La liberté religieuse au Pakistan

Une délégation d’ONG pakistanaises s’est rendue en septembre dans plusieurs pays européens pour informer les autorités dans le cadre de la préparation de l’Examen périodique universel qui aura lieu pour ce pays mi-novembre.

L’examen périodique universel

Il s’agit d’un mécanisme unique créé en 2006 par les Nations unies, lors de la définition du mandat du Conseil des droits de l’homme. Il consiste en l’examen de tous les États membres de l’ONU par leurs pairs. Il vise à dresser un état des lieux des moyens mis en œuvre par chaque État pour maintenir et améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire, et à traiter des violations de ces dits droits.

Les difficultés des minorités religieuses

Après Bruxelles, La Haye et Oslo la délégation est venue à Paris avant de se rendre à Londres. A Paris elle a rencontré la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Ministère des Affaires étrangères (Asie ; Droits de l’homme et droit humanitaire), le Service National de la Mission Universelle de la Conférence des évêques de France et bien sûr Justice et Paix.

Conduite par Peter Jacob (Center for Justice, ex secrétaire général de Justice et Paix Pakistan), elle a mis l’accent sur les difficultés rencontrées par les minorités religieuses dans le système éducatif, sur les effets dramatiques de la loi contre le blasphème, sur l’inégalité constitutionnelle qui frappe les minorités et la difficulté à mettre en place une Commission nationale pour les droits des minorités.

Le Center for social Justice est une sorte de tête de réseau pour une quinzaine d’ONG dont la Commission nationale Justice et Paix. Il publie et diffuse à l’occasion de cet examen périodique universel une analyse de la liberté de religion. D’autres groupes d’ONG pakistanaises et internationales traitent d’autres sujets.

Les recommandations visent plusieurs thèmes, par exemple :

  • L’abrogation de la loi contre le blasphème à cause laquelle des milliers de personnes ont été emprisonnées et soumises à des procès inéquitables, à cause de laquelle des centaines de maisons appartenant à des chrétiens et à des hindous ont été détruites. 60 personnes ont été tuées ces dernières années et des crimes de haine commis.
  • Le retrait dans les livres scolaires des textes haineux
  • La nécessité d’une législation luttant contre les conversions forcées à l’islam.
  • La fin des discriminations à l’embauche contre les minorités.

La peine de mort

La question de la peine de mort a été abordée lors des entretiens à Paris. De fait un moratoire existait au Pakistan mais les autorités l’ont levé en 2015. Malgré les protestations de l’Union européenne et des Nations unies, le gouvernement a décidé de lever complètement e moratoire sur la peine capitale, peu après le raid taliban contre une école de Peshawar (nord-ouest), ayant fait 153 morts à la mi-décembre 2014, en autorisant les exécutions de condamnés à mort dans les seules affaires de terrorisme.

Selon Amnesty International, près de 8 000 condamnés à mort croupissent aujourd’hui dans les prisons au Pakistan. Et environ 1 000 prisonniers condamnés à mort ont épuisé tous leurs recours, incluant leur demande de grâce au président.

Le maintien du moratoire avait pourtant été considéré comme l’un des points clés ayant permis au Pakistan d’obtenir un statut économique spécial de la part de l’Union européenne.».

Recommandations de 2008 et 2012

Dans le même registre, parmi les 22 recommandations formulées après l’examen périodique de 2012, 4 seulement ont été partiellement mises en œuvre : de petites actions contre des violations de la liberté religieuse, quelques actions administratives inefficaces contre le blasphème, une loi contre les discours de haine, la représentation des minorités dans des assemblées législatives.

Rien par contre à propos des discriminations contre les femmes et les minorités religieuses ou les groupes vulnérables. Rien pour améliorer le système éducatif. Rien contre les actes de violence à fondement religieux, sauf en matière de terrorisme. Rien pour promouvoir le dialogue interreligieux et une culture de tolérance. Rien pour abolir la loi sur le blasphème.

Pourquoi la liberté religieuse est-elle un pivot de la transformation sociale?

Peter Jacob préface le document élaboré pour l’examen périodique universel :

« Afin de construire un récit propice à faire naître au Pakistan une attitude tolérante, inclusive et une société pluraliste, un véritable cadre de reconnaissance de la liberté religieuse de tous les citoyens doit être mis en œuvre, l’Etat devrait s’engager à respecter, promouvoir, protéger et assurer la liberté de religion ou de conviction. Les institutions étatiques ont non seulement la responsabilité d’autoriser les libertés et de s’abstenir d’interférer dans la liberté de conscience, la religion, la croyance et l’expression des personnes, mais ont aussi un devoir important de contenir des éléments dans la société contre la violation des libertés des peuples.

Rétablir un statut égal et digne de tous les citoyens signifie de respecter la liberté religieuse de tous les citoyens, comme pivot pour la transformation sociale. »