Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

En entendant le président Emmanuel Macron, invité par la Conférence des Évêques de France, le 9 avril dernier, défendre sa conception de la laïcité et rappeler aux catholiques ce que la République attend d’eux – les dons de leur sagesse, de leur engagement et de leur liberté (pas moins ! ) –  tout catholique a dû se demander quelle pouvait être sa contribution, lui qui n’avait pas toujours perçu qu’elle était attendue et espérée par l’ensemble de ses concitoyens, qu’il s’agisse de l’accueil du migrant ou de l’accompagnement des personnes jusqu’au bout de leur vie.

 

Relire pour refonder

 

Une association se réclamant d’une histoire et d’une identité catholiques ne peut manquer de se poser la question pour elle-même. Les Semaines Sociales de France (SSF) ne seront pas en reste, d’autant que « la vieille dame », plus que centenaire, est précisément engagée dans un travail de réflexion sur ses missions et les moyens de les exercer mieux. La relecture a commencé il y a plusieurs années mais voudrait aboutir désormais à une « refondation », comme l’on aime à dire dans d’autres cercles.

Pour appuyer sa réflexion, et peut-être l’aiguillonner, un regard à la fois interne et externe était nécessaire.  La tâche a été confiée à une structure, le Groupe de Recherche sur l’Évaluation de l’Utilité Sociale (GREUS), constituée au sein de l’Institut Catholique de Paris. Son « enquête » mobilise à la fois des membres des Semaines Sociales de France (SSF) et des diverses Antennes régionales, et, par cercles concentriques, des proches et des moins proches, des chercheurs, des théologiens, des journalistes, des politiques…  Les ateliers qui les rassemblent visent à faire émerger l’image actuelle (ou les images) des SSF, et des attentes, des aspirations, des critiques qui pourront nourrir, lors d’une rencontre dans le diocèse de Créteil,  les 2,3 et 4 novembre prochains, l’écriture collective de la future feuille de route de l’association.

Pourquoi ce besoin d’imaginer  une nouvelle page de l’histoire des SSF ? La dernière session, sur l’Europe, a réuni 1.600 personnes à Paris, et des centaines dans des débats en régions. Des intervenants de qualité ont répondu à l’invitation des organisateurs. L’audience a été élargie par une wiki radio permettant de suivre les débats à distance géographique ou temporelle. « Il n’y a pas le feu au lac ». Mais… le public de ces sessions ne se renouvelle pas assez ; et s’il y a débat, il n’y a pas réelle controverse. Qu’en retirent à long terme les participants ? Que vont devenir les propositions élaborées au cours de cette session pour changer l’Europe ? Avons-nous part au débat national et européen ? Nos idées peuvent-elles influer sur le politique,  comme dans le passé des propositions  émises par les Semaines sociales ont pu irriguer les lois de la République ?

 

Un christianisme social « élargi »

Plus largement, et parce que le but du jeu n’est pas un simple exercice d’introspection, il s’agit pour les SSF, et pour d’autres avec elles, de mener une réflexion sur ce que l’on appelle le christianisme social (comme si le christianisme pouvait ne pas avoir une dimension sociale). Serait-il, comme le déplorent certains en l’identifiant à un catholicisme de gauche, en perte de vitesse et d’influence, une nostalgie d’anciens ? Qu’entendent nos contemporains – et leurs médias – à ces idées portées par des chrétiens sur l’organisation de la société, sur le travail, sur les inégalités sociales, sur le mal-logement, la pauvreté, et pas seulement sur la famille ou la bioéthique ? L’enseignement social de l’Église demeure une richesse. Dans les débuts des SSF, il a provoqué l’engagement de laïcs désireux d’informer les communautés et de les former à comprendre les encycliques sociales sur le travail.

Cette pensée sociale, en perpétuelle évolution, a été revivifiée par l’encyclique Laudato Si’.  La notion d’écologie intégrale, développée par le pape François, élargit le concept de social, créant ainsi des ponts entre catholiques engagés dans des domaines différents qui semblent trop souvent s’ignorer ou s’exclure. Les « anciens » du christianisme social comprennent-ils les jeunes générations engagées de façon radicale auprès des plus pauvres ? Et ces dernières sont-elles conscientes de s’inscrire dans une filiation, en intégrant les dimensions politiques et économiques de la présence des chrétiens auprès des exclus, des migrants, des malades, des mal-logés, des personnes en situation de handicap… ? Quelle place, les uns comme les autres, donnent-ils aux racines spirituelles de leurs actions ?

