Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

En Algérie, le sujet de la migration est très sensible et facilement politisé. Il est devenu un vrai défi pour les associations de défense des Droits de l’homme, qui peinent à faire reconnaître les textes internationaux ratifiés par l’Algérie. Les personnes entrées illégalement dans le pays n’ont aucun recours de protection juridique.

Si je me réjouis actuellement de l’engagement des ami(e)s algériens pour un changement de régime politique et social dans le pays, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour mes « autres ami(e)s et frères » venus du sud du Sahara.

L’Église en Algérie (en particulier à travers les Caritas diocésaines et nationale) reste un lieu de ralliement pour beaucoup. Les migrants apportent de la vie et donnent un certain dynamisme à l’Église et celle-ci le leur rend bien. Malgré sa position délicate, et dans la limite de ses moyens (humains, financiers, et légaux), elle tente de venir en aide aux personnes en situation de migration, dans un contexte de plus en plus difficile. Mais depuis les derniers mouvements sociaux, certaines paroisses comme la cathédrale d’Oran ou Bordj El kiffan à Alger, se sont vidées de plus de la moitié de leurs paroissiens.

L’Algérie, depuis plusieurs années maintenant, est devenu un pays non plus de transit comme on avait coutume de le dire, mais par la force des politiques environnantes, un « pays d’accueil » ou plutôt de « résidence forcée » pour de nombreux migrants subsahariens. De fait, beaucoup y vivent depuis six, dix ou quatorze ans. On y voit de belles solidarités vécues entre des populations algériennes et migrantes ou réfugiées, même s’il y a aussi beaucoup de souffrance.

Invisibles

Comme me l’écrivait récemment Abdou : « Certes, le pays connaît des bouleversements politiques considérables. Mais pour nous les migrants, rien n’a changé : les rafles continuent sous le faux prétexte de la sauvegarde de la sécurité nationale et de la lutte anti-terroriste. C’est vraiment la chasse à l’homme, pour ne pas dire la chasse au migrant subsaharien, au noir quoi ! Et le pire, c’est que maintenant, certains agents de la police viennent nous chercher habillés en civil et se font passer pour des employeurs.

Comme on a besoin de travailler pour survivre, on se fait avoir comme ça. Une fois arrêté, nous sommes transportés de camp en camp, avant de nous retrouver abandonnés dans le désert. Non, ma sœur, c’est plus terrible qu’avant ; la situation n’a pas changé et je cherche même à rentrer au pays. Mais comment faire ? On ne peut même plus aller à l’église. Ni sortir acheter du pain ou du flexy1 . Avant, on disait de nous que nous étions des invisibles, mais c’est maintenant que nous sommes devenus de vrais invisibles. C’est dur ma sœur, c’est très dur ! On dirait qu’on n’est pas des humains ! ».

En effet, un bon nombre de ces migrants sont chrétiens et ils se dirigent souvent vers les paroisses, quand ils arrivent dans les grandes villes comme Tamanrasset, Oran ou Alger. L’Église catholique algérienne à la manière du « bon samaritain » les accueille et les soutient spirituellement, et lorsque la situation le nécessite, intervient grâce aux amis algériens ou à des associations pour les faire soigner. Elle est un lieu pour tous, migrants aussi bien qu’Algériens et travailleurs expatriés qui eux, sont des « migrants d’un autre standing ».

L’archevêque d’Alger aime bien parler de ses « paroisses de prison, dont les paroissiens sont plus nombreux » que dans celles des villes. C’est dire que l’Église est aussi présente aux nombreux migrants en milieu carcéral, dont beaucoup ont pour seul délit d’être sans papiers. Ses actions d’accueil, d’accompagnement et d’orientation proposées par les Caritas ou par les paroisses sont ouvertes à tous, sans distinction de culture ou de religion.

Question pour le continent africain

En Algérie, comme dans beaucoup de pays d’Afrique, il n’y a pas de dispositif d’accueil des réfugiés et cela pose question. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) fait comme il peut pour aider et protéger certaines personnes dont la situation nécessite protection.

Nangdo, qui, lui, est reconnu réfugié, me disait récemment que le HCR ne peut plus l’aider pour payer son loyer. Du coup, son bailleur l’a mis à la rue. Grâce à la générosité d’un confrère algérien qui l’a accueilli, il est logé. En retour, il peut soutenir l’activité professionnelle de ce dernier. Le peuple est parfois accueillant et peut être solidaire même si la politique et le droit ne favorisent pas ces relations.

Face à ces nouvelles que je reçois, je me pose encore des questions : à quand l’intégration africaine prônée par l’Union Africaine ? Pourtant, l’Algérie accueille beaucoup d’étudiants subsahariens et elle octroie des bourses d’étude à certains. Que penser de tout cela ? J’entendais ces jours-ci à la radio que tous les pays africains sont devenus des « pays de départ, de transit et de destination ».

Il est temps que nos pays d’Afrique prennent la mesure des choses pour traduire en actes, pour ne pas dire en droit positif, les conventions ratifiées. Une politique d’organisation de l’immigration à l’intérieur du continent s’impose. Créer des conditions d’intégration partout en Afrique limiterait sûrement toutes ces atteintes au droit concernant des populations déjà bien meurtries par les guerres et la pauvreté !

