Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Il n’est pas fréquent, pas assez fréquent…, qu’un homme soit « dans » la politique, pour servir, avec une ambition légitime, la cause de la justice, sans être en même temps « de » la politique, emprisonné par ses mécanismes mimétiques. Il en connaissait bien les rouages, mais il ne voulait pas être emprisonné par eux. Il avait vis-à-vis de la politique une position toujours décalée et critique. Avec le souci de rester, en définitive, libre. Formé à l’école de La Vie Nouvelle et de l’éducation populaire chrétienne, dont il ne faut pas sous-estimer l’importance dans la construction de sa personne, il avait une foi lucide, mais discrète, et également prudente dans le climat français, à gauche en particulier. Entre le mystère et l’absurde, il avait choisi le mystère, sans fuir la question du mal, qui l’avait frappé, lui et ses proches. Pour moi, il est un magnifique exemple de la spiritualité dans l’action, mais je ne suis pas sûr que ces termes lui aient convenu. Il aurait sans doute préféré qu’on parle à son sujet de son souci, plus simple et plus concret, de bien agir au bon moment. Il se méfiait des grands mots et des grandes démonstrations morales, vite contredites par les faits. Il reprenait souvent cette phrase de Mounier : « Le réel est notre maître ». Son mode d’être correspondait bien à cette définition du courage énoncée par Jean Jaurès : « aller à l’idéal et comprendre le réel ».

C’était avant tout je crois un homme de projet, et la politique n’était qu’un moyen, pas un but en soi. Là notamment était sa différence. Les médias ont rendu compte de son parcours, avec un concert de louanges, quelques critiques et, bien sûr, des regrets quant à son refus de se présenter en 1995 à l’élection présidentielle… Je voudrais pour ma part insister sur quelques qualités, peut-être moins visibles, car nous aurions intérêt à les cultiver nous aussi, chacun sa manière :

– le souci d’analyser les questions, de prendre la mesure de leur complexité afin de ne pas « injurier le réel » et de penser des réformes argumentées et « pesées au trébuchet ». Une grande exigence professionnelle, liée aussi à son exigeante angoisse de bien faire, d’être à la hauteur des responsabilités confiées.

– il se méfiait de réponses trop rapides et idéologiques, non suffisamment construites. Il craignait aussi les formes simplistes de radicalité, qui se retournent contre leurs auteurs et dont les conséquences pèsent en définitive sur les plus déshérités. Mais sa modération n’était pas résignation et son sens de la justice était aigu. Il y avait en lui un équilibre subtil, mais toujours présent entre la résistance à l’injustice, le souci d’améliorer peu à peu, patiemment, les grandes régulations collectives, si lourdes à faire évoluer, et la capacité d’utopie, l’élan vers l’idéal, qui est nécessaire et séduisant, mais se heurte aux pesanteurs de la réalité…

J’ai été frappé aussi par son sens ou sa recherche du bon moment pour l’action, que l’on a souvent pris pour de l’indécision ; conscient de la complexité de la réalité, peut-être même hanté par elle, il était à la recherche de l’action juste au moment juste… Mais il est un domaine où son génie propre s’exprimait à merveille et fascinait souvent ses interlocuteurs, c’est sa capacité à analyser les situations les plus délicates, à en dégager de manière particulièrement clairvoyante et lumineuse les caractéristiques essentielles, et à transformer les lignes de force ainsi dégagées en actions concrètes. Au-delà de la « méthode Delors » et de sa passion pour la pédagogie, il y avait là un talent très particulier et très rare, non reproductible. On ne sortait jamais d’un entretien avec lui sans se trouver enrichi par des vérités fortes et simples, que l’on n’avait pas su voir, et qui structuraient ensuite la réflexion. Il avait une capacité rare à l’innovation collective, beaucoup moins répandue que l’innovation microsociale. C’est à cette qualité particulière que nous devons notamment l’Acte unique, la Monnaie unique, Erasmus, le programme « Une âme pour l’Europe », etc. Il aurait voulu que, grâce à la politique contractuelle, l’économique et le social cessent de se regarder en chiens de faïence, problème toujours non résolu dans notre pays…

Il nous reste à nous inspirer de son action et de son exemple. Comment innover dans notre pays pour dépasser nos contradictions ? Comment hausser notre Union européenne à la hauteur des nouveaux défis géopolitiques ?