Les Semaines Sociales, association « généraliste », soucieuse de promouvoir la pensée sociale de l’Église et de participer à son évolution face aux évolutions du monde, ne se veut pas sans lien avec d’autres, plus spécialisées dans tel ou tel domaine. Le don de l’engagement au service de tous, au service du bien commun,  passe  par toutes les associations, les groupes, les mouvements, les communautés et les individus qui œuvrent au sein des Églises chrétiennes. Un engagement éminemment politique (même s’il ne se traduit pas par une militance au sein d’un parti), parce qu’en tentant de réparer la société, il en montre les failles, les injustices et avance des solutions ! Ce don-là est une réalité. Pour la liberté ou la sagesse, le chemin est-il jamais abouti ?

 

 

L’Afrique subsaharienne est la seule région du monde n’ayant pas encore véritablement engagé sa transition démographique[1]. Avec une croissance de 2,44% par an, contre une moyenne mondiale de 1,2%, sa population devrait plus que doubler, d’ici à 2050, pour atteindre 2,5 milliards d’habitants.

 

Le Nigéria, comptant aujourd’hui 191 millions d’habitants, sera alors le troisième pays le plus peuplé au monde, derrière l’Inde et la Chine, avec près de 410 millions d’habitants. D’après les estimations de l’ONU, le continent africain aura 4,2 milliards d’habitants en 2100 – un tiers de la population mondiale –  et sera neuf fois plus peuplé que l’Europe (500 millions d’habitants).

 

L’énigme africaine

Cette dynamique, qualifiée d’« exception », voire d’« énigme », s’écarte des schémas observés sur les autres continents. En effet, si les taux de mortalité se sont améliorés sur le long terme, les niveaux de fécondité n’ont commencé à baisser que très tardivement – à compter des années 1990 – et à un rythme particulièrement lent (0,5 enfant par femme et par décennie dans la plupart des pays).

L’Afrique de l’Ouest reste cantonnée, plus longtemps qu’ailleurs, dans cette première phase de transition démographique où la baisse de la mortalité (notamment maternelle et infanto-juvénile) combinée au maintien d’une fécondité élevée conduit à une forte croissance de la population. L’indice de fécondité, supérieur à 4 enfants par femme dans la quasi-totalité des pays d’Afrique subsaharienne, est de 5 en moyenne en Afrique de l’Ouest, et affiche les niveaux les plus élevés au monde dans les pays sahéliens (7,6 enfants par femme au Niger).

Ces moyennes masquent de fortes disparités. On relève un écart de près de dix ans d’espérance de vie entre le Ghana (61,7 ans) et le Libéria (60,7 ans) d’un côté,  le Nigéria (51,9) et le Sierra Leone (50,2) de l’autre. Ces pays devrait gagner entre 8 (Ghana) et 14 ans (Nigéria) d’espérance de vie, d’ici à 2050, ce qui influera de façon majeure sur la pyramide des âges.

Des disparités existent aussi au sein même des pays. D’après l’Institut Nigérian de la Statistique (NBS), si le taux moyen de fécondité est de 5,5 enfants par femme, il est de 8 dans les États du Nord-est, contre 3,8 dans la capitale fédérale, Abuja. Ces différences sont généralement directement corrélées au niveau d’éducation. L’État de Yobe (Nord-est), où le taux de fécondité des adolescentes est de plus de 15%, est aussi l’un de ceux où le taux d’alphabétisation des jeunes femmes (15-24 ans) est le plus faible. A contrario, la fécondité est davantage maîtrisée dans les États où le taux d’alphabétisation est haut : celui-ci dépasse parfois 95%, contre 10 à 15% dans certains États du Nord.

 

Des facteurs d’évolution

La fécondité évolue sous le prisme du changement des préférences des couples, passant de familles très larges, avec des investissements faibles par enfant, à des familles avec moins d’enfants, mais plus d’investissements par enfant. Dans les pays sahéliens, par exemple, les fratries nombreuses restent souvent synonymes d’« assurance retraite » pour les parents : la mortalité infantile et juvénile reste importante et l’accès à la contraception faible. Cette forte fécondité relève aussi de la conformation à un modèle social où la famille très nombreuse constitue un indicateur de réussite – ce qui est, d’ailleurs, parfois très douloureux pour les personnes ayant peu ou pas d’enfants.

