprises et les particuliers qui y dissimulent leur argent.
Cette enquête d’ampleur utilise pour la première fois des données publiques issues du registre sur les bénéficiaires réels des sociétés, dont la publicité est désormais obligatoire dans l’Union Européenne, notamment grâce à la pression des ONG. Elle montre cependant que les mesures de transparence doivent être complètes pour être utilisables, et que des réformes de fond demeurent indispensables pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales comme des plus riches, et que les paradis fiscaux cessent de nuire. Si certaines sociétés enregistrées au Luxembourg sont de simples coquilles vides destinées avant tout à faciliter les montages d’évasion fiscale, mais qu’elles ne peuvent être considérées comme frauduleuses dans le droit existant, c’est bien que le système fiscal est obsolète et que les lois doivent évoluer.
« L’enquête Open Lux démontre à quel point la transparence est indispensable pour lutter contre le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale. L’Union européenne a rendu obligatoire la création de registres publics des bénéficiaires réels des entreprises, registre qui a permis aux journalistes de mener leurs recherches. Mais l’enquête pointe aussi les progrès qui restent à faire pour que cette transparence soit vraiment opérante : elle est encore trop souvent sapée par des failles dans la législation, notamment une définition inadéquate de la notion de propriétaire réel, et des contrôles insuffisants. La France est en retard. Elle n’a toujours pas ouvert son registre en source ouverte. Or la capacité de la société civile à contrôler la régularité des informations sur les bénéficiaires réels, à l’instar de l’enquête OpenLux, dépend directement des modalités d’accès à ce registre.” déclare Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer flux financiers illicites à Transparency International France.
« La transparence fiscale des entreprises est également essentielle : 6 ans après les Luxleaks, on ne connaît toujours pas la répartition des impôts payés par les multinationales dans tous les pays où elles sont présentes ! Cette mesure est indispensable pour que citoyen-ne-s et journalistes puissent savoir si les entreprises payent suffisamment d’impôts au regard de leurs activités réelles, comme par exemple pour les nombreuses filiales du CAC 40 au Luxembourg. Une directive clé va être discutée à la fin du mois : les Etats doivent cesser de céder aux pressions des paradis fiscaux et de grandes entreprises, et s’engager pour une véritable transparence fiscale. Cela serait un progrès majeur. » affirme Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.
« OpenLux confirme que l’évasion fiscale profite aux plus riches et aux entreprises multinationales et qu’elle est systématique. Pourtant, alors que ce scandale montre à nouveau que le Luxembourg est un des plus importants paradis fiscaux au monde, l’Union Européenne refuse de le considérer comme tel, et exclut tous les paradis fiscaux membres de l’UE de sa liste noire. » ajoute Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac.
« Le système fiscal international demeure trop complexe, et inadapté aux réalités économiques du 21e siècle. On perd un temps précieux avec des réformes parcellaires et les paradis fiscaux comme les évadés fiscaux s’adaptent aux nouvelles législations. Il est nécessaire de réformer profondément l’impôt sur les sociétés, sur la base d’une taxation unitaire des multinationales, imposant l’ensemble des activités du groupe en fonction des activités réelles, et de l’associer à un taux minimum d’imposition. » conclut Quentin Parrinello, responsable plaidoyer à Oxfam France.
Contacts médias