Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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La publication avait été annoncée en 2007, à l’occasion du 40ème anniversaire de Populorum progressio de Paul VI (1967). Une nouvelle lignée de textes sociaux se trouve établie, puisque déjà Jean-Paul II avait salué le 20ème anniversaire avec Sollicitudo rei socialis (1987). La préparation du document a été longue et complexe, notamment en raison de la crise actuelle.

Le thème central est énoncé dès le titre : l’amour charité (caritas) se situe au cœur de la réflexion, en écho à la première encyclique de Benoît XVI, Deus caritas est (2006). La source théologique de la réflexion en éthique sociale se trouve à plusieurs reprises clairement exposée. Nous pouvons y déceler une certaine nouveauté : la thématique centrale de Populorum progressio était « l’ordre social juste » et la référence à l’amour n’apparaissait que quatre fois dans le texte. Cependant, un tel déplacement d’accent n’enferme pas la réflexion dans un strict espace chrétien ; depuis plusieurs années, la question de l’amour est traitée comme telle en sciences sociales et en philosophie (cf. des auteurs tels que L. Boltanski, A. Honneth, P. Ricoeur, etc.).

Les deux autres mots du titre (in veritate) indiquent une volonté de rigueur intellectuelle, en référence à la raison humaine. Aussi, ce travail tient-il compte de travaux en différentes disciplines. Ce recours au thème de la vérité veut éviter certaines dérives : « dépourvu de vérité, l’amour bascule dans le sentimentalisme » (9) ; il s’agit aussi de résister à une vision réductrice, « empirique et sceptique de la vie » (9). Si ce recours à la vérité correspond à un travail en raison, il s’articule également avec une perspective croyante : « le témoignage de la charité du Christ à travers les œuvres de justice, de paix, de développement fait partie de l’évangélisation. » (15)

Une parole sur les questions actuelles

À propos de la vie en société, l’Église catholique ne prétend pas apporter des « solutions techniques » (n°9). Il revient aux divers responsables, en tenant compte des spécificités locales, d’élaborer des projets pertinents. La réflexion sur « l’amour dans la vérité » se réfère à une lumière qui naît et de la foi et de la raison : elle recueille ce qui émane d’une source croyante tout en faisant place aux capacités de l’intelligence humaine. L’articulation entre foi et raison supposant un travail continu.

Caritas in veritate maintient une option ferme en faveur du développement : « L’idée d’un monde sans développement traduit une défiance à l’égard de l’homme et de Dieu. » (14). Mais, en fidélité à Populorum progressio, il s’agit bien d’un développement intégral, c’est-à-dire qui implique « tout l’homme et tous les hommes ». Un vrai développement ne peut donc se réduire à la croissance économique ou à la multiplication des biens, il doit aussi intégrer les dimensions sociales, culturelles, spirituelles… Le document rappelle avec insistance la finalité humaine tant de l’économie que de la politique : « la personne, dans son intégrité, est le premier capital à sauvegarder et à valoriser » (25).

Il et rappelé aussi qu’un développement humain ne peut être que solidaire (Jean-Paul II a souligné ce trait à l’occasion du 20ème anniversaire de Populorum progressio, par l’encyclique Sollicitudo rei socialis, en 1987). Associé aux thématiques classiques de justice et de bien commun, le développement est bien le « nouveau nom de la paix ». Caritas in veritate apporte une touche spécifique en situant la fraternité comme horizon du développement humain ; à ce propos également, l’encyclique bénéficie du travail conduit en d’autres disciplines (ex. C. Chalier). Une telle finalité présente un critère de discernement permettant d’évaluer la mondialisation actuelle : « la société toujours plus globalisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères ». (19) Il s’ensuit une urgence : « la réalisation d’une authentique fraternité » (20).

Un trait de l’encyclique qui mérite notre attention se rapporte au don, à la gratuité (34). De nouveau, avec cette thématique, il est tenu compte de travaux contemporains. La réflexion sur la solidarité qui, en référence à un « ordre juste », met l’accent sur la dimension institutionnelle se trouve complétée par un appel à la capacité de bienveillance et de sollicitude qui anime les être humains. La confiance nécessaire à la vie commune suppose bien sûr de claires règles d’équité, mais elle ne s’y réduit pas. Il est notable que les références au don et à la gratuité, qui renvoient à l’expérience croyante de la « grâce », de la surabondance, font écho aux recherches actuelles en sciences sociales et en philosophie.

Des critères de jugement en vue de l’action

La référence à l’amour se présente comme une bonne nouvelle pour un temps de mondialisation. « Il faut donc travailler sans cesse afin de favoriser une orientation culturelle personnaliste et communautaire ouverte à la transcendance du processus d’intégration planétaire. » (42) Le personnalisme évoqué se distingue d’un individualisme qui renvoie chacun à sa solitude, qui n’honore pas la dimension sociale de toute expérience humaine. Quant à la proposition communautaire, elle s’oppose à une perspective utilitariste qui ne prend en compte le rapport à l’autre qu’en raison des intérêts et des avantages qu’on peut en tirer. C’est bien une dynamique éthique des relations humaines qui se trouve mise en lumière.

Les références traditionnelles de l’enseignement social de l’Église sont rappelées, à commencer par la dignité inviolable de toute personne humaine. C’est en raison de cette dignité que chacun doit pouvoir apporter sa contribution spécifique au bien commun et que l’économie doit être au service de tous les êtres humains. Mais l’être humain s’épanouit vraiment dans le don, dans un dépassement du seul calcul d’intérêts.

De nombreux dossiers sont évoqués dans une perspective éthique : la coopération pour le développement, les situations de pauvreté, les migrations, l’appel à une autorité politique de compétence mondiale… et bien sûr la finance, « les opérateurs financiers doivent redécouvrir le fondement véritablement éthique de leur activité. » (65) En écho à Populorum progressio, un appel est adressé « pour une collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples » (67). Quant au thème du développement durable, il est pris en compte sous le mode d’une solidarité intergénérationnelle qui suppose une « maîtrise responsable de la nature ». (48-51)

Une encyclique qui s’adresse aux Églises au monde entier et à « tous les hommes de bonne volonté » s’en tient forcément à des principes généraux et ne peut entrer dans le détail des analyses concrètes. Mais la réception d’un tel message suscite un regard critique sur les attitudes spontanées et les légitimations des pratiques qui ont cours ici et maintenant. Retenons simplement quelques exemples. Qu’en est-il du respect de la dignité des personnes migrantes, notamment des « sans papiers », en France et en Europe ? Que devient aujourd’hui le travail lorsque les salariés constituent une variable d’ajustement parmi d’autres, lorsque le chômage massif est perçu comme une fatalité ? Que deviennent les être humains lorsqu’importe seulement « leur force de travail », au prix de souffrances insupportables ? Face aux dénis pratiques de la dignité humaine, et aux idéologies qui soutiennent de telles attitudes, la seule protestation ne peut suffire. L’enseignement social de l’Église vise justement à promouvoir des initiatives nouvelles et courageuses qui servent un développement solidaire et durable.

En conclusion

Le cap est rappelé : la promotion de la justice, de la paix, du développement fait partie de l’évangélisation, du témoignage de la foi (n°15). Les chrétiens ont donc à prendre leur place en ce travail pour un vrai développement humain, en relation avec tous ceux qui oeuvrent selon cette perspective.

Le texte de l’encyclique est dense, parfois complexe, avec de nombreuses références explicites ou implicites. Il appelle donc un travail d’appropriation et d’approfondissement. Certes, un tel document s’appuie sur les recherches qui ont cours en différentes disciplines et, plus encore, sur la réflexion et l’engagement des communautés chrétiennes ; il veut aussi provoquer les unes et les autres à aller de l’avant, tant dans la compréhension des situations que dans le déploiement d’actions transformatrices. Pour ne retenir qu’un exemple, certains regrettent que le formidable défi que représente l’avenir de la vie sur notre planète soit traité comme une problème parmi d’autres, alors qu’une telle question conduit à reconsidérer tant nos manières de nous rapporter au monde que nos modes de vie ; retenons que le chantier est ouvert et qu’il revient à tous et à chacun de travailler à ce monde qui vient, pour qu’il ait un avenir.

Mondial. Euro. Nous voici donc à l’heure du foot. Les clameurs des stades vont envahir nos pays. Que nous le voulions… ou pas. Je laisse les « footeux » se réjouir devant leur télé et me permets d’appeler les autres à la réflexion.

Le foot est devenu le miroir de notre société. Il est dominé par l’économie. Par le libéralisme économique. Certes Avignon – Arles est parvenu à se hisser en 1ère division, certes Auxerre n’a pas le même budget que Lyon ou Bordeaux… Mais les salaires des joueurs, des coachs… Mais le cri des victoires pour l’Euro à 1.7 Milliards d’euros, mais le « marchandising », les stades-galeries-commerciales, mais les droits de télé…. Mais les stratégies qui consistent pour les riches à acheter des joueurs et de les mettre sur les bancs de touche afin que leurs adversaires, plus pauvres, n’en profitent pas. Mais…l’utilisation de la passion pour acheter des jeunes africains et les asservir…

A vrai dire le monde du foot est celui de la mondialisation économique. On peut penser que les règles sont partout les mêmes et que c’est la grandeur du sport. Mais chacun devine que les plus riches y font la loi et n’hésitent ni devant la drogue ni devant la triche… Le but est de transformer le supporter en client en prenant soin de le protéger de la violence (en créant de nouveaux délits) et en faisant la morale contre le racisme… Le foot est le miroir d’une certaine société… Et pourtant…nous l’aimons… Nous l’aimons parce que c’est un beau spectacle et qui sait rassembler des personnes de tout âge et de tout milieu. Peut-être, faudrait-il simplement être responsable : la passion ne justifie pas tout ! La fête n’est vraiment joyeuse que lorsque chacun y a sa place Alors, elle rassemble. Et c’est beau. Car l’humanité est faite pour être rassemblée. Le foot en est le signe

Les responsables de nos trois diocèses catholiques de Guyane, Martinique et Guadeloupe, à l’occasion de leur rencontre annuelle les 17, 18 et 19 Janvier à l’évêché de Basse- Terre, regardant les réalités de nos peuples reconnaissent que « nous ressentons la crise actuelle qui touche l’univers entier.

Cette crise affecte le sens de la vie même et l’avenir des jeunes. Nous en ressentons les contrecoups fortement. Pour nos trois régions, cela relance la question de la relation institutionnelle avec la France pour favoriser la maîtrise du développement économique de ces pays. L’Eglise mesure l’ampleur de cette crise qui ne pourra être jugulée que par du sens et de l’éducation »

Oui, la crise est bien là et touche tous les domaines de la vie : l’utilisation des ressources naturelles comme la terre, l’eau et tout l’environnement, l’enfance, la jeunesse, l’éducation, l’emploi, les personnes âgées, toute les productions locales, l’agriculture, la pêche, le bâtiment, les moyens de communication etc…Et surtout l’augmentation du coût de la vie facilitée par les monopoles et le non contrôle des prix, ce qui fait que le pouvoir d’achat n’arrête pas de régresser. Reconnaissons que ce sont les plus pauvres les premières victimes et que le nombre de personnes pauvres et de familles pauvres augmente d’année en année dans notre pays.

On comprend alors que des mouvements sociaux s’organisent et qu’ils prennent une signification nouvelle quand ils regroupent des associations, des partis politiques, des syndicats et des groupements professionnels très divers qui décident ensemble de soutenir ces mouvements. Tous ceux qui interviennent, quel que soit leur idéologie, religion ou parti politique reconnaissent que sont exprimées là « des revendications essentielles ».

C’est donc l’occasion, pour nous citoyens, et beaucoup parmi nous citoyens chrétiens, de nous rappeler certains droits et devoirs essentiels, à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise.

