Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

La nouvelle présidence Trump se révèle chaque jour plus déconcertante pour les Européens que ce qu’ils pouvaient en redouter. Ils ne savent plus comment nommer un pays jusqu’alors allié et qui les traite désormais comme ennemi, ni quelle attitude adopter face à un président insaisissable.

Depuis l’arrivée de l’administration Trump au pouvoir au début de cette année, les théâtres (le mot ici n’est pas usurpé) d’affrontement avec l’Union européenne se multiplient. Sur l’avenir de l’Ukraine, où l’Europe est négligée. En matière de commerce, où l’Europe est attaquée. Dans les nouvelles technologies, où elle est méprisée.

Le sort de l’Ukraine est la question la plus tragique. Pour les Ukrainiens d’abord mais aussi pour le reste des Européens, qui assistent à la formation d’un axe Trump-Poutine pour régler l’avenir de ce grand pays sur leur dos. Les énormes concessions unilatérales d’emblée accordées au Kremlin (interdiction d’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, absence de retour aux frontières antérieures), le refus à ce stade d’assurer une garantie de sécurité américaine au pays et les propres convoitises américaines sur des actifs ukrainiens (accord sur les minerais, reprise d’une centrale nucléaire) n’offrent aucun gage d’une « paix juste et durable » comme la réclament les Européens.

En même temps, ceux-ci sont directement confrontés aux hostilités que lance Washington avec le monde entier dans ses échanges commerciaux. Ils n’ont pas échappé (Britanniques compris) aux droits de douane augmentés de 25 % sur toutes les importations américaines d’acier et d’aluminium, en vigueur depuis le 12 mars et qui risquent de drainer les surcapacités mondiales de production d’acier vers l’UE. D’autres menaces tarifaires sont brandies depuis le Bureau ovale. L’actualité économique mondiale est ainsi gagnée par ce turbulent protectionnisme américain, opéré à coups de décrets présidentiels et de menaces récurrentes d’y recourir.

Le troisième théâtre d’affrontement transatlantique touche aux nouvelles technologies. Avec l’appui de l’administration Trump, les GAFAM s’en prennent aux régulations européennes du secteur, qui entravent leur usage des données, les obligent à retirer des contenus ou les contraignent à faire place à des concurrents. Ils ridiculisent l’approche européenne plus prudente sur l’intelligence artificielle. La détermination européenne à faire respecter ses propres lois sur son « marché intérieur » est mise à défi.

Dans les trois cas, c’est l’unité des Européens qui est mise à l’épreuve. Selon les pays et les dossiers, les Vingt-Sept oscillent entre riposte, transaction, rupture ou à l’inverse, pour quelques-uns, connivence.

Sur les fronts commercial et technologique, la Commission européenne se retrouve en première ligne. Par ses compétences quasi-fédérales en matière tarifaire et en tant que gardienne de l’obéissance aux lois européennes votées, c’est elle qui détermine l’ampleur de la riposte collective dans ces domaines, au nom des Vingt-Sept. Outre des hausses ciblées de droits de douane en retour, et d’autres nouveaux outils anti-coercition, à l’origine surtout imaginés contre la Chine, la Commission peut aussi restreindre les importations ou exportations vers les États-Unis. L’enjeu pour l’institution européenne est de réagir dans le cadre du droit international, même lorsque celui-ci est piétiné outre-Atlantique et ailleurs.

 

© EmDee – https://commons.wikimedia.org

La Commission présidée par Ursula von der Leyen et, avec elle, des États soucieux de leur relation bilatérale avec Washington, sont d’abord tentés par l’approche transactionnelle avec l’homme qui se targue d’être maître dans l’art du deal. Acheter aux États-Unis davantage de gaz naturel liquéfié et/ou d’armements, ménager les produits américains incriminés dans la liste des contre-mesures commerciales servent à tenter d’infléchir les velléités d’agressions tarifaires intempestives de Donald Trump. Le report des représailles européennes à la mi-avril vise aussi à laisser une chance à la négociation.

