L’Argentine

La situation économique et sociale de l’Argentine est délicate. Une politique d’ajustement économique sévère est mise en œuvre, qui a fortement réduit le pouvoir d’achat des salaires, des pensions, des revenus des petites et moyennes entreprises et des coopératives et mutuelles. Les effets ont été ressentis par les secteurs les plus vulnérables de la société, augmentant la pauvreté et la misère.

Dans le même temps, des organismes publics ont été supprimés et des centaines de fonctionnaires ont été licenciés, ce qui a affecté certains domaines particulièrement sensibles, comme la fourniture de médicaments coûteux à des patients sans ressources, y compris ceux en phase terminale. Parallèlement, la consommation a fortement diminué, ce qui a entraîné la fermeture de nombreuses petites et moyennes entreprises, qui constituent l’une des principales sources de travail décent en Argentine, augmentant ainsi le chômage. En juillet dernier, la baisse de la consommation d’une année sur l’autre a été la plus forte des trois dernières années.

Comme axe et fondement des politiques menées, le Congrès national, sur proposition du pouvoir exécutif, a adopté une loi déclarant l’état d’urgence en matière administrative, économique, financière et énergétique pour une période d’un an, déléguant au pouvoir exécutif national des pouvoirs propres au pouvoir législatif, liés à la réorganisation de l’État. Elle établit également des mesures fiscales pour une politique d’ajustement économique et crée un régime d’incitation pour les grands investissements. La loi a fait l’objet de commentaires critiques de la part de l’Église, notamment de la part de la Commission nationale pour la Justice et la Paix de la Conférence épiscopale argentine (https://www.c5n.com/politica/la-iglesia-catolica-dispara-contra-el-dnu-y-la-ley-omnibus-n142803) et de l’évêché de Quilmes dans la province de Buenos Aires.

En outre, sur ce registre, l’aide de l’État aux cantines communautaires, soutenues par des organisations sociales et diverses Églises, y compris la Caritas de notre Église, a été considérablement réduite. Cela a donné lieu à des déclarations de la part de divers organes ecclésiaux. Il y a également eu des actions concrètes, comme celles de Mgr Jorge García Cuerva, archevêque de Buenos Aires, d’ouvrir les portes de la cathédrale pour offrir des repas partagés, ou celles de Mgr Eduardo García, évêque de San Justo, province de Buenos Aires, de célébrer une messe en hommage aux femmes qui, malgré la pénurie alimentaire, gèrent des soupes populaires qui nourrissent 20 000 personnes par jour dans son diocèse.

La situation sociale a augmenté l’insécurité. La réponse du gouvernement a été de proposer d’abaisser l’âge de la responsabilité pénale, qui est actuellement de 16 ans en Argentine, à 14 ans. La réponse de l’Église à cette proposition a également été claire : il faut éliminer les causes qui poussent les enfants et les adolescents à enfreindre la loi, en rappelant publiquement que la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant a une hiérarchie constitutionnelle en Argentine. Le président de la Commission épiscopale de pastorale sociale, Mgr. Jorge Lugones sj, a exprimé son rejet de l’initiative, critiquant en même temps la réduction du budget de l’éducation : « nous ne nous occupons pas de l’éducation, mais nous nous occupons de générer une loi qui ne nous sera d’aucune utilité ».

Enfin, il convient d’ajouter que le régime des avantages pour les grands investissements est principalement orienté vers les investissements dans les méga-mines, en particulier de lithium, et les hydrocarbures, notamment dans les fonds marins ou par fracturation. L’exploitation du lithium se fait par extraction de saumure au fond des salines dans le nord de l’Argentine et du Chili et dans le sud de la Bolivie, ce qui entraîne des dommages irréparables aux zones humides de haute altitude, affectant les animaux et les personnes. Il en va de même pour l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz dans les fonds marins. À cet égard, le gouvernement a nié que le changement climatique soit causé par l’activité humaine.

*Humberto Podetti, Président de la commission Justice et Paix de la conférence des évêques d’Argentine,
professeur titulaire de la chaire de Doctrine sociale de l’Église dans le cadre de la spécialisation en pensée latino-américaine à l’université nationale de Lanús.