Pakistan. Le « pays des purs » et les Droits de l’homme

Suite à sa récente visite, Navi Pillay, Haut-commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, félicite lors d’une conférence de presse le Gouvernement pour les avancées accomplies dans le champ des droits de l’Homme.

La ratification de traités ou accords -en n’oubliant pas d’en recommander l’application- ; la mise en place récente d’une Commission Nationale des Droits de l’Homme.

Elle relève plusieurs aspects inquiétants. Il existe ainsi depuis 4 ans, un moratoire de facto dans l’application de la peine de mort, mais il y a plus de 8 000 personnes menacées d’exécution. Il faut modifier le code pénal pour diminuer le nombre de cas où la peine est applicable.

Le nombre de femmes ayant accédé à des postes importants en politique s’est accru, et des lois ont été votées pour  protéger les femmes de la violence, notamment pour punir les attaques à l’acide : elles doivent être renforcées et appliquées. Les femmes voient leurs droits peu respectés, particulièrement dans les régions rurales. Un cas récent illustre cela : la peine de mort aurait été prononcée par une assemblée locale de la province de Khyber à l’encontre de cinq femmes accusées d’avoir dansé lors d’un mariage. Il existe une justice parallèle, notamment dans les zones tribales, qui ne tient pas compte des garanties prévues par la Constitution. Enfin le taux d’analphabétisme des femmes et jeunes filles des régions tribales est particulièrement élevé.

Mme Pillay insiste sur l’indispensable non-discrimination selon le sexe, la religion ou le groupe social. La loi, contrairement aux accords internationaux, ne protège pas tous les citoyens du pays. L’absence d’égalité est illustrée par les nombreuses plaintes émanant d’Ahmadis, de Chrétiens, de Chiites, d’Hindouistes, de Sikhs et de Dalits : ils expriment leur désespoir devant l’impunité dont jouissent leurs agresseurs. Il s’agit notamment d’une utilisation abusive de la loi sur le blasphème et des pressions subies par les avocats et les magistrats.

Des menaces graves pèsent souvent sur les journalistes, les avocats et les défenseurs des droits de l’Homme, émanant notamment des services secrets: au cours de la semaine où la Haut-commissaire se trouvait dans le pays, Mme Asma Jehangir, avocate respectée des Droits de l’Homme et ancienne présidente de l’Association des avocats auprès de la Cour Suprême, a été informée par une source sûre d’un projet élaboré « au plus haut niveau de l’appareil de sécurité » de l’assassiner en raison de sa dénonciation courageuse des manquements aux Droits de l’Homme. Le Premier ministre a assuré Mme Pillay que la sécurité de Mme Jehangir serait garantie. Mais la Haut-commissaire souligne que ce cas, ainsi que celui d’un journaliste assassiné en 2011, s’ajoutent à d’autres affaires qui conduisent à redouter que des forces étatiques ou non-étatiques agissent à l’encontre d’une démocratie authentique et des Droits de l’Homme.

Ce tableau est confirmé par une interview récente[1] de Paul Bhatti, conseiller pour l’Harmonie sociale auprès du premier ministre et frère de Shahbaz Bhatti, Ministre des minorités religieuses assassiné en 2011.

Il souligne que les groupes islamistes ont une influence prépondérante, imposant des discriminations envers les minorités religieuses et un fort niveau d’intolérance. Le gouvernement est aux prises avec une grave crise économique, le terrorisme et la montée de la pauvreté. Or les plus pauvres et les plus faibles, ce sont les Chrétiens : ils sont souvent réduits à un état proche de l’esclavage en particulier en milieu rural.

On ne pourra pas obtenir l’abolition ou l’amendement des lois anti-blasphème, dans les conditions actuelles : il faut essayer de limiter les dégâts provoqués par leur mauvaise utilisation. Mais tout changement doit, pour réussir, être proposé par des Pakistanais, et non venir de l’étranger. C’est pourquoi ceux qui, à l’étranger, souhaitent aider les chrétiens du Pakistan doivent, pour être efficaces, prendre contact avec les associations et les personnes qui sur place travaillent à la défense des minorités religieuses.