Selon les valeurs qu’elles promeuvent, notamment en matière de modèle familial et d’autonomie individuelle, les religions contribuent à orienter les comportements démographiques. L’islam et le christianisme ont aujourd’hui largement remplacé, sur le continent, les religions traditionnelles. Quel que soit le pays, la religion majoritaire appartient désormais à l’un de ces deux ensembles, et les religions traditionnelles n’ont plus qu’un poids statistique marginal : 10% de la population s’en réclamerait aujourd’hui, contre près de 60% au début du XXe siècle. Les chercheurs, s’étant penchés sur la corrélation entre religion et fécondité en Afrique, ont constaté que les États ou régions musulmans ont une fécondité supérieure à celle des chrétiens, et que les protestants et les catholiques ont une fécondité semblable. Cela indique qu’en Afrique comme ailleurs, ces derniers recourent à la contraception, indépendamment de la doctrine de l’Église en la matière.

« Des pays ont encore sept à huit enfants par femme. Vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien ». Cette déclaration du Président Emmanuel Macron a provoqué un tollé dans une partie de la presse et sur les réseaux sociaux. Cette indignation serait compréhensible si le constat n’était pas partagé par les gouvernants des pays concernés eux-mêmes. Le Président nigérien Mahamadou Issoufou a ainsi fait de la maîtrise des naissances l’une des priorités de la campagne pour sa réélection. Au rythme actuel, la population du Niger (3 millions en 1960, 7 en 1988, 20 en 2017) devrait atteindre 42 millions en 2035 et 75 millions en 2050. Ce pays, dont seulement 8 % de la superficie est cultivable, est confronté aux effets du changement climatique. « Si nous n’arrivons pas à éduquer, former, soigner notre jeunesse et à lui offrir des opportunités d’emploi, elle sera un handicap, pire, une menace [pour] la cohésion sociale et la prospérité », a mis en garde Mahamadou Issoufou dans son discours à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance, en août 2017. Son gouvernement mise notamment sur la fin des mariages précoces, la scolarisation et la formation des jeunes filles, pour espérer infléchir la courbe démographique. De fait, les statistiques sont alarmantes : 30% des Nigériennes sont mariées avant l’âge de 15 ans, et 75 % avant 18 ans, selon l’Unicef. Ces mariages interrompent généralement leur scolarisation.

Ateliers et formations sont donc dispensés aux fonctionnaires, chefs coutumiers et leaders communautaires, mettant en avant l’apport du dividende démographique. Cette expression décrit une période pendant laquelle un pays, sous l’effet d’une baisse de la mortalité infantile et de la fécondité, dispose d’un grand nombre de personnes en âge de travailler et d’un petit nombre de personnes dépendantes. Avoir un grand nombre de travailleurs par habitant donne un coup de pouce à l’économie… à condition qu’il existe suffisamment de possibilités d’emploi. Or, pour que les jeunes Africains qui arrivent chaque année sur le marché du travail rendent le dividende démographique bénéficiaire, il faudrait créer autant d’emplois dans le secteur formel : 30 millions par an d’ici à 2035. Car aujourd’hui, même lorsque les pays concernés atteignent des taux de croissance confortables, cette croissance économique est largement absorbée par celle de la démographie ; en résulte une stagnation globale du niveau de développement. Comme le notait récemment le chercheur Serge Michaïlof[2], « avec une croissance du PIB de 5 %, si le taux de croissance démographique est comme actuellement au Sahel de 3,5 %, la croissance effective du PIB par habitant n’est que de 1,5 % et il faudra quarante-cinq ans pour doubler le niveau de vie par habitant. »

Disons-le tout net : les programmes nationaux de limitation des naissances sont peu efficaces, souvent faute de moyens, sauf dans des États autoritaires comme le Rwanda, l’Éthiopie et le Malawi, où les autorités ont fait de la diminution de la fécondité une de leurs priorités. Mais dans maints autres pays d’Afrique, le discours tenu aux interlocuteurs internationaux diffère largement des actes posés.

 

Pourtant, l’enjeu de la maîtrise de la fécondité est évident.