Mais sans garantie de succès. Et au risque de créer de nouvelles situations de dépendance énergétique et militaire, qui sont autant de positions de vulnérabilité européenne exploitables. C’est pourquoi la volonté d’affranchissement gagne aussi du terrain. Spectaculaire en matière de défense, elle est ici d’abord motivée devant le risque croissant d’indifférence américaine à l’égard de la sécurité des Européens garantie depuis l’après-guerre. Le prochain chancelier allemand Friedrich Merz l’a parfaitement saisi, déclarant au soir de sa victoire électorale, le 23 février dernier, que l’Europe devait construire sa propre défense pour atteindre « progressivement l’indépendance vis-à-vis des États-Unis ». L’Europe de la défense, mise en chantier en mars, s’annonce comme une traduction concrète de « l’autonomie stratégique » que le président Macron appelle de ses vœux depuis 2017. Jusqu’alors rejetée, une préférence européenne en matière d’armement est mieux admise. Signe de ce changement d’état d’esprit, le Portugal n’exclut plus de remplacer ses F-16 américains par des appareils européens au lieu des F-35. Le Danemark, qui en est équipé, s’interroge sur sa future liberté d’usage.

Cette nouvelle tournure gaulliste de la construction européenne s’explique devant l’abandon possible de la solidarité transatlantique, telle que prévue par l’article 5 du traité fondateur de l’Alliance. Mais aussi devant la formation d’un axe Trump-Poutine. Ce rapprochement ressort comme l’événement le plus inédit de la séquence géopolitique mouvementée actuelle. Les Européens sont depuis longtemps instruits de la volonté de désengagement des Américains de leur continent, tendance déjà à l’œuvre sous Obama avec sa politique étrangère de pivot vers l’Asie-Pacifique. Ils ont été malmenés par le passé par leur allié américain, comme lors du retrait d’Afghanistan suivi de la formation de l’alliance avec le Royaume-Uni et l’Australie (Aukus) sur le dos de la France, en 2021 sous Biden. Mais un rapprochement direct avec Poutine, que Trump réhabilite sans contrepartie, ne fait qu’accroître la menace russe sur le Vieux continent. Menacés de l’Est, lâchés par l’Ouest, les Européens risquent de se retrouver seuls.

Le rapprochement entre les deux anciennes puissances ennemies de la guerre froide obéit à des ressorts à la fois impérial et idéologique. L’irrédentisme trumpien a pris de court des Européens, abasourdis des volontés répétées de conquête du Groenland et du canal de Panama, voire du Canada et de la bande de Gaza (!). Mais il peut accommoder l’impérialisme russe, qui cherche de son côté à reconquérir son influence dans les anciennes républiques soviétiques, comme cela se manifeste en Géorgie et en Moldavie et motive « l’opération militaire spéciale » en Ukraine. Les Européens ne semblent pas à l’abri d’un nouveau Yalta, un partage des sphères d’influence sur le continent entre Washington et Moscou, sous l’œil attentif de Pékin qui a ses propres visées territoriales.

L’axe Trump-Poutine est aussi idéologique. Le discours du vice-président américain, JD Vance, à la conférence de sécurité de Munich, le 14 février, a creusé le fossé séparant la manière de considérer la démocratie et l’État de droit de part et d’autre de l’Atlantique. Ce découplage idéologique, qui instrumentalise le christianisme, fait poindre un possible schisme de l’Occident, du moins lui fait perdre sa tête de pont que sont, depuis 1945, les États-Unis. Il se traduit par une ingérence politique ouverte du camp Trump envers les partis d’extrême-droite européens, comme durant la campagne législative allemande ou la présidentielle roumaine. Pour les pays les plus traditionnellement atlantistes du continent, comme l’Allemagne, la Pologne, les pays baltes, le Danemark ou les Pays-Bas, cette évolution dessine un changement, dont il reste encore difficile de prendre toute la mesure. Pour des dirigeants ouvertement pro-Trump et pro-Poutine, comme Viktor Orban en Hongrie, ou très ambivalents à l’égard des choix de la nouvelle administration américaine, comme Giorgia Meloni en Italie, le positionnement actuel parmi les Vingt-Sept devient plus ambigu. En pratique, depuis la présidence de Trump, les conclusions des sommets européens se négocient actuellement à 26 et non plus à l’unanimité des 27, Budapest s’isolant délibérément.

