Pour parler de cette question, je propose trois jalons répartis sur plus de 60 ans, c’est dire que l’entreprise est ancienne et sa réalisation hasardeuse.

Le premier est celui du traité de Bruxelles instituant l’Union occidentale en 1948 ; le second est la plate-forme de La Haye, 40 ans plus tard; le dernier est le très récent Conseil européen du 19 décembre 2013. En parcourant le long chemin des préoccupations militaires des Européens, on voit que le cadre stratégique actuel ne permet toujours pas d’accéder à une sécurité de l’Europe exercée par une force européenne classique.

On peut articuler une réflexion sur la sécurité européenne en périodes distinctes : la maturation de la guerre froide (1947/1990) ; la décennie des crises (1990/2000) ; celle des ambitions 2000/2010, avec comme fil directeur, l’émergence de l’Europe stratégique ; enfin le temps actuel des doutes.

L’Europe de la défense : l’approche décalée de la guerre froide (1947-1990)

A l’aspiration à la paix, la stabilité, la prospérité des peuples d’Europe de l’Ouest ravagés par la deuxième guerre mondiale s’est substituée, dès 1947, la crainte ressentie par les pays de l’éphémère Union occidentale de voir la force soviétique dépasser le cadre arrêté à Yalta. S’impose alors la nécessité de cristalliser la garantie américaine au profit de l’Europe occidentale et de renoncer au désarmement allemand pour disposer d’une base avancée et d’un tampon amortisseur face à l’armée rouge ; c’est l’objet des traités de Bruxelles en 1948 (premier jalon) puis de Washington en 1949. L’Alliance atlantique va permettre aux peuples européens d’être réassurés par l’un des vainqueurs du second conflit mondial, les Etats-Unis, contre les entreprises militaires de l’autre, l’URSS. Puis le traité de 1952 instituant la Communauté européenne de défense, la CED, va exprimer la vive préoccupation européenne, mais on se contentera du seul cadre de l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, en 1954.

La sécurité européenne empruntera alors des chemins non militaires à l’abri de la protection opérationnelle de l’Otan qui relaie l’UEO : la mise en commun des matières stratégiques avec la Communauté économique du charbon et de l’acier, la CECA puis celui du Marché commun qui va entreprendre d’unifier les pratiques économiques européennes avec le traité de Rome en 1957 pour déboucher sur l’Union économique et monétaire des années 1990. En mettant en cohérence leurs intérêts fondamentaux, les pays d’Europe occidentale consacrent leur communauté de destin, à l’abri de la puissance militaire américaine.

Dans ce système stable, ils organisent une coopération politique et réveillent l’UEO, au milieu des années 1980. Ils découvrent en effet, après le sommet américano-soviétique de Reykjavik en 1986, qu’on ne peut totalement superposer les intérêts de sécurité américains et européens au sein de l’Alliance atlantique et qu’il faut promouvoir l’identité européenne de sécurité et de défense. Car la construction d’une Europe intégrée sera « incomplète tant qu’elle ne s’étendra pas à la sécurité et à la défense ». Tel est l’objet principal de la plate-forme de La Haye en 1987, adoptée par l’UEO en pleine détente Est-Ouest (deuxième jalon).

Vers l’Europe stratégique: dix ans de démarches complexes (1990-2000).

La fin de la guerre froide est l’occasion pour la France de sortir de sa singularité stratégique, à l’arrière-plan militaire de l’Alliance atlantique depuis 1966. Forte de sa capacité de manœuvre et de son autorité stratégique, préservées par la vertu de sa dissuasion nucléaire, elle forme le projet de constituer l’Europe stratégique, de conférer à la construction européenne une nouvelle dimension. Pour y parvenir, elle prend, au début des années 1990, une part active dans les évolutions, tant de l’Alliance atlantique (Sommets de l’Otan de Londres et de Rome), que de l’UEO (installation du siège à Bruxelles) ou des Communautés économiques européennes (Sommet de Maastricht instituant l’Union européenne, l’UE). Mais trois tentatives seront nécessaires pour asseoir en 2000 à Nice un projet d’Europe stratégique.

