Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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L’uranium a été découvert au Niger en 1957 par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières.

Aujourd’hui, deux gisements sont exploités par des filiales d’AREVA : la mine d’Arlit, située à proximité de la ville du même nom et exploitée par la Somaïr, et la mine d’Akouta, située dans la commune d’Akokan au sud d’Arlit, gérée par la Cominak.  La Somaïr et la Cominak sont deux sociétés de droit nigérien créées respectivement en 1968 et 1974.

La Somaïr appartient pour  63,6% à AREVA et 36,4% à la SOPAMIN, agence qui assure la gestion des parts de l’Etat du Niger, tandis que la Cominak est partagée entre AREVA (34%), la SOPAMIN (31%), la société japonaise Overseas Uranium Resources Development – OURD (25%) et la société espagnole ENUSA (10%).

Les minerais sont traités sur place, puis le « yellow » cake est exporté via le port de Cotonou, au Bénin, principalement vers les usines de la Comhunex en France où il est enrichi.

Les conventions minières nigériennes qui fixent leur cadre juridique et fiscal depuis dix ans arrivent à échéance le 31 décembre 2013.

Les contrats sont donc actuellement en renégociation. Cela représente une occasion historique pour le Niger d’obtenir de meilleures conditions pour l’exploitation de ses ressources, notamment de plus grandes retombées financières, essentielles pour la mise en œuvre du plan de développement économique et social du pays.

Le Niger est l’un des Etats les plus pauvres du monde. Ayant  près de 60% de sa population qui vit  avec moins de 1$ par jour, il se place au dernier rang du classement de l’indice de développement humain des Nations unies. Son budget annuel s’élève à 2 milliards d’euros.

Il est le 4ème producteur mondial d’uranium, le 2ème fournisseur d’AREVA après le Kazakhstan, et donc un partenaire stratégique de la France à qui il fournit plus de 30% de l’approvisionnement de ses centrales nucléaires.

Entre cet Etat et le leader mondial de l’énergie nucléaire, au chiffre d’affaires qui dépassait les 9 milliards d’euros en 2012, la France a un rôle essentiel à jouer. Le gouvernement français doit exiger que les négociations entre AREVA et le Niger se fassent dans la plus grande transparence, sans pression politique, afin d’assurer des revenus équitables pour le Niger, à la hauteur de l’importance stratégique que revêt cette ressource pour la France. Le gouvernement français  ne doit exercer aucune pression sur le gouvernement du Niger pour obtenir des dérogations à la loi minière de 2006, des exemptions fiscales, ou toute dérogation à la législation nigérienne en faveur d’AREVA, qui réduiraient les retombées financières pour le Niger.

Actuellement, alors qu’il est le principal produit d’exportation du pays, l’uranium ne contribue qu’à hauteur de 4% à 6% de son budget. Faire augmenter cette participation est un enjeu majeur, car le Niger  reste dépendant de l’aide au développement qui représente 40% de son budget.

Le Niger a besoin de revenus supplémentaires  pour répondre à des crises alimentaires récurrentes, assurer la survie d’un système d’accès gratuit aux soins, investir dans l’éducation, l’agriculture et faire face à une situation sécuritaire dégradée. A la  suite de  la guerre au Mali, des ressources budgétisées pour certains secteurs sociaux ont été allouées à la défense, notamment à l’envoi d’un contingent sur place.

L’uranium est l’une des sources possibles d’augmentation des revenus. Selon le représentant du FMI au Niger, il y a des possibilités d’amélioration du partenariat avec AREVA à l’occasion de ces renégociations sur le prix et la fiscalité de l’uranium.

Aujourd’hui, la pression pour augmenter les revenus et la transparence des industries extractives est mondiale.

Au Niger, la Constitution exige désormais la publication des contrats avec le secteur des industries extractives.

L’Union européenne vient d’adopter des Directives pour la mise en place d’un « reporting », pays par pays, dans les industries extractives, qui devrait permettre d’identifier les flux de revenus et de garantir ainsi de meilleures retombées financières pour les Etats miniers et pétroliers.

En France, la transparence et la mobilisation des revenus liés à l’exploitation des ressources naturelles constituent une priorité de la politique de développement. Le gouvernement s’est engagé dans  la mise en œuvre de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives[2] et soutient les initiatives de la Banque Africaine de Développement et de la Banque mondiale pour aider les Etats africains à mieux négocier leurs contrats dans le secteur extractif.

Et pourtant, la première entreprise minière française, dont l’Etat est actionnaire à plus de 80%, résiste aux tentatives de rééquilibrer son contrat avec le gouvernement nigérien.

 

[1] http://www.oxfamfrance.org/

[2] La norme ITIE est une norme internationale de transparence qui garantit la publication des revenus des gouvernements issus de ressources naturelles. Un pays qui met en œuvre la norme ITIE garantira une plus grande transparence dans les paiements versés à l’État qui proviennent des entreprises pétrolières, gazières et minières. Des gouvernements, des entreprises extractives et la société civile y collaborent depuis 2003. http://eiti.org/fr

L’Égypte est engagée dans une transition politique délicate : en juin-juillet 2013, le peuple égyptien a exprimé son rejet massif d’une mainmise sur le pouvoir par les Frères musulmans, qui, en moins d’un an au pouvoir, se sont révélés sectaires et incompétents.

Ils avaient, certes, été élus, mais au prix d’une certaine manipulation des consciences : dans une société qui vit depuis 60 ans sous un régime autoritaire et où le religieux est un marqueur essentiel des identités, le slogan « l’islam c’est la solution » avait suffi pour leur attirer les faveurs populaires. Derrière le désaveu des Frères musulmans, se profile un rejet de l’islam politique qui façonne les sociétés du Moyen-Orient depuis plus de trente ans.

Aujourd’hui, le défi est de construire une alternative démocratique. Pris à la gorge par de gros problèmes économiques et sociaux, les Égyptiens sont à nouveau tentés par la recherche d’un homme providentiel et font pression massivement pour que le général Abdel Fattah al-Sissi soit leur nouveau raïs. La jeunesse de Tahrir qui a renversé Moubarak se désole d’un retour possible des militaires à la tête de l’État. Hélas, on ne voit pas encore se profiler dans le camp libéral des figures fédératrices et porteuses d’un autre projet de société. Soixante ans de régime autoritaire ont empêché l’émergence de programmes politiques construits et de leaders capables de les porter. L’administration et l’État profond sont restés aux mains de l’ancien régime, dont seules quelques figures marquantes ont été écartées par la révolution du 25 janvier 2011. Les risques d’un retour de l’ancien régime ne sont donc pas nuls. Certains craignent même le retour d’un État répressif, justifié par la lutte contre la violence des islamistes.

Il y a urgence à soutenir et accompagner la transition politique en cours. Les Égyptiens ont été ulcérés par la condamnation occidentale du renversement de Mohamed Morsi. L’Union européenne a menacé d’arrêter l’aide économique qu’elle apporte à l’Égypte. Les Américains ont déjà réduit leur aide militaire. Du coup, l’Arabie saoudite, les Émirats et le Koweit se sont précipités au chevet d’un pays ruiné par la fuite des investisseurs étrangers et la chute du tourisme, et les Russes tentent de reprendre une place perdue depuis le traité de Camp David. De multiples raisons géographiques et historiques font de l’Europe un partenaire naturel de l’Égypte pour sa transition vers la démocratie. Il serait dommage de décevoir l’attente des Égyptiens.

Repères sur la situation politique de l’Égypte :

30 juin 2012 : Mohamed Morsi prend ses fonctions comme président de la République d’Égypte

30 juin 2013 : des millions d’Égyptiens défilent dans les rues à l’appel du mouvement tamarrod (rébellion) pour demander la démission du président.

3 juillet : le général al-Sissi, ministre de la Défense, avec à ses côtés le grand Imam, le pape copte Tawadros II et les principaux leaders politiques opposés aux Frères musulmans, annonce la destitution du président et prend le contrôle d’une période de transition.

Juillet-août : bras de fer entre la police, l’armée et les Frères musulmans, appelés par leurs chefs à « résister jusqu’au martyre ».

14 août : l’évacuation du sit-in de Rabia el Adawiyya fait 400 morts dans les rangs des Frères musulmans et de nombreuses victimes parmi les forces de l’ordre.

Septembre : Une commission de 50 sages est mise en place pour préparer un projet de nouvelle Constitution

Octobre : violemment réprimés (on parle de plusieurs milliers d’arrestations), les Frères musulmans portent l’agitation dans les Universités. L’armée tente de neutraliser les foyers djihadistes au Sinaï.

Novembre : le président intérimaire Adly Mansour cherche des soutiens financiers dans les pays du Golfe, alors que l’Union européenne assouplit lentement sa position critique ; les Américains ayant décidé d’interrompre une part de leur aide militaire, une délégation soviétique de très haut niveau vient au Caire négocier un renouveau de la coopération avec l’Égypte.

Décembre 2013 : le nouveau projet de Constitution doit être soumis au référendum. Des élections présidentielles et législatives sont prévues en 2014.