Que le lien transatlantique soit abîmé, brisé ou rompu, pour l’Union européenne dans son ensemble, il représente la perte d’un repère. La construction européenne s’est faite avec une bienveillance américaine, au-delà d’inévitables contentieux. Les Européens se sont inspirés de son modèle libéral. Les États-Unis y ont vu un ciment de stabilité contre l’emprise soviétique. Ils sont devenus l’un pour l’autre le premier partenaire commercial pour l’échange de biens. Prise désormais directement pour cible, évoluant dans une brutalisation des rapports de force qui font fi des règles de droit sur lesquelles elle est construite, l’intégration européenne est conduite à prendre le chemin de la puissance, sans renier ses fondements. Ce vocabulaire n’est pas entièrement nouveau – Jacques Delors appelait déjà l’Europe à devenir une « puissance généreuse » – mais l’objectif devient impératif.

Pour cela, les Européens empruntent plusieurs voies. Celle d’une Europe de la défense, comme évoquée, en quête de financements colossaux. Celle de l’élargissement, relancée depuis le début de la guerre en Ukraine. Celle aussi de la diversification des partenariats (accords commerciaux du Mercosur, projets avec l’Inde) et du rapprochement avec des pays restés idéologiquement proches, comme le Canada. La situation géopolitique, et plus spécifiquement la guerre en Ukraine, poussent aussi à un resserrement post-Brexit avec le Royaume-Uni, qui cherche toutefois à cultiver sa « relation spéciale » avec Washington. La relation avec la Chine pourrait prendre également une dimension nouvelle dans ce cadre international très mouvementé.

En aspirant à devenir une puissance à part entière, le projet européen touche aux limites du format propre à l’Union européenne posé après la chute du mur de Berlin. La séquence actuelle voit se multiplier les formats ad hoc, infra ou extra-européens. Puisque la défense dépasse les compétences européennes et que le devenir de l’Otan est en question, d’autres cadres voient le jour, comme celui dit « Weimar+ » qui au trio Allemagne, France, Pologne ajoute le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. D’autres regroupements se forment. Friedrich Merz a relancé l’idée d’une Communauté européenne de défense, ouverte à la Norvège et au Royaume-Uni. Le continent entier réfléchit à l’architecture future de sa sécurité au sein de la Communauté politique européenne, lancée par le président Macron en 2022 et qui réunit les dirigeants d’une quarantaine de pays, Turquie comprise.

Au-delà des instances existantes ou en germe, c’est avant tout sur la capacité des hommes et des femmes politiques au pouvoir aujourd’hui que repose le tournant européen à opérer face aux bouleversements en cours. Déboussolées, inquiètes, les populations du continent attendent de l’Europe un sursaut.

 

À vous, autorités du M23,

Nous, la population du Sud-Kivu, exprimons notre indignation face à votre présence parmi nous. Le mal que vous nous imposez est immense. Avant de détailler vos actions contre notre communauté, nous tenons à reconnaître et honorer le climat de paix qui existait entre nous et nos FARDC (1). Bien que vous les critiquiez, elles ne nous ont jamais maltraités ni humiliés comme vous le faites.

Chères FARDC, nous vous remercions et vous disons que vous nous manquez déjà. Nous aspirons à vous retrouver parmi nous.

Cela fait plus d’un mois que nous sommes sous votre gouvernance, qui n’a rien à voir avec les régimes précédents. Nous avons condamné la gestion de la Belgique, de Mobutu, de Mzee, de Joseph et de Félix, mais jamais nous n’avons été traités de la sorte. Avec votre gouvernance, notre population a perdu le goût de vivre, caractérisée par :

  1. *Les Tueries* : Depuis votre arrivée, le bilan est macabre. En moins de 40 jours, plus de 4500 personnes ont été tuées chez nous, alors que notre armée s’était retirée pour éviter ces morts.
  2. *Les Pillages Systématiques*: Bukavu, jadis embellie par les véhicules de ses enfants, se retrouve maintenant dépouillée. Vos membres saccagent nos dépôts et maisons, et économiquement, la province est à genoux.
  3. *L’Éducation de nos Enfants* : Plus d’un mois sans école pour nos enfants, mettant en danger notre avenir. Les enseignants ne savent plus comment sauver l’année scolaire.
  4. *La Vie Difficile des Agents de l’État* : Ces agents, n’ayant d’autres sources de revenus que ce que leur donne le gouvernement, peinent à subvenir à leurs besoins quotidiens.
  5. *L’Arrêt des Activités Bancaires* : Quelle économie peut fonctionner sans opérations bancaires ? Vous nous avez donné 48 heures pour relancer les banques, une tâche désormais impossible.
  6. *L’Insécurité Grandissante*: La vie ne tourne plus comme avant. Nous nous réveillons à 9h et rentrons chez nous à 16h. À Bukavu, le soir rime avec cruauté et insécurité.
  7. *Les Violences* : Viol, vol, kidnapping, massacres de nos populations et attaques ciblées contre des familles de militaires et policiers, de défenseurs des droits humains. Nous sommes fatigués de vos actes.
  8. *La Présence Rwandaise*: Nous condamnons fermement la présence rwandaise sur notre territoire, qui semble avoir pour objectif l’extermination de notre population. Cette ingérence ne fait qu’aggraver notre souffrance.
  9. *La Déstabilisation de notre Identité* : Votre gouvernance, en lien avec des intérêts étrangers, menace notre identité et notre culture. Nous ne pouvons accepter de perdre notre essence.
  10. *La Lutte pour notre Dignité* : Nous appelons tous les Congolais à s’unir pour défendre notre dignité et notre droit à vivre en paix. Ne laissez pas l’histoire se répéter.

Nous nous  adressons également à nos compatriotes congolais qui réclament votre arrivée dans leurs entités. Comprenez que vous demandez une aide sans connaître votre mode opératoire. Arrêtez cette prière.

*Suite aux Actes inhumains que nous ne pouvons plus supporter, nous exigeons votre départ pacifique si non nous allons nous prendre en charge pour le bien de notre population.*

En espérant un retour à la paix et à la dignité.

Respectueusement,

La population du Sud Kivu

 

(1) Forces Armées de la République du Congo

1 – Osons parler de courage
Courage, un terme qui semblait déserter notre langage courant. Les publicitaires nous promettent le meilleur sans peine et à petit prix, certains politiques laissent entendre que le ruissellement, allant du plus riche au plus démuni, suffit pour assurer la justice sociale… Bref, à quoi bon l’effort, la volonté de bien faire, l’engagement pour la solidarité…

Et pourtant, c’est un beau mot : le courage a le cœur en sa racine et il évoque la force morale. Il en faut pour le tout-petit qui se relève après la chute pour apprendre à marcher, heureusement avec les encouragements de ses proches. À tout âge le courage mérite d’être salué et soutenu. Il en faut pour l’enfant de trois ans qui affronte la brume hivernale afin de rejoindre son école, mais il fait parfois les derniers pas en courant, heureux de rejoindre les copains et de découvrir de nouvelles choses. Il en faut pour passer en primaire, au collège, au lycée, en fac ou en école, ou encore au travail…

Il faut aussi du courage pour les personnes qui ont perdu leur travail, parfois depuis plusieurs années, et qui se mettent en route vers un nouvel emploi. Dans tous les cas, nous avons besoin d’encouragements et de vrais soutiens fraternels. Certes, il faut du courage pour avancer dans la vie, mais il y a aussi la volonté de grandir, le désir de mieux faire, le goût du partage et la joie qu’on y trouve. C’est vrai au niveau personnel, mais aussi collectif. Sommes-nous prêts à fournir des efforts au service du bien commun ? Sinon, c’est la concurrence brutale à tous les étages et les plus fragiles se trouvent exclus, considérés comme des déchets à laisser derrière pour ne plus les voir. Le sens du bien commun nous permet d’évaluer à leur juste mesure les impôts, taxes et autres cotisations, à condition que ce soit bien utilisé. On peut noter aussi l’importance du bénévolat qui fait que nous tenons ensemble de manière solidaire et même fraternelle.

Pour traverser les temps incertains que nous connaissons aujourd’hui, il est donc important de favoriser une cuture du courage. Tout d’abord, pour résister afin de ne pas se laisser prendre par un climat de mépris et d’insultes, de mensonges et de provocations, où l’on semble jouir d’un plaisir pervers en humiliant celui qui est plus fragile. À l’inverse, il est beau de faire preuve de courage pour mettre en avant le respect de la dignité humaine, le travail pour une justice internationale permettant à toute personne de mener une vie convenable, la recherche d’une paix juste et durable, même en temps de conflit… Des attitudes qui demandent de la force d’âme, alors que s’adonner à la veulerie, voire aux passions vengeresses, semble une solution de facilité.