La première établit l’UEO, « bras armé de l’Union européenne », comme passerelle entre la défense atlantique confiée à l’Otan et la construction européenne assurée par l’UE. L’UEO sera désormais développée comme composante de défense de l’Union européenne et moyen de renforcer « le pilier européen de l’Alliance atlantique » ; elle définit  le cadre de missions spécifiques de gestion de crise à Petersberg en 1992, dans l’esprit d’alors, tourné vers une diplomatie préventive exercée pour le compte des Nations Unies. Sous la pression de la dislocation violente de la fédération yougoslave, la disqualification de l’UEO ne tarde pourtant pas, incapable qu’elle est de fédérer les efforts militaires et diplomatiques des Européens dans les Balkans. Elle ne se relèvera pas de cette impuissance à laquelle certains de ses membres ont veillé à la confiner.

Au vu des difficultés rencontrées, la France va reporter son effort sur l’affirmation de l’identité européenne au sein de l’Otan à partir de 1994. Elle veut  consolider « un pilier européen de l’Alliance », en se rapprochant de l’Otan à partir de décembre 1995 et en esquissant activement un directoire européen à 3 au sein de l’Alliance à 16 (alors), à l’été 1996. Une dispute sur la distribution des responsabilités de commandement entre Européens et Américains qui se cristallise sur Naples empêchera ce second projet d’Europe stratégique.

La troisième étape prend naissance à Londres en 1998 grâce à Tony Blair, le nouveau Premier ministre britannique et sous la pression des actions militaires de l’Otan au Kosovo qui voient les Européens marginalisés par des Américains qui imposent stratégies et objectifs. Après une esquisse franco-britannique à St Malo fin 1998, une appropriation européenne à Cologne mi-1999, c’est à Helsinki, fin 1999, que l’Europe stratégique se manifeste par un « objectif global et des objectifs collectifs » de capacités stratégiques européennes.

Ce projet vitalise la construction européenne, prolonge la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, lancée à Amsterdam en 1997 et relaie les efforts antérieurs dans une perspective à la fois modeste et moderne. En ouvrant une voie alternative à l’autonomie stratégique qui fait partie de son héritage gaulliste, la France ne s’interdit plus de transférer son autorité militaire à un dispositif de sécurité collective qu’elle contrôle tout en échappant à l’alignement atlantique refusé en 1966 et récusé en 1996.

On peut mesurer ici le chemin déjà parcouru depuis la fin de la Seconde guerre mondiale : pas de conflit armé en Europe depuis plus de 50 ans et toute guerre interétatique entre Européens mise définitivement hors la loi ; mise en ordre générale des minorités, des frontières, des systèmes politiques ; ouverture générale de la circulation des biens, des personnes, des idées, des capitaux ; relations de bon voisinage généralisées et favorisées par de multiples enceintes de coopération et de consultation; forces multinationales développées et engagements opérationnels communs dans les Balkans avec rotation des responsabilités; un début de coordination générale des appareils de défense des pays d’Europe illustrée par des acquisitions faites ensemble, une entreprise méthodique de développement autonome de capacités européennes de gestion des crises.

Le temps des ambitions et des réalisations (2000-2008)

La construction de l’Europe de la défense a pris forme avec le lancement effectif, en mars 2000, d’une politique européenne commune de sécurité et de défense, la PECSD, ou plus simplement PESD. Elle va piloter la convergence progressive des appareils de sécurité des Etats membres pour préparer une formule de défense commune dès que le Conseil européen y sera disposé. Cette PESD innove : c’est une formule singulière qui ne dispose ni de chaîne de commandement permanente, ni de budget alloué, ni de zone d’action définie. Elle s’articule sur des structures légères du niveau stratégique qui permettent d’apprécier la situation, de choisir le mode d’action approprié et d’en piloter l’exécution avec une chaîne de prise de décision politico-militaire et une chaîne d’expertise civilo-militaire et juridique. Elle établit un jeu de procédures de planification stratégique de la gestion de crise, de mobilisation d’un réservoir de forces militaires et de police par une planification opérationnelle de principe. Elle définit ses possibilités d’action, soit en autonomie, soit avec des moyens et des capacités de l’Otan. Elle développe enfin une démarche capacitaire par l’entretien de réservoirs de moyens et la réduction des déficits en moyens stratégiques.