Au Burkina Faso, la population d’âge scolaire (6-16 ans) s’élève à 5 millions d’individus, soit l’équivalent de la population totale du pays à l’indépendance. Le pays doit, pour accueillir les nouvelles classes d’âge, se doter de plus de 16.000 salles de classe supplémentaires par an… et former autant d’enseignants. Ce besoin devrait doubler en 2025 et quadrupler en 2050. Et encore ces estimations se basent-elles sur l’hypothèse d’un accroissement de 1% l’an du taux de prévalence contraceptive.

Par suite de l’inertie démographique, même si les pays concernés engageaient demain une vigoureuse campagne de limitation des naissances, l’impact d’une telle politique serait minime à échéance de vingt ans et ne commencerait à timidement à porter ses fruits que vers 2050. D’ici-là, l’Afrique n’échappera pas à une multiplication par deux de sa population. Selon le degré de développement économique, la progression de l’instruction chez les femmes et les politiques en faveur de la famille de petite taille, sa population sera, en 2100, trois à six fois plus nombreuse qu’aujourd’hui. Selon certains analystes, cet accroissement débouchera inéluctablement sur des mouvements migratoires d’échelle planétaire, à l’image de la situation européenne au XIXe siècle : la population étant passée de 200 à 300 millions, plus de 60 millions d’Européens avaient migré, notamment vers les États-Unis.

 

Une question délicate

Pour l’Église catholique, la question démographique est sensible. Elle se situe à l’articulation du social et de l’intime et renvoie à des aspects tant socio­culturels, politiques, économiques que religieux. L’Église insiste pour que le sujet soit abordé dans le cadre plus global du droit des couples à élever leur famille dans des conditions dignes, quelle qu’en soit la taille, et surtout dans le contexte de l’énorme inégalité des niveaux de vie et de consommation. Dans l’encyclique Laudato Si’, le pape François dénonce : « Au lieu de résoudre les problèmes des pauvres et de penser à un monde différent, certains se contentent seulement de proposer une réduction de la natalité. » Or, « accuser l’augmentation de la population, et non le consumérisme extrême et sélectif de certains, est une façon de ne pas affronter les problèmes. »

Le Compendium de la Doctrine sociale contient des phrases condamnant frontalement les campagnes en faveur de la contraception comme « des attentats à la dignité de la personne et de la famille ». Dans le même temps, l’Église défend l’idée d’une procréation responsable, c’est-à-dire compatible avec ce que les familles et la planète peuvent supporter. Mais c’est toujours pour souligner qu’une politique portant sur la population ne doit jamais être « qu’une partie d’une stratégie de développement général ».

Pour le magistère romain, la fin ne justifiera jamais les moyens, y compris en matière de démographie. Mais l’Église a sans doute encore des efforts à faire pour mieux intégrer l’éthique sexuelle et familiale dans l’éthique sociale, et inscrire cette dernière dans une échelle de temps plus prospective.

[1] Passage d’une population à taux de natalité et de mortalité élevés, à une population ayant des taux faibles.

[2] « Quand Macron évoque la démographie africaine, cela concerne directement l’Europe », lemonde.fr, 12 décembre 2017.

L’association « Centenaire pour la paix », créée à l’initiative de fidèles des diocèses catholiques de Lille et d’Arras, et ouverte à toutes les confessions et options de foi, a organisé, du 19 au 22 avril 2018, un rassemblement intitulé « Faites la paix ! ». Ces quatre jours ont été précédés de plusieurs mois de sensibilisation.

 

Le déroulement même de l’événement voulait mettre en œuvre une démarche intérieure :

 

  • Le Jeudi 19, jour 1, était centré sur la mémoire, l’émotion suscitée par les grands mémoriaux des batailles de l’Artois en 1914-1918. La journée s’est terminée à la nécropole-sanctuaire de Notre-Dame-de-Lorette avec la proclamation d’un appel à une paix juste, signé par des représentants catholiques, anglicans, protestants, évangéliques, musulmans, juifs et bouddhistes. Une chorale de 600 enfants, témoins de l’événement, chantait la paix. Des collégiens, partenaires d’un échange franco-allemand, ont transmis cet appel aux représentants institutionnels et politiques présents.

