L’Église de Papouasie occidentale : entre l’espoir et l’occupation indonésienne

Depuis l’annexion de la Papouasie occidentale par l’Indonésie en 1963, la population autochtone papoue subit quotidiennement des violations de ses droits, en raison des conflits qui l’opposent au gouvernement et à l’armée indonésiens. Face à cette tragédie, que fait l’Église ?

En 2018, alors que j’étais étudiant à l’université catholique Parahyangan de Bandung, j’ai rédigé un mémoire de master intitulé : “Diocèse de Jayapura, une Église au pouvoir transformateur dans un contexte de violations des droits de l’homme en Papouasie« . Dans ce mémoire, j’ai examiné combien l’Église apporte d’espoir aux Papous qui souffrent.

“Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ”, affirme Gaudium et Spes.

En effet, les premiers missionnaires en terre papoue l’ont réellement vécu. Ils se sont totalement consacrés au service des autochtones, malgré la violence de ces derniers. Certains missionnaires ont été jusqu’à payer de leur vie, tel le père jésuite Cornelis Lecocq d’Armandville, disparu à Fak-fak, ainsi que de nombreux catéchistes locaux, tel Augustin Kabes, assassiné à Wamena. L’évangélisation a pacifié la société papoue, longtemps marquée par des violences tribales. Le dévouement des premiers missionnaires a donné un élan extraordinaire à l’Église locale : en moins d’un siècle, 95 % des Papous sont devenus chrétiens, dont un tiers catholique. Plus d’une centaine de prêtres papous ont été formés depuis 1895. L’un d’entre eux a été ordonné évêque en 2023.

Mais dans la Papouasie occidentale d’aujourd’hui, l’Église, dominée par les Indonésiens, semble être bien différente de celle de l’époque des missionnaires. La survie des papous n’est guère une priorité, surtout lorsque ceux-ci résistent à l’occupation indonésienne. L’Église catholique indonésienne adhère au principe patriotique du « cent pour cent catholique et cent pour cent indonésien« . C’est ce qu’a défini le premier évêque indonésien, Mgr Soegijapranata, à l’époque de la guerre d’indépendance indonésienne contre les Pays-Bas (1945-1949). Mais en essayant d’appliquer aujourd’hui ce slogan anachronique, les évêques indonésiens pervertissent, consciemment ou non, la mission contextuelle de l’Église en terre papoue. Il existe également une tendance à effacer certaines traditions papoues au motif de préserver l’universalité de l’Église.

Selon les dires d’un prêtre indonésien, le statut minoritaire des catholiques en Indonésie rend nombre d’entre eux lâches et serviles, « aimant s’attirer les faveurs des puissants tout en méprisant les faibles« . Pourtant, l’Église n’a plus de raison d’être si elle n’est pas à la hauteur de sa vocation prophétique. La mission de l’Église n’est pas d’abord de baptiser, mais de proclamer la Vérité qui conduit à la conversion.

Le statut politique de la Papouasie occidentale est problématique, étant donné le processus douteux de son annexion à l’Indonésie : seul un millier de Papous sur un million, choisis par l’armée indonésienne, l’ont approuvée lors d’un simulacre de référendum en 1969. Par ailleurs, l’Église catholique s’est rangée au côté du gouvernement indonésien. Les catholiques papous qui prônent l’indépendance sont régulièrement considérés comme des traîtres. Le sentiment nationaliste qui domine le clergé indonésien va au-delà de l’essence même de leur vocation de prêtre ou d’évêque.

Dans ces conditions, les catholiques papous ne voient aucune raison de rester dans l’Église indonésienne. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir quitter la Conférence épiscopale indonésienne (KWI) pour rejoindre la Conférence épiscopale Papouasie-Nouvelle-Guinée et Îles Salomon. Aujourd’hui, le peuple papou se dirige lentement vers sa propre disparition. Il est déjà minoritaire sur ses terres en raison de l’installation massive d’Indonésiens venus des îles de Java et des Célèbes. L’Église catholique est également menacée, alors que l’islam, religion majoritaire en Indonésie, gagne du terrain en Papouasie occidentale.

En tant que prêtre papou, je m’interroge sur l’attitude de la hiérarchie de l’Église catholique. Comment peut-elle continuer à prier pour les victimes de la guerre en Ukraine et à celles de la Palestine, tout en gardant le silence sur la tragédie humanitaire en Papouasie occidentale ? J’espère vivement qu’une solidarité internationale encourage un dialogue pacifique entre le gouvernement indonésien et les indépendantistes papous, représentés par l’United Liberation Movement for West Papua (ULMWP) et souhaite que la voix de l’Église universelle se fasse entendre.