 

Promesses d’Église (1) est un collectif d’organisations chrétiennes , né dans le sillage de la Lettre au Peuple de Dieu du pape François du 20 août 2018 et son appel à ce « que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin ». Un certain nombre de laïcs ont pensé que cet appel ne pouvait rester sans réponse et que l’expérience des mouvements et associations pouvait contribuer à renouveler des attitudes, des pratiques et même des structures au sein de l’Église. Cinq ans plus tard, ce sont quelques 45 organisations de sensibilité ecclésiale différente qui se trouvent réunis dans ce collectif et qui ont appris, tant bien que mal, à « marcher ensemble ». Car la transformation à laquelle le pape nous appelle passe en effet par la synodalité, le « marcher ensemble » de toutes les composantes de l’Église dans l’écoute et le service mutuels et l’écoute collective de l’Esprit Saint. Un premier constat s’impose. Il n’est pas si facile de marcher ensemble avec ceux qui ne partagent pas nos points de vue ! Cela demande des efforts, des méthodes (comme la conversation spirituelle) et, surtout, cela prend beaucoup de temps. Parce qu’elle est basée sur l’écoute, la synodalité nous oblige à inscrire nos processus de transformation dans le temps long. En cela, elle se situe à rebours du rythme de la société qui vit une accélération permanente. Mais, au-delà des difficultés, l’expérience est jugée enthousiasmante et enrichissante par tous. Ce que les membres de Promesses d’Église ont vécu ensemble vient confirmer ce que disent tous ceux qui ont participé à quelque niveau que ce soit au Synode : il y a une vertu dans la méthode même du Synode. Elle nous apprend à nous situer autrement les uns par rapport aux autres et à renouveler notre regard sur l’Église et son rôle dans la société. Si la méthode synodale a une vertu en soi, sa finalité reste bien sûr la transformation de l’Église. Une transformation dont personne ne peut aujourd’hui dessiner les contours précis, mais qui devra émerger petit à petit des travaux du Synode.

En 2022, Promesses d’Église a apporté sa contribution au Synode. Ce fut un long travail pour écouter les aspirations et intégrer des points de vue de tous les membres. Cette contribution a été prise en considération par la Conférence des évêques au même titre que les contributions des diocèses. Beaucoup de sujets évoqués se retrouvent dans le rapport de synthèse du Synode d’octobre 2023, comme le souci de l’égale dignité baptismale, le rôle des femmes, l’écoute des plus pauvres, la mise en œuvre de la coresponsabilité à tous les niveaux de l’Église, etc. Actuellement, Promesses d’Église réfléchit à la spécificité de l’apport des mouvements et associations, tant pour la session du Synode d’octobre 2024, que pour la mise en œuvre de la synodalité par la suite. Car si le Synode se termine officiellement cet automne, la transformation effective de l’Église prendra beaucoup plus de temps et elle ne pourra advenir que si les laïcs s’y engagent massivement et réussissent à entraîner dans cette dynamique ceux qui, y compris parmi les prêtres et les évêques, hésitent encore.

Promesses d’Église a déjà élaboré, à partir des expériences de ses membres, un « arbre de la synodalité« , un petit outil qui aide à voir ce qui freine et ce qui encourage l’écoute et la participation de chacun au sein d’une organisation donnée. Les associations et mouvements élargissent aussi la palette des lieux pour faire connaître le Christ et sont porteurs d’expertises particulières (l’inclusion de personnes pauvres ou handicapées, pratique du discernement, de la conversation spirituelle, etc.) qui peuvent être mises au service des paroisses et des diocèses. Au-delà, une formation à la synodalité ou l’organisation, avec d’autres, de débats sur des questions controversées sont envisageables. Le défi ultime est de former une Église où tous se sentent accueillis et en sécurité, une Église qui ne se contente pas d’afficher une égalité baptismale de principe mais qui offre de véritables lieux de fraternité qui donnent envie de faire un bout de chemin ensemble.

Un défi toujours à reprendre mais qui motive pleinement Promesses d’Église !

(1) www.promessesdeglise.fr

Taiwan (c’est fait), l’Indonésie, le Pakistan, l’Iran, la Russie, la Corée du Sud, l’Inde, l’Afrique du Sud et 12 pays africains, le Mexique, tous les pays de l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, le Royaume Uni… au total 76 pays.