 

  • Le Vendredi 20, jour 2, se voulait un temps de réflexion: quels enseignements tirer, pour aujourd’hui, du désastre de la première guerre mondiale ? L’Université catholique de Lille, pour un jour « Campus de la paix », voyait une trentaine d’intervenants explorer les défis de la paix, suite au traumatisme de la Grande Guerre. Il a été noté une bonne participation de lycéens de la Métropole lilloise aux débats.

 

  • Le Samedi 21, jour 3, était celui de l’engagement concret, aujourd’hui, pour le développement d’une culture de paix et de justice. Outre une scène musicale, sept « villages », animés par de nombreux partenaires, offraient plusieurs portes d’entrée dans l’engagement pour une paix juste : éducation à la paix, dialogue des cultures, justice sociale et droits humains, non-violence active, religions au service de la paix, transition écologique, paix avec soi-même.

 

  • Le Dimanche 22, jour 4, portait le message, le symbole: une immense chaine humaine de 4 500 personnes était déployée sur la ligne de front de 14-18, entre grands mémoriaux et nécropoles. L’écho médiatique a été important sur la région.

 

Beaucoup d’autres initiatives se sont greffées sur cette trame de fond.

 

Quel bilan tirer de cet événement ?

 

Le projet initial partait d’un souhait : honorer le devoir de mémoire, en permettant qu’il engage concrètement nos choix et nos comportements aujourd’hui, selon l’Évangile ; ne pas faire de l’appel à la paix une vaine incantation politique, mais développer la conscience d’un effort quotidien à fournir, impliquant plusieurs dimensions de notre vie personnelle, spirituelle et sociale. L’objectif  semble avoir été atteint, au prix d’une organisation de quatre jours, lourde à porter pour des équipes en grande partie bénévoles. Deux éléments nous le font penser :

 

  • La participation massive des enfants, des jeunes, des familles, dans une ambiance faite d’émotions, de symboles et d’actions concrètes.

 

  • La grande diversité des partenaires : organismes spécialisés dans les problématiques de paix et de non-violence, associations pour la transition écologique ou pour la justice sociale, écoles et mouvements de jeunesse, différentes religions et confessions, acteurs d’expériences de quartier, etc. La paix s’est trouvée promue au rang d’objectif fédérateur, chacun offrant sa manière d’y entrer.

 

Dans ce rassemblement, les discours ont plutôt fait place à une pédagogie basée sur l’invitation à expérimenter concrètement la construction de la paix, à goûter la joie de bâtir une relation aimante à ce qui nous entoure : greffer, sur la commémoration de la première guerre mondiale, – guerre menée avec une logique industrielle, guerre nourrie par la construction des haines collectives – l’expérience d’une paix élargie, inclusive, à portée de tous, joyeuse.

 

Une question pour la mission de l’Église

 

Durant la préparation, nous avons dû avancer avec une question complexe : l’Église s’y trouve-t-elle dans sa mission ? Nous avons voulu donner toutes les garanties de laïcité, pour permettre aux pouvoirs publics d’apporter leur contribution, pour aussi ouvrir la participation à ceux qui ne se seraient pas retrouvés sous une étiquette catholique trop prononcée. Il nous a fallu tenter de distinguer ce qui relèverait d’une dimension cultuelle, de ce qui serait de l’intérêt général. Mais l’intérêt général n’est-il pas cette « célébration » de la paix, cette « catéchèse » du vivre-ensemble ? Certains catholiques trouvent qu’une telle opération n’est pas du ressort de l’Église, puisqu’il n’y a pas une évangélisation directe et explicite.

 

Pourtant, nous ne faisons qu’enraciner localement la voie ouverte, il y 30 ans, par le pape saint Jean-Paul II à Assise. C’est bel et bien au nom du Christ que l’Église catholique rassemble toutes les personnes de bonne volonté, y compris celles qui ne partagent pas sa foi. Et je ne pense pas que cela ait été ignoré par qui que ce soit durant ces quatre jours. La meilleure preuve réside certainement dans la frilosité des collectivités territoriales à se joindre, sur un tel événement, à des partenaires qu’elles savent religieux. Mais l’Église a rassemblé ici, non pas sous sa « bannière », mais sur cette aspiration profonde de l’être humain à la paix juste, dont nous, chrétiens, pensons qu’elle est un don de notre Créateur universel. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ?