Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Le 27 juillet 2012, la Conférence internationale de négociation d’un Traité sur le commerce des armes, organisée sur un mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies, a mis fin à ses travaux sans accord.

Elle devait prendre ses décisions par consensus : or les États-Unis ont demandé un délai de réflexion, imités par plusieurs  pays comme la Russie, la Chine, l’Inde, l’Indonésie et l’Egypte.

Dans leur majorité, les participants ont cependant demandé la poursuite du processus de négociation engagé depuis 2006. En particulier, 90 États, dont ceux de l’Union européenne et de très nombreux États d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes ont publié une déclaration pour réaffirmer leur volonté de parvenir rapidement à un traité.

Dans un communiqué conjoint du 26 septembre 2012, les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, et le ministre du commerce de la Suède déclarent que «le monde a besoin d’un Traité sur le Commerce des Armes (…) qui ait la fermeté et l’envergure suffisantes pour avoir un réel impact sur les ravages causés par la régulation insuffisante du commerce des armes classiques. (…) Nos pays ont déployé de vigoureux efforts lors de la Conférence des Nations unies à New York pour négocier le premier traité global régissant le commerce des armes classiques. (…)

Nous souhaiterions obtenir un nouveau mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies pour tenir une deuxième conférence le plus tôt possible en 2013. (…) »

Pour leur part, les commissions Justice et Paix d’Autriche, de Belgique francophone, de France, de Grèce, du Luxembourg, d’Ecosse, d’Espagne, avec le soutien de la conférence des 30 commissions européennes ont publié, le 18 septembre, la déclaration suivante qui est transmise aux responsables politiques :

« Les États membres des Nations Unies se sont réunis du 2 au 27 juillet 2012 à New York pour adopter un Traité régulant le commerce des armes. Malheureusement, les négociations se sont soldées par un échec. Alors même que 50.000 personnes ont perdu la vie au cours de ce mois  du fait de la violence armée et que la répression s’intensifiait en Syrie, des pays au poids non moins conséquent ont demandé plus de temps pour évaluer et se prononcer sur la proposition de Traité proposée par le Président de la Conférence de New-York.

Les conséquences de ce commerce sont multiples et désastreuses. (…).Le recours effréné aux armements de certains pays dépasse les besoins légitimes de la défense nationale, détournant des montants importants des budgets de la santé et de l’éducation et engendrant une pratique généralisée de la corruption estimée à plusieurs milliards de dollars.

Le chiffre d’affaires généré par le commerce des armes est de l’ordre de 1 400 milliards de dollars par an – soit l’équivalent du PIB de la Russie en 2010. Beaucoup d’acteurs du secteur paraissent peu regardants sur les questions des droits de l’Homme et pratiquent un commerce irresponsable.

Les enjeux financiers des guerres et du commerce des armes en général, les intérêts géostratégiques, les échéances électorales dans certains pays, le manque de volonté de certains États sceptiques ainsi que des préoccupations exclusivement nationales, expliquent l’échec des négociations. Il est pourtant primordial de passer au-delà des intérêts des États et de veiller à la paix et à la sécurité internationales, comme stipulé dans la Charte des Nations Unies. (…)

Concrètement, nous demandons aux pays négociateurs de reprendre les négociations et que de veiller à ce que:

  • les transferts qui violent les obligations et engagements internationaux des États, notamment ceux découlant des mesures adoptées par le Conseil de sécurité, et en particulier les embargos sur les armes, soient interdits ;
  • les transferts d’armes qui risquent de faire l’objet d’un détournement ou d’une revente sans autorisation soient interdits ;
  • l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violation des droits de l’Homme et du droit international humanitaire;
  • l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violences envers les femmes et les enfants ;
  • les transferts d’armes ne soient pas une entrave à la réalisation des Objectifs du Millénaire des Nations Unies ;
  • les transferts d’armes ne favorisent pas les réseaux de criminalité organisée, les réseaux terroristes et de violence organisée ;
  • les transferts d’armes ne causent ou ne prolongent des conflits armés ou aggravent des tensions ou conflits existants;
  • les transferts d’armes n’aient pas une incidence négative sur la sécurité et la stabilité régionale;
  • les transferts d’armes n’encouragent pas la corruption.

Enfin, le champ d’application du Traité devait être le plus large possible afin que les objectifs soient clairement remplis. Ainsi, les munitions et, en particulier les munitions pour les armes légères et de petit calibre, et le plus large de types d’armes conventionnelles devrait être concerné. Une transparence totale devrait également être exigée à travers la publication de rapports annuels retraçant toutes les opérations effectuées par les États.»

 

 

Deux personnalités sont intervenues sur les questions de la politique étrangère de la France et des perspectives européennes lors de la réunion de la commission Justice et Paix de septembre 2012: Mme Nicole Gnesotto, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de l’Union européenne – institutions et politique – et ancienne directrice de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, et M. Yann Mens, rédacteur en chef d’Alternatives internationales.

Yann Mens insiste sur la montée en puissance des pays émergents et la question de la prolifération nucléaire militaire qui remettent en cause la position internationale de la France, comme celle des autres pays occidentaux. Ces pays, Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud, voire Russie, selon certains, estiment retrouver leur poids normal par leur forte croissance malgré leurs faiblesses internes. Leur rythme de rattrapage est élevé. Dans les relations et négociations internationales, ils ont acquis un pouvoir d’empêcher les pays occidentaux de faire ce qu’ils souhaiteraient. Lorsque le Brésil et l’Inde se retrouvent dans le même groupe dans les négociations du cycle de Doha, ils ont des intérêts opposés, mais ensemble ils arrivent à bloquer les Occidentaux dont l’ordre colonial appartient au passé, mais qui n’ont pas pris une pleine conscience de la relativisation de leur puissance.

 

Des vies égales ?

En matière nucléaire, le traité de non -prolifération est, selon Yann Mens, injuste, voire illégitime. Cinq puissances ont le privilège de l’arme nucléaire, Etats Unis, Russie, Grande Bretagne, Chine, France ; les autres, la « plèbe castrée », n’y a pas droit sauf quelques petits malins, Inde, Pakistan, Israël. L’Iran qui a menti sur son programme nucléaire est pour le moment encore en situation intermédiaire. La France justifie sa possession de l’arme nucléaire en affirmant qu’il s’agit pour elle d’une assurance vie. Pourquoi la vie d’un citoyen français serait-elle plus précieuse que la vie d’un citoyen brésilien ou coréen, voire iranien ?

 

La France, puissance intermédiaire

Dans ce contexte la France apparaît comme une puissance intermédiaire, peu présente en Asie – Pacifique où les choses se jouent, en déclin en Afrique. L’absence de débat interne et parlementaire est manifeste. La diplomatie française est trop timide à l’égard de la société civile dans les pays où elle est présente.

La France a très peu de moyens pour  peser seule. Elle serait capable de régler la crise malienne mais elle ne peut plus le faire toute seule. Ses moyens militaires s’étiolent.

Parmi les priorités que la France pourrait se fixer sur la scène internationale, la coopération avec le monde arabe en transformation paraît essentielle. Qu’est-ce que la France peut apporter comme aide à ces pays, dans le cadre en particulier de la politique européenne de voisinage ? En matière d’environnement elle pourrait donner l’exemple sur son propre sol. En matière de ventes d’armes, elle pourrait décider de n’exporter que vers des pays démocratiques. Et est-elle capable de renoncer à l’arme nucléaire, au privilège nucléaire ?

 

Une triple crise européenne

Pour Nicole Gnesotto la crise européenne n’est pas une crise de l’euro qui va bien et représente 26% des réserves mondiales de change. C’est une crise des finances publiques de certains Etats de la zone euro.

L’Europe est en crise d’identité. Etre Européen, c’est quoi ? Où sont les frontières ? La question n’est pas réglée et les opinions publiques doutent. Et l’élargissement continue : la Croatie va bientôt rentrer ; les négociations s’engagent avec la Serbie et la Monténégro. Il n’y a pas que la Turquie !

L’Europe est en  crise de gouvernance. Après avoir ratifié à grand peine, au terme d’un long processus, le traité de Lisbonne on se rend compte qu’il ne sert à rien pour régler la nouvelle crise économique. La zone euro ne dispose pas de structures de gouvernance adaptées. Une vraie crise institutionnelle est là. On ira sans doute vers une nouvelle convention pour élaborer  un nouveau traité, mais comment pourra-t-on s’affranchir des contraintes de l’unanimité à 27 ?

Enfin  une crise de finalité. On ne sait plus expliquer à quoi sert l’Union européenne. On savait le faire pendant la guerre froide. Certains disent qu’elle est un tremplin pour entrer dans la mondialisation. D’autres disent que c’est plutôt un rempart contre la mondialisation. Le projet et le discours collectif ne sont plus là.

 

Vingt-sept ne font pas un

Cet ensemble de problématiques explique le désarroi des responsables politiques et des gouvernements. Mais cette transition que vit l’Europe, c’est l’ensemble du monde qui la vit. L’Europe et le monde sont construits de la même manière : une interdépendance croissante et une organisation au niveau économique et une très grande division au niveau politique. Un marché unique européen et 27 états différents, un marché unique de l’Organisation mondiale du commerce et 165 pays.

De plus le poids des évolutions démographiques est ressenti : dans dix ans 1 habitant sur 2 de notre planète sera asiatique. La France a 1% de la population mondiale sur 1% des terres immergées, l’Europe 8% de la population mondiale.

Mais l’Union européenne compte dans le monde. Elle est la première puissance économique avec 20% du PIB mondial et 20% des échanges commerciaux ; elle est la première destinataire des investissements étrangers avec 230 milliards de dollars devant les Etats-Unis  à 100 milliards. Deuxième puissance monétaire, son endettement est de 88% du PIB contre 102% aux USA et 200% au Japon. Elle est aussi la première au monde pour l’aide publique au développement et l’aide humanitaire. Mais ces chiffres sont rarement compilés : le plus souvent ils se présentent pays par pays (ndlr, comme pour les médailles olympiques 2012: l’Europe est la première au monde, et de très loin).

La même situation prévaut au G8 et au G20 : l’Europe est très bien représentée dans les enceintes internationales mais ceci ne se traduit pas par une influence politique équivalente, car elle s’y présente en Etats séparés et non comme une entité. A Copenhague, sur la lutte contre le changement climatique, les Etats européens étaient d’accord sur le fond mais ne se sont pas entendus pour une représentation commune ; l’Europe n’était donc pas présente dans la salle des dernières négociations !

L’incapacité de peser dans quelque crise que ce soit est flagrante, comme l’illustre tristement celle du Kosovo. Il n’y a pas aujourd’hui d’institution européenne capable d’influence. Le Conseil se réunit soit sur des questions économiques, soit sur des questions politiques, mais jamais sur les deux au même moment. Les chefs d’Etat ne parlent quasiment jamais de la place de l’Europe dans le monde. Ils débattent de questions très pointues et techniques, jamais sur des grandes questions géopolitiques.

 

Le scénario de la désintégration européenne

La zone euro est malade. Un pays a triché, la Grèce qui représente 2% du PIB européen et 11 millions d’habitants. La solution envisagée par l’Allemagne est de la faire sortir puis de la réintégrer quand elle ira mieux. Si la Grèce ne pèse pas, on lui a quand même donné 150 milliards d’euros sans que son gouvernement ait réellement entrepris les réformes nécessaires. Techniquement il est possible de faire cette manœuvre mais ses effets sont inconnus. Y aurait-il un risque de contagion ? L’Espagne pèse 11% du PIB européen, l’Italie 17 % ; à eux deux ces pays représentent le poids de l’Allemagne. Si un effet de domino s’enclenchait à la suite de la sortie de la Grèce, il y aurait un risque de désintégration de l’Europe. Par ailleurs l’Allemagne est très exposée à la dette grecque : 80 milliards contre 45 pour la France Le paradoxe de ce scénario est que le problème grec est quantitativement marginal mais que ses conséquences sont inconnues.

 

Le scénario du statu quo européen

Cela consiste à courir derrière les marchés, à gérer pour vouloir revenir à la situation d’avant crise. On fait tout pour garder les fondamentaux de l’Europe : l’euro, la souveraineté des états et la pureté des critères de Maastricht. C’est la restauration. Mais le retour de la croissance est utopique : c’est bon pour les pays émergents, pas pour la vieille Europe. Or tous les Etats veulent cela, qui est inefficace quoique consensuel. Le risque, c’est l’échec. Avec un risque d’effondrement démocratique des Etats. La technocratie a supplanté la démocratie. Les risques existent de mouvements populistes d’extrême droite en Grèce, à moins que cela ne soit les colonels, d’un régime communiste en Espagne. La montée de l’extrême droite est forte : Hongrie, Roumanie, Pays-Bas, pays nordiques, France.Peut-on même parler de risque de clash de civilisation entre le nord et le sud ? De ruptures des solidarités créées par les fonds structurels européens quand l’Europe du nord voit celle du sud comme corrompue ?

Ce scénario de la continuité a la faveur des chefs d’Etats mais il ne fonctionne pas et détruit la cohésion.

 

Le scénario du rebond par l’intégration

Pour sauver l’Europe il faut plus d’Europe, sortir par le haut, donc plus d’intégration, à commencer par le pacte budgétaire qui doit être ratifié par au moins 12 pays de la zone euro.

Des propositions en faveur du fédéralisme européen se répandent : un seul président à la tête de l’Europe élu au suffrage universel ; la représentation unique dans les instances internationales ; les eurobonds, la supervision par la Banque centrale européenne des 6 000 banques. Les quatre présidents des plus grandes institutions européennes ont fait un rapport pour les chefs d’Etat qui va dans ce sens. La pensée fédérale est à nouveau en mouvement, même si la Grande Bretagne est et restera en marge car depuis toujours elle rejette tout projet d’intégration. Les Tchèques aussi. Les autres pays d’Europe centrale auront du mal à résister à un accord entre les grands, même si les relations entre la Pologne et l’Allemagne ne sont pas faciles.

Mais, pour Mme Merkel, la mutualisation des dettes doit être une conséquence du processus d’intégration politique : on commence par l’Europe politique et ensuite on aboutit à une union budgétaire. Les Français disent l’inverse.

Les Allemands ont demandé un nouveau traité de discipline budgétaire pour participer aux mécanismes de sauvetage de l’euro. Mais le pacte budgétaire n’est pas un traité fédéral, c’est un traité entre les Etats. De plus, en dehors de l’Allemagne les opinions publiques ne comprennent pas ces nouvelles contraintes.

On ne peut pas progresser vers le fédéralisme en  restant au niveau de la technique budgétaire. Un fédéralisme est politique ou il n’existe pas.