Encourageons-nous mutuellement à tenir dans nos responsabilités, afin d’ouvrir un avenir positif au bébé en train d’apprendre à marcher, quel que soit son pays. C’est un heureux défi qui concerne nos choix de vie personnels, mais aussi la politique au sens noble du terme. Le sérieux dans nos engagements quotidiens, à tous les niveaux, a un impact politique.

2 – Perspectives démographiques
+ Des projections concernant la population de l’Union européenne (UE) en 2100 prolongent les courbes actuelles. Nous savons que nos pays se trouvent sur une pente descendante et que la démographie actuelle a des effets à moyen terme : ce sont les enfants qui naissent aujourd’hui qui pourront être parents dans une trentaine d’années. L’UE en son état actuel compte 449 millions d’habitants. Si on prolonge les tendances, tant en ce qui concerne les naissances que les arrivées de migrants, la population serait de 419 millions en 2100 (- 7%), si on bloque toute arrivée de migrants elle serait de 265 millions (- 34%). Mais les projections ne sont pas une fatalité, des choix qui relèvent de l’intime, mais largement aussi du politique, peuvent faire mentir de telles perspectives… Il n’est pas interdit d’espérer !

+ Démographie encore, mais en Afrique (voir la La Lettre de Justice et Paix n°310 mars 2025 ). Il s’agit du continent qui connaît une hausse notable de population. De 1,5 milliard d’habitants en 2025, l’Afrique passerait à 2,5 milliards en 2050. Il y a cependant des disparités importantes, par exemple la Tunisie risque de voir sa population diminuer tandis que la Centrafrique pourrait connaître un doublement de population en 23 ans.

Le projet de scolarisation pour tous a pris du retard et ce sont surtout les filles qui ne peuvent accéder à l’école, or on sait que la scolarisation des filles a un impact décisif sur la démographie. Un signe encourageant cependant, en Afrique du Nord les filles sont plus nombreuses que les garçons en études supérieures.

Méfions-nous aussi des impressions et des slogans répétés à l’envi. L’Afrique représente moins de 10% des migrants internationaux et la majorité migre au sein du continent. L’une des causes de ces déplacements a trait au changement climatique, alors que ce continent contribue peu aux émissions qui provoquent le réchauffement général.

3 – Identités, frontières… Propos de Patrick Chamoiseau (La Croix, 6 mars 2025)
« Relier ce qui est séparé, tout en trouvant des espaces de respiration dans ce qui est fusionné. (…) Le capitalisme a su pervertir le processus d’individualisation en aboutissant à nos sociétés individualistes actuelles, repliées sur le pouvoir d’achat. À l’opposé de ce repli funeste existe un accomplissement, celui de l’individu qui devient une personne, c’est-à-dire quelqu’un doté d’un degré de conscience, d’une éthique, d’un élargissement de perception. Quelqu’un qui se vit à l’échelle planétaire, donc en solidarité avec tous les éléments du monde. C’est là que l’imaginaire de la relation commence. Les fraternités procèdent des imaginaires. En conséquence, se déplient des « nous » qui ne se résument pas à une communauté mais partagent des rêves, des idéaux, des combats communs. (…) Le « nous » est très ouvert, il n’a pas de base raciale ou linguistique. Il n’est pas exclusif mais évolutif. La frontière, c’est un trait d’union, tandis que le « sans-frontiérisme » mène à une espèce de soupe fade. La frontière ; c’est le plaisir de passer d’une saveur à une autre. La frontière c’est également le respect de la différence. (…) Je ne dois pas tenter de réduire l’autre à moi, ni tenter de devenir l’autre. (…) L’autre doit garder quelque chose d’irréductible pour que mon rapport à lui soit riche et fécond. »

Si le courage doit trouver une belle place dans nos vies, il ne doit pas se confondre avec une raideur austère, voire avec la prétention de se croire supérieur au commun des mortels. Le goût de la rencontre, la joie de conjuguer nos différences et d’avancer ensemble vaut bien mieux que tous les replis frileux.

 

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