Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Le Conseil national pour la solidarité des évêques de France vient de publier un livret pédagogique sur l’exhortation du pape François. Justice et Paix s’y est associé.

Cette nouvelle parution fait suite à celles sur l’encyclique L’Amour dans la vérité, sur les paradis fiscaux, les réfugiés et les migrants, la justice et la paix en Israël et Palestine. Un chapitre est relatif aux changements des « structures de péché » et à la tâche politique désignée comme la forme la plus élevée de la charité.

Il ne suffit pas de mettre en place des plans d’urgence pour les plus démunis. Il faut chercher des solutions pérennes donc structurelles. Il faut, certes, accueillir le démuni, lui faire toute sa place dans la société et l’Eglise mais il est encore plus important d’éradiquer la misère.

 

Développer une solidarité structurelle

La solidarité dans une société moderne et complexe ne peut se limiter à l’aumône donnée aux mendiants de nos rues. Pas même se limiter au chèque qu’on envoie aux associations humanitaires en fin d’année. Il s’agit d’envisager le « prochain structurel », celui auquel nous lient les mécanismes complexes de l’impôt, de l’économie mondiale, des cotisations sociales, du prix du pétrole…celui dont nous sommes solidaires par les décisions politiques qui façonnent l’ordre ou le désordre mondial actuel : « Tant que ne seront pas résolus radicalement les problèmes de la pauvreté…en attaquant les causes structurelles de l’inégalité sociale, les problèmes du monde ne seront pas résolus…L’inégalité sociale est la racine des maux de la société. »(202 de l’exhortation)

La question de l’amour du prochain, de la solidarité, de la lutte contre la misère, de l’accueil du démuni…ne se limite pas à un mouvement romantique du cœur. Il nous faut envisager les mécanismes économiques et politiques qui nous rendent solidaires de 65 millions de Français, de 500 millions d’Européens, et de 7 milliards d’habitants de la planète. Et cela passe aussi (surtout) par des mécanismes structurels, économiques, politiques, culturels. Changer de vie, adopter un style de vie sobre, cela pousse à un changement des structures de notre monde. L’économie, la vie internationale, l’ONU peut être. La vie de notre quartier aussi, pour commencer. Quartier ou immeuble ou famille ou bureau ou atelier.

 

Réhabiliter la dignité de la tache politique

La tâche politique – modifier les structures – est urgente. « La nécessité de résoudre les causes structurelles de la pauvreté ne peut attendre »(202). On peut ne pas limiter l’action des chrétiens aux relations interpersonnelles et estimer que le marché s’autorégule pour ce qui concerne les échanges de marchandises, de travail et de capitaux. Comme si le dynamisme chrétien ne devait se déployer que dans la sphère privée. « Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché…{il faut} des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat. »(204) Faire cela, c’est simplement exercer notre responsabilité politique de chrétiens : « La politique tant dénigrée est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun…Nous devons nous convaincre que la charité est le principe non seulement des micro-relations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes ; mais également des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques. »(205)

Evangéliser, cela consiste donc aussi à humaniser nos conditions de vie et celles de nos contemporains. (…) « Dieu vit parmi les citoyens qui promeuvent la solidarité, la fraternité, le désir du bien, de vérité, de justice. Cette présence ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée. »(71)

L’enjeu des élections européennes est souvent sous-estimé. Ces élections qui peuvent éveiller chez certains électeurs la tentation d’un vote de protestation sans risque sont pourtant de nature à modifier sensiblement les conditions de fonctionnement des institutions européennes.

Elles auront des conséquences significatives sur un grand nombre de politiques qui affectent directement nos conditions de vie, qu’il s’agisse, par exemple, d’environnement, de santé ou de sécurité alimentaire.

Il est donc utile, à quelques semaines des élections européennes, de rappeler la raison d’être et les missions du Parlement dont nous allons désigner les membres français.

 

Le Parlement européen, instrument de démocratisation des institutions européennes.

L’article 10 du Traité sur l’Union européenne dispose que « le fonctionnement de l’Union européenne est fondé sur la démocratie représentative » et que « les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen ». En conséquence, le Parlement européen dispose de pouvoirs étendus : il exerce conjointement avec le Conseil, où sont représentés les gouvernements des États membres, les fonctions législatives et budgétaires. Il assure également des fonctions de contrôle politique, tout particulièrement en ce qui concerne l’action de la Commission.

