Demain, peut-être ! Israël et Palestine

Les années passent. Certains interlocuteurs changent. Mais, apparemment, rien ne change. Tout s’enkyste.

 

Décrire la situation consiste à reprendre le même refrain en se demandant cependant si quelque chose n’est pas en train de changer. D’année en année, on se dit : cela ne peut pas durer. Et cela dure !

Sans cesse, l’on reprend l’histoire pour comprendre.

1917 : Balfour, le Ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni, déclare : « Le gouvernement de Sa Majesté voit favorablement l’établissement d’un « chez soi » national en Palestine du peuple juif. » Depuis, la violence n’a jamais cessé d’exister.

On connaît actuellement les tirs de roquette des Palestiniens sur les Israéliens. On connaît moins le nombre de meurtres perpétrés par les colons israéliens.

Bref rappel historique

1936-1939 : les Palestiniens se révoltent contre les Britanniques.

1947 : plan de partage de l’ONU refusé par les Palestiniens.

1948 : après avoir déclaré son indépendance, l’Etat d’Israël fait face à une guerre des Etats arabes voisins, perdue par eux. 78 % du territoire est annexé par Israël et la Cisjordanie l’est par la Transjordanie.

1967 : après la guerre des 6 jours, l’Etat d’Israël occupe la Cisjordanie et Gaza, les 22 % restant de la Palestine, et les place sous juridiction militaire (ce que condamne la résolution 242 de l’O. N. U.).

1987 : première intifada.

1988 : Yasser Arafat proclame l’indépendance de la Palestine, et reconnaît l’existence de l’Etat d’Israël.

1991 : une conférence à Madrid, organisée par l’Espagne, patronnée par l’URSS et les Etats-Unis, fait se rencontrer officiellement pour la première fois Israéliens et Palestiniens.

1998 : à Oslo, une déclaration de principe est signée par Arafat et le Premier Ministre d’Israël, Yitzhak Rabin. Arafat reconnaît le droit d’Israël à vivre dans la paix et la sécurité. Il renonce à la violence (sous- entendu aux attentats contre les intérêts d’Israël à l’extérieur. On se souvient des Jeux Olympiques de Munich). Les principes d’Oslo fixent un processus de cinq ans pour qu’Israël quitte les territoires occupés. L’O L P doit assurer la sécurité des territoires occupés. Une section de l’article XVI des principes prévoyait la libération des prisonniers palestiniens.

1999 : après une discussion à Wye River, un mémorandum fut signé à Sharm El Sheikh pour la libération des prisonniers palestiniens. C’est cet accord qui vient d’être appliqué en 2014.

2000 : sommet de Camp David qui se termine par un échec.

2000 : deuxième intifada.

2002-2003 : la Ligue arabe propose un plan de paix qui aurait pour but de régulariser la situation entre Israël et 57 pays arabes (en échange de la reconnaissance d’Israël et de l’application de la résolution 194 des Nations Unies sur les réfugiés).

2003 : un « quartet » est mis en place (U. S. A., Russie, Europe, Nations Unies) qui établit une feuille de route pour aller vers l’établissement de deux Etats souverains.

2005 : unilatéralement, Israël évacue Gaza tout en en fermant les frontières.

2007-2008 : une conférence se tient à Annapolis pour mettre en place la phase 1 de la « feuille de route ». Elle butte sur la demande d’Israël que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un « Etat juif » et sur une nouvelle vague de colonisation dans les territoires occupés.

2010 : Georges Mitchell, sénateur américain, est chargé de renouer les discussions, mais celles-ci échouent lorsque Israël décide d’intensifier la colonisation.

Les négociations

2013 : le Secrétaire d’Etat John Kerry est chargé de trouver un chemin vers la paix. Il se donne d’abord six mois, puis neuf. En principe, les négociations secrètes devraient s’achever fin mars 2014.Le monde entier souhaite que Kerry réussisse.

