Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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La situation ne favorise guère les déclarations péremptoires. Les spécialistes font preuve de prudence, d’humilité : il est difficile de prévoir. Alors, on arbitre en fonction de ce qui semble possible. Les enfants sont heureux de retrouver l’école, mais on leur apprend à faire attention…
On se remet au travail, c’est précieux pour tout le monde, mais on évite d’exposer les personnes…
Pour trouver la solution la mieux adaptée, ou la moins risquée, le dialogue et la recherche en commun valent mieux que l’édiction de normes générales qui montrent vite leur inadéquation et qui humilient les acteurs concernés. La concertation, qui associe les différents agents, peut se révéler plus humaine, mais aussi plus efficace. Oui, il faut bien s’intéresser aux détails des gestes quotidiens, mais il importe aussi d’aborder les questions de sens, de nous interroger sur ce qui vaut vraiment. Prenons le temps d’y réfléchir et d’en parler (voir en 5 la proposition d’un atelier).
2 – Politique (suite)
À l’échelle mondiale, la démocratie semble secouée par des vents mauvais. Chacun peut visualiser les figures de chefs d’État de grandes puissances (issus ou non des urnes) qui mettent à mal la vie démocratique. La démocratie est aussi à la peine en de nombreux pays, notamment en Afrique. Il s’agit pourtant d’un héritage précieux, tant pour la paix dans le monde que pour le respect de la dignité humaine En France, rares sont ceux qui la contestent ouvertement, même si le désintérêt pour les élections et une certaine brutalité dans les rapports sociaux constituent des signes inquiétants. Mais il ne suffit pas de clamer « démocratie ! » pour la faire vivre. Il vaut mieux cultiver les valeurs fondamentales auxquelles elle se trouve associée : respect de la dignité de chaque personne, notamment les plus fragiles ; volonté de vivre ensemble dans la solidarité, ce qui implique la justice sociale ; participation responsable des citoyens aux décisions qui les concernent, etc. L’éducation à la vie civique peut éviter de réduire l’espace public à une cour des pleurs dans laquelle chacun essaie de crier le plus fort. Elle invite à prendre part à la formulation de projets politiques, mais aussi à prendre soin les uns des autres, tant dans l’exercice des métiers que dans les engagements bénévoles.
3 – Violences
(ce qui est une manière de parler encore de politique) + Il y a les violences effectives dont des personnes sont les victimes, mais aussi un climat tendu qui affecte la confiance mutuelle et met en danger la vie commune. Or le politique a pour fonction de promouvoir la paix civile. On remarque la surexposition d’images de violence. Des médias font commerce de leur diffusion, flattant le goût morbide du public avec deux conséquences : la peur de l’autre, qui est vu d’abord comme une menace ; la propension à casser pour se faire entendre. Les réseaux sociaux amplifient le phénomène avec des images coupées de leur contexte et assorties de commentaires qui attisent les passions et la discrimination envers certaines catégories de la population.
Il nous revient de manifester notre esprit citoyen à l’égard de médias qui distillent des messages de peur et d’exclusion. Cela vaut aussi à l’égard de politiques qui espèrent tirer profit de surenchères sécuritaires, oubliant que la démocratie comprend le respect d’autrui, y compris de l’adversaire. Les débats, même vigoureux, sont nécessaires, mais les arguments de type populiste amplifient les déchirures de nos sociétés toujours fragiles. La vigilance est de mise, ainsi que la promotion du respect mutuel.
+ Sur le temps long, la violence dans notre société baisse en intensité. En 30 ans, le taux d’homicides en France est passé de 3 à 1,3 pour 100 000 personnes, mais avec une hausse l’année dernière. Il y a encore beaucoup à faire. On peut se réjouir des prises de conscience qui ont lieu à propos des violences dans le cadre familial, notamment à l’égard des femmes et des enfants. De même, un rapport sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie montre une diminution des préjugés racistes (cf. Lettre de Justice et Paix, septembre 2020), tout en notant une hausse d’actes et discours racistes en 2019. Vigilance, donc.
+ Le tout répressif montre ses limites, le passage par la case prison peut être un problème plus qu’une solution. Il vaut mieux miser sur l’éducation, sur les solidarités au quotidien, en cultivant le respect de la dignité humaine.