En Algérie, le vent de changement soufle-t-il aussi pour les « migrants » ? En Asie du Sud-Est, deux minorités ethniques, les Churus et des Dayaks, vues par le père Jacques Gros, lazariste, naturalisé indonésien.

L’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture le projet de loi visant à instaurer un nouvel impôt sur certaines activités des grandes entreprises du numérique, dite « taxe GAFA ».

Le projet de loi entérine également un report d’un an de la baisse de l’impôt sur les sociétés, qui devrait atteindre 25% à la fin du quinquennat. Pour les organisations de la PPFJ, la taxe GAFA n’est qu’une mesure symbolique eu égard au phénomène de l’évasion fiscale.

Si la taxe GAFA a le mérite de pointer les limites du système fiscal international, elle ne constitue qu’une proposition très limitée, alors que l’évasion fiscale des entreprises multinationales est un problème généralisé et que, dans le même temps, la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuit, accentuant la course au moins-disant fiscal aux niveaux européen et mondial.

« Cette taxe de 3% sur le chiffre d’affaires numérique devrait uniquement concerner une trentaine d’entreprises, mais elle ne s’attaque pas aux mécanismes au cœur des montages d’évasion fiscale des grandes entreprises. Pour 2019, les recettes de cette taxe sont estimées à 400 millions d’euros par Bercy, bien peu au regard des 80 à 100 milliards d’euros annuels que coûtent l’évasion fiscale au budget de l’État », explique Lison Rehbinder (CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la PPFJ).

« Les recettes générées par la taxe GAFA sont ridiculement faibles, comparées à celles que devrait perdre l’État, du fait de la baisse de l’impôt sur les sociétés : entre 15 et 17 milliards par an. En refusant de remettre en cause la baisse de l’impôt sur les sociétés, la France ne fait qu’accentuer la course au moins disant fiscal. A ce rythme, le taux moyen mondial d’impôt sur les sociétés pourrait atteindre 0% en 2052. C’est d’autant plus choquant que la France plaide au niveau international pour l’instauration d’un taux minimum d’imposition effectif pour les sociétés », relève Quentin Parrinello (Oxfam France).

« Les citoyens sont les premières victimes des pratiques d’évasion fiscale des multinationales, en France et dans les pays en développement. La France doit s’engager clairement pour une remise à plat du système fiscal international, qui associerait les pays en développement sur un pied d’égalité. Cette remise à plat permettrait de taxer plus simplement les entreprises en fonction de leurs activités réelles en les considérant comme une entité unique. Sans cela, les entreprises multinationales auront toujours un temps d’avance pour utiliser les failles du système fiscal. La France doit également s’engager pleinement pour la transparence, afin que l’on sache enfin combien d’impôts payent les entreprises multinationales dans tous les pays où elles opèrent », conclut Dominique Plihon (Attac France).

 

Nota bene :

Ce projet de loi fait suite à l’échec annoncé des discussions menées au sein de l’Union européenne visant à instaurer une taxe GAFA de 3 % sur le Chiffre d’Affaires (CA) des entreprises du numérique réalisant un CA d’au moins 750 millions d’euros. Une mesure bloquée par l’unanimité requise en matière de fiscalité au Conseil de l’Union européenne suite aux oppositions de pays comme l’Irlande, le Danemark ou la Suède. La taxe GAFA française portera sur la vente par les grandes entreprises du numérique des services suivants : intermédiation, vente de données personnelles et publicité ciblée.

Le système fiscal international repose sur une approche traditionnelle et largement dépassée de l’activité économique, basée sur la notion d’établissement stable (présence durable et physique), facilement contournée : il considère les filiales des entreprises multinationales comme des entités séparées qui échangeraient au prix du marché « de pleine concurrence ». Cela permet aux multinationales de transférer artificiellement leurs bénéfices d’une filiale à une autre, d’une juridiction à une autre, dans le seul but d’échapper à l’impôt, comme Amazon au Luxembourg ou Google aux Bermudes.

Les débats sur la taxation du numérique occupent également l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques). Plus de 125 États ont annoncé vouloir avancer sur cette question d’ici à 2020. La France veut porter une proposition sur une imposition mondiale minimale en ce sens. Cependant, les précédentes réformes fiscales menées au sein de l’OCDE ont renforcé les principes de pleine concurrence et n’ont pas permis la participation des pays en développement aux travaux. La capacité des États de réussir à mener des réformes au sein de l’OCDE prenant en compte les demandes et intérêts de tous les États, y compris en développement, est à démontrer et sera au cœur des enjeux de ces travaux. Les 132 États du G77, de leur côté, demandent la création d’un organisme fiscal à l’ONU, afin que tous les États puissent travailler à la révision des règles fiscales sur un pied d’égalité.

La dangereuse course au moins-disant fiscal s’accélère, y compris au sein de l’Union Européenne. En 2016 et 2017, pas moins de douze gouvernements ont réduit leur taux d’imposition sur les sociétés, d’après un rapport du collectif Eurodad, tendance très inquiétante qui risque de faire peser de plus en plus l’impôt sur les plus pauvres.