Quel avenir pour les peuples du Myanmar ?

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Au moment où le nouveau Parlement du Myanmar devait être installé à Naypyidaw la capitale le 1er février, l’armée a pris le pouvoir et arrêté nombre de dirigeants du pays, le Président de la République et Aung Sang Suu Kyi qui sont depuis lors en résidence surveillée, mais aussi des militants du parti majoritaire qu’est la Ligue Nationale pour la Démocratie et des leaders du mouvement étudiant.

Les militaires n’ont pas supporté d’avoir reçu si peu de votes pour leur propre parti politique animé par d’anciens officiers, lors des élections de novembre dernier. Le système installé au moment où ils ont accepté le retour à la démocratie, qui prévoit que la vice-présidence et trois ministères importants leur soient réservés ainsi qu’un quart des sièges au Parlement, leur donne pourtant des garanties. L’accusation de fraude massive pour justifier leur intervention n’est qu’un écran de fumée.

Les vraies raisons sont à chercher du côté des craintes que faisait peser, sur leurs privilèges, les progrès de la démocratie. L’armée est en effet à la tête de conglomérats économiques qui lui donnent une entière autonomie.

Mais elles sont aussi à chercher du côté de la République populaire de Chine. Les protestations de la communauté internationale contre le coup d’état ont été générales à l’exception de certains pays dont la Chine. Ayant soutenu, plus ou moins discrètement, les militaires durant la longue dictature qu’a connu le pays, elle n’aime pas l’idée d’avoir à ses portes une démocratie active. Ses intérêts économiques y sont aussi majeurs, en particulier dans le champ des ressources naturelles et pour l’accès convoité à l’océan indien à travers le pays. Tous les appels à rétablir la démocratie et les sanctions annoncées n’auront hélas, à cause de ce partenariat privilégié avec la Chine, que peu d’effets.

Le coup d’état a soulevé les populations, signe de leur maturité politique chèrement acquise : les jeunes, qui pourtant n’ont pas connu la dictature militaire et qui n’en veulent pas, et tout le peuple qui avait choisi de soutenir massivement lors des élections la LND d’Aung Sang Suu Kyi. L’armée a cherché à couper les communications, mais sans grand succès, ne s’étant pas préparée à faire face sur ce terrain. Les réseaux sociaux ont donc permis jusqu’à présent de soutenir une mobilisation remarquable pour demander le retour immédiat de l’état de droit, inventant des modes d’action inédits prenant de court les militaires qui n’ont fait qu’augmenter la répression.

Le Myanmar est peuplé de 135 groupes ethniques reconnus, le plus important étant celui des Bamars (61 % de la population) qui ont un complexe de supériorité sur les autres groupes ethniques. Ces minorités, ethniques mais aussi religieuses, ont particulièrement peur d’un retour à la violence qu’elles ont connue par le passé. Les Rohingyas ont été des victimes atroces d’une volonté d’éradication de la part des militaires, victimes les plus connues de la communauté internationale mais pas les seules. Le peuple Kachin par exemple, dans le nord du pays, vit depuis des années entre bombardements et déplacements internes.

Sentant le vent venir, le cardinal Charles Bo, archevêque de Yangon, également président de la Fédération des Conférences Épiscopales d’Asie (FABC) et vice-président de Religions pour la Paix, avait lancé un appel au calme et au respect du verdict des urnes. Il n’aura pas été entendu.

Le lendemain du coup d’état, il publie un autre appel demandant à tous de rester calmes et de ne pas recourir à la violence. « La paix est la seule option, il y a toujours des voies non violentes pour exprimer notre opposition… Les événements actuels sont le triste résultat d’un manque de dialogue et de communication et de visions divergentes. »

Il souhaite que « cette histoire douloureuse et dramatique se termine le plus tôt possible. La Communauté Internationale doit réagir vigoureusement, en particulier en demandant dans un premier temps la libération des personnes arrêtées et en exigeant le retour à l’état de droit. »

Il redit à la Communauté Internationale que « des sanctions risquent de faire sombrer l’économie, en jetant des millions de personnes dans la pauvreté. Engager les acteurs dans la réconciliation est le seul chemin. »

Et il termine par un appel au dialogue pour préserver la paix et au retour à la démocratie qui « est la seule lumière sur ce chemin. »

C’est un appel à la confiance dans les peuples du Myanmar qui nous est lancé. Grèves, désobéissance civile, manifestations, le peuple lève la tête et demande le retour à l’état de droit. Soutenons-les sans avoir recours aux sanctions dont on sait bien, dans ce cas comme dans d’autres, que ce sont les plus pauvres qui en sont les victimes.

Michel Roy, Justice et Paix France