+ Quelques mots du Pr Roger Gil à propos de la crise sanitaire : « La rencontre avec le visage d’Autrui accompagne l’histoire de chaque être humain depuis les premiers instants de sa naissance. La mise en présence du visage d’autrui, et d’abord de celui de la mère est aux sources de l’altérité et, au-‐delà, atteste de l’appartenance à la même humanité que l’être humain reconnait non dans son propre visage qu’il ne voit pas mais dans le visage de l’Autre. C’est pour cela qu’Emmanuel Levinas écrivait que la signification du visage est d’emblée éthique. » (Billet éthique, 13 août 2020)
4 – Signes encourageants La polio est éradiquée en Afrique, il reste des foyers au Pakistan et en Afghanistan. On le voit, des actions coordonnées et soutenues portent des fruits ! Écologie : Du 1er septembre au 4 octobre (fête de St François) « Saison de la Création », une initiative œcuménique. * Bonne nouvelle : une délégation française conduite par le président de la Conférence des évêques est allée rencontrer le pape François le 3 septembre. Il y avait des personnages connus : Juliette Binoche, Audrey Pulvar, Gaël Giraud, mais aussi un architecte, un agriculteur… sans oublier Elena Lasida. Une grande diversité de profils, mais une volonté commune de valoriser les ressources spirituelles pour promouvoir les conversions écologiques, tant d’un point de vue personnel que collectif. * Écologie encore : des adultes, dont certains exercent des responsabilités importantes, sont provoqués à des prises de conscience par leurs propres enfants. Des repas familiaux au cours du confinement ont dû été animés ! Pour les jeunes, le danger écologique n’est pas un risque lointain et diffus : c’est leur propre vie qui est en cause. Il est erroné d’évoquer de manière vague « les générations à venir ». Ils sont bien là !
5 – Atelier au Centre théologique : Les leçons d’une pandémie (Animateur : A. Talbot) Un virus inconnu a affecté les populations du monde entier et continue de marquer nos modes de vie. Une réflexion en éthique sociale, ancrée dans l’héritage chrétien, aidera à évaluer les fragilités, mais aussi les capacités humaines révélées par cette crise. Quelles leçons en tirer pour notre vie en commun ? De 16h à 17h30, les lundis 28 septembre, 12 octobre, 2-‐16-‐30 novembre, 14 décembre.
Nous avions sans doute envisagé un déconfinement progressif, avec le rêve plus ou moins confus de retrouver la vie d’avant, tout en dissertant sur d’autres voies pour l’après Covid.
Ces sentiments ambigus s’affrontent aujourd’hui à une évolution indécise : des foyers de contagion apparaissent ici ou là, les messages de mise en garde se renforcent. Alors oui, il faut faire attention, pour soi et pour les autres.
Nous pouvons en retenir quelques leçons. Tout d’abord, l’humilité : les spécialistes les plus honnêtes disent qu’on ne peut prévoir et qu’il faut donc demeurer prudent. Mais, en même temps, il est bon de cultiver le goût de vivre, au milieu même des incertitudes. Nos décisions concrètes mettent en jeu une orientation éthique : ces ajustements seront-‐ ils sous le mode du sauve-‐qui-‐peut individuel ou l’occasion de vivre de nouvelles solidarités. L’affrontement à la pandémie a montré que nous sommes capables d’engagements responsables et solidaires ; veillons à ce que l’usure du temps et le refrain enjôleur de l’individualisme ne viennent pas éroder ces belles capacités !
2 – Politique
+ Après des hésitations, les élections municipales ont pu aller à terme ; maintenant les maires, adjoints et autres délégués sont désignés. Le verdict des urnes a porté son lot de surprises. Mais avec un faible taux de participation pour un scrutin qui engage la démocratie de proximité. Il faut cependant éviter de suggérer que certains seraient « mal élus » : la confiance dans le résultat des urnes demeure précieuse pour la vie commune, pour que l’autorité des personnes en charge du bien public soit reconnue.
Une campagne électorale met au jour les tensions qui traversent toute société ; c’est justement la force et la faiblesse de la démocratie de rendre publique la variété des points de vue et des projets. Mais il y a aussi le rôle symbolique du vote qui, en désignant les responsables de la collectivité, manifeste l’unité de la communauté et ramène une relative paix civile… jusqu’à la prochaine épreuve électorale ! Aussi, la présence d’une seule liste candidate pour des élections municipales peut être vue comme un appauvrissement démocratique. Une vigoureuse campagne électorale, dans la mesure où elle nourrit le débat sur des projets et ne se réduit pas à des querelles personnelles, contribue à la qualité de la vie commune.