Les années 2003 et 2004 sont des années fructueuses avec l’arrivée à maturation des efforts: opérations de terrain en Bosnie, ARYM (en relève de l’Onu et de l’Otan), en Afrique (urgence humanitaire) ; adoption d’une stratégie européenne de sécurité  « une Europe sûre dans un monde meilleur » ; élargissement à 10 nouveaux membres qui homogénéise le profil stratégique de l’UE à l’Est et au Sud du continent européen ; travaux portant sur un traité constitutionnel dont la dimension de défense comprend des éléments nouveaux: une clause de solidarité politique ouvrant la porte à une clause de défense mutuelle, des coopérations structurées en matière de défense et de sécurité, une Agence européenne de l’armement et l’ouverture d’une perspective PESD 2010 balisant la voie d’une rationalisation-convergence des appareils de défense et de sécurité des 25  Etats membres, 20 ans après la fin de la guerre froide. Le cadre paraît viable et la perspective prometteuse.

Le temps des doutes (2008-2014)

Pourtant, principalement avec la crise financière européenne qui se développe à partir de 2008, un désenchantement général s’installe progressivement dans l’Europe de la défense qui conduit à un tassement des ambitions et des réalisations. La phase de consolidation de la PESD s’est rapidement limitée à l’amélioration des structures, des procédures et des prises de décisions collectives initiales. Les budgets ne suivent plus et les nouveaux arrivés ne jurent que par l’Otan. Après avoir lancé un certain nombre de projets dont elle ne récolte les bénéfices que très progressivement (QG d’opérations, A400 M, drones, gendarmerie européenne, éducation/entraînement communs) et renforcé sa capacité de réaction rapide avec les groupes tactiques mais sans les utiliser, la PESD semble saisie par le doute.

Deux raisons majeures peuvent l’expliquer, la question sans cesse différée de la consolidation de la PESC par une vision et une ambition stratégique communes, de l’utilisation réelle des structures et des instances que prévoit le traité de Lisbonne de l’Union adopté en 2007 et surtout l’impossible corrélation des entreprises et des moyens militaires européens avec ceux de l’Otan dont la complémentarité reste une gageure ou une utopie. La France a d’ailleurs fortement contribué à alimenter ce doute en réintégrant la structure militaire de l’Otan en 2009 et en signant un traité militaire exclusif avec le Royaume-Uni en 2010. Le Conseil européen de décembre 2013 (troisième jalon) en consacrant un blocage majeur, notamment du fait de l’intransigeance britannique, a cristallisé les doutes  pesant sur l’avenir de l’Europe de la défense, dont le principe même est aujourd’hui contesté.

Obstacles et enjeux

Trois freins structurels empêchent sans doute le développement d’une Europe stratégique instituant l’Europe de la défense autour d’un noyau d’Europe militaire.

  • L’absence de menace militaire en Europe. La fin de l’ennemi proche et des guerres interétatiques a reporté les tensions militaires à la périphérie du continent ; il en a résulté une relativisation constante de l’outil militaire des Européens comme instrument de sécurité de l’Europe et l’oubli progressif du passé conflictuel européen. Dès lors que le voisin à la frontière est, non plus un ennemi, mais d’abord un partenaire dans l’Union européenne, les Européens ne se voient plus d’ennemis proches et ne gèrent plus que des périphéries, avec des sas d’entrée, des procédures et des partenariats.
  • Le dilemme de la puissance européenne. Trois modèles sont en compétition qui ne peuvent pas converger aujourd’hui : le britannique, de puissance marchande et financière, l’allemand, de puissance civile et sociale; et le français de plein exercice ; avec la puissance normative communautaire en surplomb des modèles étatiques traditionnels.
  • La construction européenne est de facto enrôlée dans une vaste manœuvre stratégique de confinement de la Chine dont l’Otan exerce la pince eurasiatique via la Méditerranée et l’Asie centrale. Les élargissements successifs de l’Otan et de l’Union européenne ont de fait été conduits au cours de la décennie passée avec cette arrière-pensée de préparer un camp occidental élargi à faire face à un nouvel antagonisme latent, celui d’une Asie envahissante avec un champion résurgent et menaçant, la Chine.

On comprend bien que, sans vision commune du danger, sans définition partagée de la puissance, sans géographie établie de l’UE, sans frontières physiques, économiques et culturelles à défendre ensemble, il est difficile d’organiser une Europe de la défense. Aucun système de sécurité collectif ne peut en effet correctement se développer si l’espace qu’il protège est soit informel, soit intermédiaire, soit abstrait et provisoire, soit second par rapport à une communauté principale, l’Occident en l’occurrence.

La philosophie de l’histoire européenne.

