« On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans. » André Malraux.

Dans un de ses romans, Maurice Leblanc imagine Arsène Lupin, nommé chef de la Sûreté.

Le grand argentier, le ministre socialiste Jérôme Cahuzac, chargé de lutter contre la fraude fiscale, la pratiquant lui-même et mentant effrontément au président de la République, au premier ministre et à la représentation nationale : la réalité dépasse la fiction.

Les partis de droite pensent généralement  qu’en politique les choix se font rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal, l’important étant d’assumer ces choix et de les expliquer.

Mais, comme le rappelle  Jacques Julliard (Les gauches françaises, Flammarion, 2012) en ce qui concerne l’adhésion aux idées de gauche, elle se fait autour de la croyance que le sens de l’histoire n’est rien s’il ne se traduit par un progrès de la moralité individuelle et collective (d’où le sentiment qu’en ce cas précis, la faute d’un homme atteint un idéal politique tout entier).

Pour autant, une politique qui se voudrait essentiellement morale ne serait généralement que la négation du réel. La démocratie prend les hommes tels qu’ils sont et ne cherche pas à modifier leurs mœurs, mais, si ses institutions et ses lois sont bonnes elle peut encourager l’esprit civique ; l’ambition est peut-être limitée ;c’est tout de même plus satisfaisant que de vouloir imposer la vertu, ce qui a toujours amené des politiques de terreur.

Sommes- nous donc condamnés à revenir sans cesse à la célèbre distinction de Max Weber entre éthique de conviction et éthique de responsabilité ?Un élément de débat se trouve peut être dans un film récent qui raconte les derniers mois de Lincoln, icône s’il en est de la morale et de la rigueur. L’on découvre qu’il retarde sciemment les négociations avec les sudistes pour mettre fin à la guerre de Sécession et qu’il achète les voix d’un certain nombre de congressistes afin de faire passer le treizième amendement : l’abolition de l’esclavage, qui va fondamentalement changer l’avenir de son pays.

Ne recherchons pas la transparence totale, elle serait insupportable ; contrôlons, réprimons les fraudeurs, mais la démocratie fonctionne parce qu’elle maintient une certaine séparation entre la sphère privée et la sphère publique.

Les mesures qui viennent d’être prises vont probablement dans le bon sens, mais elles n’auraient pourtant pas empêché ce qui s’est passé. Ces mesures seraient plus crédibles, si tous les agents publics étaient soumis à des procédures et à des institutions donnant les garanties d’un exercice impartial des charges publiques. Elles le seraient davantage si, enfin, s’engageait une véritable lutte pour éradiquer les paradis fiscaux en Europe et dans le monde.

Et puis ne généralisons pas : il y a en France 550 000 hommes et femmes élus. L’immense majorité est honnête, sincère, rigoureuse et au service du bien commun.

Repères

Max Weber, Le savant et le politique, Plon 10/18, Paris 1995 :

« Il n’existe aucune éthique au monde qui puisse négliger ceci : pour atteindre des fins « bonnes », nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d’une part des moyens moralement malhonnêtes ou pour le moins dangereux, et d’autre part, la possibilité ou encore l’éventualité de conséquences fâcheuses. Aucune éthique au monde ne peut nous dire non plus à quel moment et dans quelle mesure une fin moralement bonne justifie les moyens et les conséquences moralement dangereuses. »