Avant d’entrer dans le détail de ces attributions, on rappellera que, dans la prochaine législature de cinq ans, le Parlement comptera 751 membres. Cet effectif est réparti entre les États membres selon une règle de proportionnalité dégressive. Aucun État ne peut élire moins de 6 ou plus de 96 députés européens. L’Allemagne, par exemple, élira 96 députés, la France 74, le Royaume-Uni 73 et Malte 6. Les suffrages n’auront donc pas le même poids selon qu’ils seront émis dans un « grand » ou un « petit » État. Cette inégalité garantit le droit de tous les pays membres, même les moins peuplés, à une expression politique diversifiée. Elle réduit toutefois la légitimité démocratique du Parlement européen.

Cette légitimité résulte plutôt de l’accord du Parlement et du Conseil. On notera à ce propos que, si la composition du Parlement européen ne reflète que très imparfaitement les équilibres démographiques de l’Union, les règles de vote au sein du Conseil en tiennent plus exactement compte : la majorité qualifiée requise pour les principales décisions du Conseil doit en effet réunir les voix de 55% des États membres représentant au moins 65% de la population de l’Union.

Par contraste avec le Conseil, le Parlement européen rend toutefois possible un débat politique supranational, qui pourrait à terme favoriser la naissance d’un espace public européen transcendant les limites nationales. Les députés au Parlement européen ne siègent pas en effet comme délégués de leur pays mais comme membres de groupes politiques européens, eux-mêmes émanations de regroupements au plan européen des différents partis nationaux. Dans le Parlement sortant, les députés se répartissaient entre les sept groupes politiques suivants : Parti Populaire européen (Démocrates-Chrétiens) (PPE) (275 députés), Alliance progressiste des Socialistes et des Démocrates (S et D) (194 députés), Alliance des Démocrates et des Libéraux (ADLE) (85 députés), Verts/Alliance libre européenne (56 députés), Conservateurs et Réformistes européens (conservateurs britanniques et droite eurosceptique modérée) (57 députés), Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (gauche radicale) (35 députés), Europe de la liberté et de la démocratie (FED) (nationalistes de droite) (32 députés).

C’est au sein de ces groupes que les intérêts nationaux s’expriment : chaque groupe est en effet organisé en délégations nationales. S’agissant des 74 députés européens français sortants, ils se répartissent entre les groupes PPE (30 membres UMP et UDI), Verts (14 membres EELV), S et D (11 membres PS), ADLE (6 membres MODEM ou apparentés), Gauche unitaire (5 membres Front de gauche ou apparentés), FED (1 membre du Mouvement pour la France), les autres (Front national) étant non inscrits.

Les groupes politiques jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du Parlement européen. Les présidences et vice-présidences du Parlement et de ses commissions sont réparties en fonction de leurs effectifs respectifs. Les groupes fixent collectivement l’ordre du jour du Parlement ; les amendements sont déposés en leur nom. Il serait donc très souhaitable que l’électeur puisse, lors de son vote pour une liste de candidats au Parlement européen, connaître le groupe politique européen auquel ces candidats envisagent de s’inscrire. Ce n’est cependant pas toujours possible, étant donné que les députés sont élus dans un cadre national par des partis qui peuvent se réserver la possibilité de choisir leur groupe européen de rattachement après l’élection. Mis à part le Front national, les principales listes présentées en France lors des prochaines élections devraient toutefois défendre chacune les couleurs d’un groupe européen déterminé (PPE, S et D, Verts, ADLE et Gauche unitaire).

 

Le Parlement européen, législateur et autorité budgétaire, à égalité avec le Conseil.

Représentant direct des citoyens européens, le Parlement européen exerce les fonctions de base d’une assemblée parlementaire en régime de démocratie représentative : il vote les lois et adopte le budget.

Le vote des normes européennes.

Dans la plupart des domaines intéressant le marché unique (libre circulation des biens et services) mais aussi en matière d’agriculture, d’énergie, d’immigration et de développement régional le Parlement européen et le Conseil sont à égalité pour l’adoption des normes européennes qu’il s’agisse de règlements (lois) ou de directives (lois-cadres fixant des objectifs dont les États membres fixent eux-mêmes les modalités de mise en œuvre). La procédure applicable en pareil cas, dénommée procédure législative ordinaire se déroule comme suit : le Parlement se prononce en première lecture sur une proposition de la Commission puis soumet sa position au Conseil. Si le Conseil approuve tous les (éventuels) amendements du Parlement, l’acte est adopté. Mais si le Conseil adopte une autre position, le Parlement dispose d’un délai de trois mois, éventuellement prolongé d’un mois, pour se prononcer en deuxième lecture. Il peut alors décider soit d’accepter la position du Conseil, soit de la rejeter soit de l’amender à nouveau en rétablissant sa position antérieure ou en proposant un compromis. Si le Conseil n’accepte pas les amendements du Parlement, un comité de conciliation paritaire comprenant des représentants des deux institutions est convoqué pour élaborer un texte commun. Si le comité de conciliation ne parvient pas à un accord le texte est rejeté. Dans cette procédure, aucun texte ne peut donc être adopté sans accord complet entre le Conseil et le Parlement. Dans la période récente, le Parlement a ainsi joué un rôle déterminant dans l’adoption des règles européennes supprimant la surtaxation des communications électroniques entre États membres (roaming) ou encadrant le détachement des travailleurs d’un État membre à l’autre.

À côté de cette procédure législative ordinaire subsistent cependant encore des procédures législatives spéciales dans lesquelles le Conseil est seul législateur. Le Parlement est alors seulement associé à la procédure. Son rôle se limite en principe à la consultation. C’est par exemple le cas dans le domaine de l’harmonisation fiscale, qui relève d’ailleurs d’une décision unanime des États membres. Toutefois dans le cas particulier des traités d’adhésion ou d’approbation, le Parlement dispose d’un droit de veto. Il approuve ou rejette le texte sans pouvoir l’amender.

S’agissant de l’initiative des normes européennes, les traités la réservent en principe à la Commission, sauf en matière pénale et policière, la politique extérieure et de sécurité commune relevant d’un régime dérogatoire. Le Parlement a toutefois la faculté de demander à la Commission de présenter une proposition législative.

Le vote du budget.

Le Parlement européen partage à présent, avec le Conseil, le pouvoir d’adopter le budget annuel de l’Union européenne. Il a en cette matière le dernier mot.

La Commission présente au Parlement et au Conseil le projet de budget pour l’année suivante vers le début du mois de mai. Ce projet est examiné par le Conseil puis par le Parlement. En général, les deux institutions sont en désaccord et le projet est soumis à un comité de conciliation paritaire en vue de l’élaboration d’un texte commun. Si la procédure de conciliation échoue ou si le Parlement rejette le projet commun, la Commission doit présenter un nouveau projet de budget. Si le projet commun est rejeté par le Conseil, le Parlement a la possibilité de faire prévaloir son point de vue sur les dispositions réunissant la majorité de ses membres et des 3/5èmes des suffrages exprimés. S’il ne réunit pas cette majorité qualifiée, c’est le texte du comité de conciliation qui est considéré comme adopté.

Si aucune des deux institutions ne parvient à se mettre d’accord avant le 31 décembre, le budget de l’année précédente est reconduit mois après mois (système des douzièmes provisoires). Le Conseil, traditionnellement défavorable aux augmentations budgétaires s’accommode plus volontiers de cette situation que le Parlement, ce qui lui donne un pouvoir de pression non négligeable.

Le Parlement fixe en outre conjointement avec le Conseil le cadre financier pluriannuel qui établit des plafonds pour les grandes catégories de dépenses pour une période d’au moins cinq ans. Il contrôle par ailleurs l’exécution des budgets annuels.

 

Le Parlement européen, enceinte de débat public dans tous les domaines de l’action européenne.

Comme tout parlement, le Parlement européen exerce, outre ses missions normatives et budgétaires, un pouvoir de contrôle de l’action des exécutifs européens : Commission d’abord mais aussi Conseil européen réunissant les chefs d’État et de gouvernement et Conseil où siègent les ministres.

Son contrôle sur les décisions du Conseil européen reste limité : il consiste essentiellement en un débat sur les résultats de chaque sommet européen. Le Parlement tient également un débat sur le programme de chacune des présidences du Conseil ainsi que sur les rapports que lui soumet le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Ses membres peuvent poser des questions écrites et orales au Conseil. Les pouvoirs de contrôle du Parlement à l’égard de la Commission sont beaucoup plus étendus : il doit approuver sa composition. Il peut la contraindre à démissionner collectivement en adoptant une motion de censure à la majorité de ses membres et des deux tiers des suffrages exprimés (cas de figure qui ne s’est jusqu’à présent pas présenté). Le Parlement et ses commissions suivent par ailleurs au jour le jour l’action de la Commission. Les commissaires sont régulièrement entendus par les commissions du Parlement. Les députés ont également le pouvoir d’interroger la Commission en lui posant des questions écrites et orales.

 

Les élections européennes permettront-elles de désigner le futur président de la Commission ?

C’est au Parlement qu’il reviendra d’élire le Président de la Commission sur proposition du Conseil européen. Aux termes du Traité de Lisbonne cependant, le Conseil européen doit formuler sa proposition « en tenant compte des élections au Parlement européen ». Si le Conseil européen applique de bonne fois les traités, le président de la Commission sera donc le candidat proposé par le parti vainqueur des élections. La plupart des partis européens ont d’ores et déjà désigné leur candidat et son programme. Pour la première fois les électeurs auront donc à faire un véritable choix de politique européenne. Le débat électoral doit en porter la marque.