Catholiques et musulmans en France aujourd’hui : Où en sommes-nous ?

En novembre, à Lourdes, les évêques de France ont échangé sur les relations entre catholiques et musulmans.

Les 1er et 2 décembre à Lyon, un forum islamo-chrétien réunissait, pour la 2èmefois, une cinquantaine de responsables chrétiens (catholiques et protestants) et musulmans pour échanger sur « les tentations extrémistes » dans nos communautés. Comme chaque année, de nombreuses initiatives ont eu lieu dans le cadre de la Semaine islamo-chrétienne, en novembre. Plus que jamais, les relations entre chrétiens et musulmans sont d’actualité, sans oublier l’impact d’événements au Mali, au Pakistan ou au Moyen-Orient, sur les chrétiens comme sur les musulmans.

La réalité, tant de l’islam dans le monde que des musulmans en France, est complexe ; or beaucoup, dans les médias en particulier, diffusent à ce sujet des idées simples qui contribuent  plus à la peur et aux divisions qu’à la compréhension mutuelle. Pour reprendre une expression de Tareq Oubrou, recteur de la grande mosquée de Bordeaux, le risque dans notre pays n’est pas tant le «choc des civilisations » que le choc des ignorances.

Dans ces conditions, quels sont les enjeux des relations entre chrétiens et musulmans qui suscitent autant de réactions ?

Soulignons d’abord que, dans les mutations actuelles, plusieurs ne relèvent pas de la dimension religieuse : ainsi les conséquences de la fracture de plus en plus grande entre centres-ville et banlieues, la forte sécularisation de notre société au moment où elle devient pluriculturelle et plurireligieuse, ou encore les conséquences de la crise économique et sociale dans les quartiers populaires. Ceci dit, ces mutations, qui s’inscrivent aussi dans la mondialisation, provoquent des crises de repères et de construction des identités, particulièrement chez les jeunes pour qui la dimension religieuse peut être un recours.

Depuis quelques années, ensuite, nous constatons la montée d’inquiétudes et de peurs chez nombre de concitoyens, parmi eux des catholiques, vis-à-vis de l’islam et des musulmans et, dans le même temps, la fatigue ou l’exaspération des musulmans devant le traitement par les médias de tout ce qui se rapporte à eux. Qui dit peur dit émotion et absence de raisonnement.

Comment lutter contre cette peur ? En favorisant, au maximum et au plus près de la vie des gens, les échanges et les rencontres ; en multipliant les initiatives de formation et de connaissance mutuelle parmi les jeunes ; en pratiquant des échanges au cours de la formation des futurs cadres religieux.

Nous sommes, en effet, devant un triple défi : le défi citoyen de vivre ensemble dans une société interculturelle et interreligieuse, le défi spirituel de témoigner de Dieu dans une société sécularisée et le défi, pour les chrétiens, d’approfondir leur identité chrétienne, leur enracinement en Christ tout en s’ouvrant à la rencontre de l’autre dans une attitude de respect et d’estime, selon l’enseignement de Vatican II.

 

REPERES

1965 Vatican II, Lumen Gentium, 16 : «Le dessin de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu, les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, juge des hommes au dernier jour. »

1982, Jean-Paul II, Kaduna, Nigéria : «  Nous tous, chrétiens et musulmans, nous vivons sous le soleil du même Dieu miséricordieux. Nous croyons les uns et les autres en un seul Dieu, Créateur de l’homme. Nous adorons Dieu et professons une totale soumission à Lui. Donc, nous pouvons nous appeler au vrai sens des mots : frères et sœurs dans la foi au Dieu unique. »

2005, Benoît XVI, Cologne : « Le dialogue interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans  ne peut pas se réduire à un choix passager. C’est une nécessité vitale dont dépend en grande partie notre avenir. »

2012, cardinal Vingt-Trois, Lourdes : « Reprenant les orientations de Jean-Paul II et de Benoît XVI, notamment lors de son récent voyage apostolique à Beyrouth, nous voulons être des interlocuteurs respectueux, aussi bien dans les contacts quotidiens que dans les relations avec les responsables musulmans. Cette orientation vers le dialogue constitue pour les chrétiens un appel à développer leur capacité à être témoins de la foi au Christ ressuscité. Ce n’est que dans l’authenticité de l’identité de chacun que peut véritablement se développer le dialogue. »