Apparemment, la paix ne préoccupe pas tous les Israéliens, tant la vie, dans une large part d’Israël, se passe « normalement ». Les colons israéliens, eux, en ont peur.

Les Palestiniens la souhaitent, mais n’y croient pas. Toutes les personnes que j’ai rencontrées estiment que les Israéliens ne lâcheront rien. Les Palestiniens ne sont ni dans la peur, ni dans la haine. Quelquefois proches de la dépression. Certains ont une vraie soif de vivre. Les diplomates de Tel Aviv espèrent que Kerry réussira. A vrai dire, ils semblent plus intéressés par le renforcement des liens économiques avec Israël que par l’idée de mettre tout le poids politique et économique –notamment de l’Europe – pour résoudre le problème.

Chacun s’accorde à dire que les Américains semblent se donner les moyens de réussir.

Vue de Jérusalem et de Ramallah, la situation apparaît bloquée : pour beaucoup, les gouvernements d’Israël, de l’Autorité palestinienne, des Etats-Unis sont trop faibles pour imposer un changement à une opinion divisée. Et l’Europe –qui paie beaucoup- ne semble pas avoir d’autorité politique.

Obstacles et progrès

Comme les conversations sont secrètes, il est difficile de démêler les informations vérifiables des rumeurs plus ou moins intéressées à faire capoter les négociations.

Cependant, il est relativement facile d’énumérer les sujets difficiles: la sécurité, le tracé des frontières, les réfugiés, les prisonniers, la libre circulation, les colonies, les solutions de continuité entre le moment actuel et la paix.

A l’évidence, Israël négocie en position de force. Son avis sera déterminant, d’autant que les Américains lui ont toujours prêté la plus grande attention. On peut penser qu’Israël demandera que la Palestine soit un Etat démilitarisé qui devra accepter qu’Israël assure la sécurité des colonies et des routes y conduisant. Israël peut accepter qu’un aéroport, en Jordanie, desserve l’Etat palestinien, à la double condition d’en partager le contrôle avec les autorités palestiniennes et d’avoir un contrôle sur la vallée du Jourdain.

A l’évidence, la Palestine devra abandonner l’idée de faire reconnaître le droit de retour des réfugiés en Palestine (60 % des Palestiniens sont réfugiés en dehors de la Palestine), même si l’on peut penser à une série d’exceptions et à un fonds alimenté internationalement pour dédommager certains d’entre eux.

En échange de quoi, Israël reconnaîtrait les frontières de 1967 sans qu’il soit évident que le gouvernement israélien accepte vraiment ces frontières et non celles du Mur qu’il a toujours bâti à l’intérieur du territoire palestinien. Il accepterait une capitale symbolique pour la Palestine dans la vieille ville de Jérusalem.

Les cris d’orfraie poussés par certains Israéliens peuvent faire penser que les négociations sont entrées dans une phase significative, celle où le courage politique va devenir nécessaire.

Et les chrétiens ?

Reste pour nous, chrétiens, un point aveugle.

A l’évidence, le sort des Chrétiens n’est pas pris en compte dans ce qui se cherche.

La Cour suprême de l’Etat d’Israël doit trancher l’affaire du Mur de la vallée de Crémisan.

Ce sera un signe.

Là le mur est destiné à terminer la mise en place d’une couronne de construction de colonies autour de Jérusalem, pour isoler la ville du reste de la Palestine.

Son but n’est évidemment pas la sécurité (il suffirait qu’il soit dans la partie israélienne, et rectiligne, alors qu’il est prévu qu’il épouse les sinuosités du terrain pour supprimer aux Chrétiens de cette vallée toute possibilité d’agriculture).

Au-delà de toutes les déclarations, le jugement de la Cour suprême sera le signe d’une volonté politique réelle d’aller vers la paix et de garder une communauté chrétienne ou sera le signe que, jusqu’à présent, les discussions n’ont été qu’un prétexte pour gagner du temps.