La crise actuelle de la démocratie, qui se traduit notamment par une désaffection à l’égard des élections, peut être la conséquence d’un individualisme qui l’emporte sur l’esprit citoyen. C’est aussi le résultat d’une tendance à la personnalisation excessive du pouvoir : on encense le vainqueur, quitte à le clouer au pilori juste après.
+ Cette crise a aussi des causes historiques. La chute du mur de Berlin, en 1989, a mis fin à une bipolarisation qui influençait la politique nationale. Mais les débats convenus laissaient dans l’ombre des défis majeurs tels que la mondialisation et l’écologie. Cette bipolarisation avait un aspect trompe l’œil, les partis en présence portaient une même obsession pour la performance économique et la production matérielle, sous le mode du « toujours plus », quel qu’en soit le coût social et écologique. Ce biais idéologique laissait en arrière plan la solidarité avec les plus fragiles et empêchait de voir les dégâts écologiques. On doit travailler pour mettre au jour des politiques lucides et raisonnées.
+ L’éthique sociale, portée notamment en Église, reconnaît les qualités spécifiques de la démocratie et ne la considère pas comme un régime parmi d’autres. La démocratie honore la dignité de chaque personne, en lui reconnaissant la capacité de participer activement à la vie commune. De plus, en prenant en compte la diversité des intérêts, des idées et des projets, elle comprend des procédures d’arbitrage qui permettent d’organiser le bien commun de telle manière que chacun puisse mener une vie digne.
3 – Alerte !
+ Le 22 août, à l’échelle mondiale, nous aurons épuisé notre « droit de tirage » sur la planète terre, en raison du prélèvement de ressources qui ne pourront être restaurées naturellement et du rejet de déchets qui ne pourront être assimilés par la nature. L’alerte est salutaire : nous avançons vite… vers la catastrophe !
+ Il y a 75 ans les armes nucléaires détruisaient Hiroshima et Nagasaki. Évoquant ce drame François a redit : « L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale, de même que la possession des armes atomiques ».
La Croix Rouge vient de prendre position pour le désarmement nucléaire déclarant qu’en cas d’attaques elle serait incapable d’organiser des secours.
Dans l’ouvrage publié après sa mort « Relire le relié », Michel Serres élargit le débat.
« Nous avons cru longtemps que les feux de la science produisaient moins de violence que ceux des religions ; je et nous nous trompions. (…) La quasi-‐extinction de ce point, plus brillant que chaud, commença par l’éclair d’Hiroshima et celui de Nagasaki, où la science réputée toute bonne et seule bonne commit ces crimes contre l’humanité, ces massacres d’innocents, en un point tragiquement incendiaire. » Cependant, n’oublions pas que ces drames sont le résultat de décisions politiques !
4 – Solidarités mondiales
+ Le 30 juillet : journée de lutte contre la traite des êtres humains. En raison de la pandémie, des travailleurs informels, y compris des enfants, se trouvent davantage soumis à des conditions de travail proches de l’esclavage.
+ Les transferts de fonds des migrants vers leurs pays d’origine ont représenté en 2017 480 milliards de dollars, soit 9% du PIB mondial. Un montant bien plus élevé que toutes les « aides officielles » au développement.
+ Les évolutions démographiques varient fortement selon les continents et les pays. L’excédent des naissances sur les décès est d’environ 83 millions. Cette croissance devrait diminuer à partir de 2050. L’Afrique connaîtra une hausse importante jusqu’à la fin du siècle, même si l’indice de fécondité est en baisse : ce sont les populations nées il y a trente ans qui ont aujourd’hui des enfants (inertie démographique). Des pays d’Asie connaîtront une stagnation, voire une baisse de leur population, c’est déjà le cas pour le Japon et la Corée du Sud ; dans quelques années la population de l’Inde dépassera celle de la Chine. La situation en Europe est contrastée ; des pays entament une baisse de leur population ou en sont proches : Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Pologne, Russie. Dans le cadre de L’UE, la France se situe en haut de tableau pour l’indice de fécondité.
+ Ces disparités, ajoutées aux effets climatiques, conduiront à une amplification des migrations. Des pays vieillissants seront heureux de bénéficier de populations plus jeunes pour faire tourner leur économie et pour soigner leurs anciens… (Source INED)