Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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L’élection de Joe Biden a provoqué un soulagement pour beaucoup. La perspective d’un dialogue apaisé, les engagements pour l’accord sur le climat…

Antoine Sondag
Antoine Sondag a été de ceux qui, bien avant que le pape François nous y invite tous, ont désiré « aller aux périphéries ». De prime abord, il peut sembler paradoxal de caractériser comme l’homme des périphéries celui qui, après avoir étudié dans une des pépinières des « élites » françaises (Sciences-Po), a reçu plusieurs missions qui l’ont fait vivre au cœur de quelques institutions « centrales » de l’Église : la commission Justice et Paix (dont il fut le Secrétaire national de 1990 à 1997, succédant à Pierre Toulat), le Secours catholique (responsable Europe) ou encore le Service national de la Mission universelle de l’Église (qu’il dirigea de 2013 à 2019). Au cœur aussi d’institutions internationales comme Pax Romana ou la JEC internationale.

Cette expression, pourtant, lui convient bien. D’abord parce que, dans ces missions «au centre », il sut se garder de tout conformisme idéologique ou langagier ! Mais surtout, parce qu’il y portait avec constance le souci des exclus, des plus pauvres, des peuples oubliés, des « périphéries » justement. Sa vie montre qu’il ne faut pas opposer l’investissement dans les institutions et « l’option préférentielle pour les pauvres ».

Homme des périphéries, de la génération de Populorum Progressio, Antoine le fut d’abord, très concrètement, au sens géographique. Il a parcouru la planète pour mieux connaître les réalités des peuples et des cultures qu’il voulait défendre et promouvoir. Il aimait voyager, certes, mais ces nombreux contacts personnels lui étaient nécessaires pour mieux défendre les droits des plus pauvres et veiller à ce que leur parole soit entendue au centre.[1]

Homme des périphéries, Antoine le fut aussi au sens idéologique. Sa méfiance envers tous les conformismes, son esprit critique, son exigence de vérité et de lucidité, sa recherche inlassable des faits (même les plus contre-intuitifs) le rendaient « inclassable ». Il avait des ancrages fermes, notamment dans la doctrine sociale de l’Église[2], et il savait prendre parti sur les questions qui lui tenaient à cœur : l’accueil des migrants, la défense des droits de l’homme (il a présidé Article Premier), la construction européenne, le refus de la dissuasion nucléaire à la française, le plaidoyer pour une « Église diaconale », etc. Antoine était parfois rugueux avec ses interlocuteurs mais ses argumentaires n’étaient jamais convenus et ses appels à la spiritualité ne relevaient pas de généralités pieuses et bénisseuses. Il liait toujours étroitement la spiritualité à la solidarité.

Homme des périphéries enfin, par sa manière totalement inhabituelle de prendre congé de nous à travers une vidéo[3]. Ce testament, c’est tellement lui ! Ce ton direct sans fioritures ni euphémismes et un peu amer (« Il ne restera rien de ce que j’ai fait. »), cette pudeur dans l’expression des sentiments, cette lucidité sur sa mort prochaine, cette profondeur spirituelle pour dire sobrement ce que l’on peut espérer au seuil de la mort. L’essentiel est bien là. Le cœur de sa foi chrétienne évoqué en quelques mots ­ Eucharistie, Dieu, Christ, Espérance.

Venues de tous les horizons, voir quelques extraits des réactions et témoignages reçus à Justice et Paix.

 

[1] Fidèle aux intuitions du P. Lebret, l’inspirateur de Populorum Progressio, il resta jusqu’à la fin de sa vie collaborateur du Réseau International d’Économie Humaine, comme rédacteur en chef de sa revue, Développement et civilisations.

[2] Voir sa dernière contribution, en avril, au site sur la doctrine sociale, à propos du coronavirus

[3] https://www.facebook.com/1069013981/videos/10222021453619937/

 

La victoire de Joe Biden à l’élection américaine du 3 novembre doit être appréciée à sa juste valeur. D’une part, la participation a été exceptionnelle – plus de 150 millions d’Américains ont voté, le plus haut niveau jamais enregistré. Et le taux de participation – plus de 66 % – est le plus élevé depuis 120 ans, malgré la pandémie. D’autre part, la victoire du candidat du parti démocrate est incontestable. Le président sortant Donald Trump a certes rassemblé un peu moins de 74 millions de votants, bien davantage qu’en 2016. Mais Joe Biden a obtenu près de 80 millions de votes et il devrait disposer d’un nombre significatif de grands électeurs (306 contre 232).

Il lui revient donc désormais de traiter en profondeur les problèmes qui avaient permis l’élection de Donald Trump il y a quatre ans. Le président sortant avait notamment su capter l’angoisse de la population blanche américaine pauvre, qui traverse une crise profonde, économique, sociale, démographique et anthropologique — les naissances au sein des communautés blanches seront minoritaires pour la première fois cette année.

Joe Biden va chercher à surmonter les clivages en appliquant des politiques universelles, qui s’adressent à tous les Américains. Il a fait campagne en insistant sur le renforcement des protections sociales (assurance santé, congés maladie, congés maternité), les droits des salariés (hausse du salaire minimum), l’investissement public (infrastructures, décarbonisation de la production d’électricité). Les enjeux climatiques seront une de ses priorités, d’autant que le secteur des « énergies propres » apparaît comme un gisement d’emplois.

En ayant choisi comme future vice-présidente Kamala Harris, une ancienne procureure aux origines métissées et qui se revendique comme « Noire », Joe Biden a, là aussi, manifesté son souci de rassembler les multiples composantes de la population. S’il y parvient, la période qui s’ouvre pourrait être marquée par un renouveau de la démocratie américaine.