On accuse facilement les Européens de lâcheté et de pacifisme, alors que c’est d’une sagesse acquise à grand prix qu’on pourrait les créditer. On déplore leurs budgets militaires mesurés et leur combativité déclinante au service des idéaux qui structurent leurs sociétés, alors qu’ils pourraient avoir compris avant d’autres que la paix durable n’est pas le silence des armes que procure la victoire militaire mais le voisinage assumé de l’altérité et le développement construit des intérêts communs. Aussi sont-ils attentifs aux intérêts communs régionaux, à une certaine forme de modération militaire locale et à l’élaboration en commun d’un espace collectif de sécurité, de justice et d’équité qui diffuse autour d’eux l’avenir plus stable et plus intégré d’une dynamique européenne vertueuse. Qu’en conclure ? Que nous ne pourrons pas trouver de système durable de sécurité collective avant que soit enfin organisé le puzzle sociopolitique qui regroupe le presque un milliard d’habitants qui vivent de l’Atlantique à l’Oural et du Cap Nord au Sahel.

Les années passent. Certains interlocuteurs changent. Mais, apparemment, rien ne change. Tout s’enkyste.

Décrire la situation consiste à reprendre le même refrain en se demandant cependant si quelque chose n’est pas en train de changer. D’année en année, on se dit : cela ne peut pas durer. Et cela dure !

Sans cesse, l’on reprend l’histoire pour comprendre.

1917 : Balfour, le Ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni, déclare : « Le gouvernement de Sa Majesté voit favorablement l’établissement d’un « chez soi » national en Palestine du peuple juif. » Depuis, la violence n’a jamais cessé d’exister.

On connaît actuellement les tirs de roquette des Palestiniens sur les Israéliens. On connaît moins le nombre de meurtres perpétrés par les colons israéliens.

Bref rappel historique

1936-1939 : les Palestiniens se révoltent contre les Britanniques.

1947 : plan de partage de l’ONU refusé par les Palestiniens.

1948 : après avoir déclaré son indépendance, l’Etat d’Israël fait face à une guerre des Etats arabes voisins, perdue par eux. 78 % du territoire est annexé par Israël et la Cisjordanie l’est par la Transjordanie.

1967 : après la guerre des 6 jours, l’Etat d’Israël occupe la Cisjordanie et Gaza, les 22 % restant de la Palestine, et les place sous juridiction militaire (ce que condamne la résolution 242 de l’O. N. U.).

1987 : première intifada.

1988 : Yasser Arafat proclame l’indépendance de la Palestine, et reconnaît l’existence de l’Etat d’Israël.

1991 : une conférence à Madrid, organisée par l’Espagne, patronnée par l’URSS et les Etats-Unis, fait se rencontrer officiellement pour la première fois Israéliens et Palestiniens.

1998 : à Oslo, une déclaration de principe est signée par Arafat et le Premier Ministre d’Israël, Yitzhak Rabin. Arafat reconnaît le droit d’Israël à vivre dans la paix et la sécurité. Il renonce à la violence (sous- entendu aux attentats contre les intérêts d’Israël à l’extérieur. On se souvient des Jeux Olympiques de Munich). Les principes d’Oslo fixent un processus de cinq ans pour qu’Israël quitte les territoires occupés. L’O L P doit assurer la sécurité des territoires occupés. Une section de l’article XVI des principes prévoyait la libération des prisonniers palestiniens.

1999 : après une discussion à Wye River, un mémorandum fut signé à Sharm El Sheikh pour la libération des prisonniers palestiniens. C’est cet accord qui vient d’être appliqué en 2014.

2000 : sommet de Camp David qui se termine par un échec.

2000 : deuxième intifada.

2002-2003 : la Ligue arabe propose un plan de paix qui aurait pour but de régulariser la situation entre Israël et 57 pays arabes (en échange de la reconnaissance d’Israël et de l’application de la résolution 194 des Nations Unies sur les réfugiés).

2003 : un « quartet » est mis en place (U. S. A., Russie, Europe, Nations Unies) qui établit une feuille de route pour aller vers l’établissement de deux Etats souverains.

2005 : unilatéralement, Israël évacue Gaza tout en en fermant les frontières.

2007-2008 : une conférence se tient à Annapolis pour mettre en place la phase 1 de la « feuille de route ». Elle butte sur la demande d’Israël que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un « Etat juif » et sur une nouvelle vague de colonisation dans les territoires occupés.

2010 : Georges Mitchell, sénateur américain, est chargé de renouer les discussions, mais celles-ci échouent lorsque Israël décide d’intensifier la colonisation.

Les négociations

2013 : le Secrétaire d’Etat John Kerry est chargé de trouver un chemin vers la paix. Il se donne d’abord six mois, puis neuf. En principe, les négociations secrètes devraient s’achever fin mars 2014.Le monde entier souhaite que Kerry réussisse.

Apparemment, la paix ne préoccupe pas tous les Israéliens, tant la vie, dans une large part d’Israël, se passe « normalement ». Les colons israéliens, eux, en ont peur.

Les Palestiniens la souhaitent, mais n’y croient pas. Toutes les personnes que j’ai rencontrées estiment que les Israéliens ne lâcheront rien. Les Palestiniens ne sont ni dans la peur, ni dans la haine. Quelquefois proches de la dépression. Certains ont une vraie soif de vivre. Les diplomates de Tel Aviv espèrent que Kerry réussira. A vrai dire, ils semblent plus intéressés par le renforcement des liens économiques avec Israël que par l’idée de mettre tout le poids politique et économique –notamment de l’Europe – pour résoudre le problème.

Chacun s’accorde à dire que les Américains semblent se donner les moyens de réussir.

Vue de Jérusalem et de Ramallah, la situation apparaît bloquée : pour beaucoup, les gouvernements d’Israël, de l’Autorité palestinienne, des Etats-Unis sont trop faibles pour imposer un changement à une opinion divisée. Et l’Europe –qui paie beaucoup- ne semble pas avoir d’autorité politique.

Obstacles et progrès

Comme les conversations sont secrètes, il est difficile de démêler les informations vérifiables des rumeurs plus ou moins intéressées à faire capoter les négociations.

Cependant, il est relativement facile d’énumérer les sujets difficiles: la sécurité, le tracé des frontières, les réfugiés, les prisonniers, la libre circulation, les colonies, les solutions de continuité entre le moment actuel et la paix.

A l’évidence, Israël négocie en position de force. Son avis sera déterminant, d’autant que les Américains lui ont toujours prêté la plus grande attention. On peut penser qu’Israël demandera que la Palestine soit un Etat démilitarisé qui devra accepter qu’Israël assure la sécurité des colonies et des routes y conduisant. Israël peut accepter qu’un aéroport, en Jordanie, desserve l’Etat palestinien, à la double condition d’en partager le contrôle avec les autorités palestiniennes et d’avoir un contrôle sur la vallée du Jourdain.

A l’évidence, la Palestine devra abandonner l’idée de faire reconnaître le droit de retour des réfugiés en Palestine (60 % des Palestiniens sont réfugiés en dehors de la Palestine), même si l’on peut penser à une série d’exceptions et à un fonds alimenté internationalement pour dédommager certains d’entre eux.

En échange de quoi, Israël reconnaîtrait les frontières de 1967 sans qu’il soit évident que le gouvernement israélien accepte vraiment ces frontières et non celles du Mur qu’il a toujours bâti à l’intérieur du territoire palestinien. Il accepterait une capitale symbolique pour la Palestine dans la vieille ville de Jérusalem.

Les cris d’orfraie poussés par certains Israéliens peuvent faire penser que les négociations sont entrées dans une phase significative, celle où le courage politique va devenir nécessaire.

Et les chrétiens ?

Reste pour nous, chrétiens, un point aveugle.

A l’évidence, le sort des Chrétiens n’est pas pris en compte dans ce qui se cherche.

La Cour suprême de l’Etat d’Israël doit trancher l’affaire du Mur de la vallée de Crémisan.

Ce sera un signe.

Là le mur est destiné à terminer la mise en place d’une couronne de construction de colonies autour de Jérusalem, pour isoler la ville du reste de la Palestine.

Son but n’est évidemment pas la sécurité (il suffirait qu’il soit dans la partie israélienne, et rectiligne, alors qu’il est prévu qu’il épouse les sinuosités du terrain pour supprimer aux Chrétiens de cette vallée toute possibilité d’agriculture).

Au-delà de toutes les déclarations, le jugement de la Cour suprême sera le signe d’une volonté politique réelle d’aller vers la paix et de garder une communauté chrétienne ou sera le signe que, jusqu’à présent, les discussions n’ont été qu’un prétexte pour gagner du temps.