« Le fondement de toute société bien ordonnée et féconde, c’est le principe que tout être humain est une personne, c’est- à- dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même, il est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns des autres, ensemble et immédiatement de sa nature : aussi sont- ils universels et inaliénables » Jean XXIII Paix sur la Terre N° 9)
« Tout être humain a droit à la vie, à l’intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente, notamment en ce qui concernent l’alimentation, le vêtement, l’habitation, le repos, les soins médicaux, les services sociaux (N° 11)…droit également à une information objective (N° 12)….droit d’accéder aux biens de la culture…et donc d’acquérir une instruction de base, ainsi qu’une formation technico- professionnelle correspondant au degré de développement de la communauté politique à laquelle il appartient.(N°13)…Tout homme a droit au travail et à l’initiative dans le domaine économique (N°18)…ainsi qu’à des conditions de travail qui ne compromettent ni sa santé, ni la moralité (N°19)…dans la vie en société, tout droit conféré à une personne par la nature crée chez les autres un devoir, celui de reconnaître et de respecter ce droit (N°30) »

Nous savons bien que tout pouvoir civil, et donc tout Etat, a le devoir essentiel de protéger et de promouvoir ces droits inviolables de la personne humaine, c’est aussi le devoir de toutes les instances de la société de la famille aux institutions politiques en passant par les syndicats, les associations et tous les groupes de la société civile. Il faut donc nous interroger à tous les niveaux.

Reconnaissons que, influencés par l’extérieur, nous avons laissé s’installer trop facilement des modes de vie qui, maintenant sont difficiles à faire disparaître. Même si notre peuple possède des aspirations légitimes à une amélioration de sa vie, mais quels devront être nos choix ? Continuez à être des consommateurs sans nous projeter dans un avenir qui engage l’avenir de notre jeunesse ? Oublier que notre petite île ne peut supporter aucune erreur dans les futurs projets concernant l’environnement, la pollution ? Oublier que nous formons des jeunes et pour quel projet ? Oublier notre histoire commune avec la Caraïbe et ne pas savoir prendre toute notre place dans cette région si riche en potentialités ?

Quant aux moyens et à la méthode, ils seront toujours à confronter aux droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi, la violence physique, verbale, symbolique, morale ou économique ne peut être facteur d’un mieux être ni à court terme, ni à long terme. Sur ce point tous les groupes concernés sont appelés à réviser leur méthode et moyens d’action. Il est trop facile de dénoncer la méthode et les moyens des autres et de donner à plein, clandestinement dans des moyens peu honnêtes et même violents. Pour régler les problèmes, il faudra bien s’asseoir autour d’une table pour dialoguer et chercher ensemble.
La situation est trop grave pour continuer de cacher la vérité aux gens sur la crise, ses causes et ses conséquences si nous ne réagissons pas. Prenons les moyens pour arrêter la politique du paraître et du prestige en faisant des choix plus conformes à nos possibilités et au respect de l’environnement.

Certains proclament que la crise actuelle peut être l’occasion de « resserrer notre lien social ». Certainement, s’il s’agit de réorganiser la solidarité dans notre pays mais ne rêvons pas de projet guadeloupéen « unique », car une saine logique démocratique suppose que des partis politiques fassent des projets qu’ils expliquent clairement au peuple qui choisira et aucun choix ne peut être accepté et mis en action sans l’adhésion démocratique d’une majorité.

Nous nous rappelons, à l’occasion, que tout peuple a droit à un vrai développement. Pour la doctrine sociale de l’Eglise le « vrai développement » doit être intégral (concernant toute la personne et toutes les personnes), intégré (donc à partir des richesses naturelles et humaines du pays) et durable (respectant l’environnement à transmettre aux générations futures).

Une autre Guadeloupe est possible si nous nous donnons les moyens de réorienter notre économie pour qu’elle soit au service des personnes et non du seul profit de quelques- uns. Cela exige une réflexion éthique et un engagement à la démocratie et au développement intégral, intégré et durable.

« Quand le souci de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes devient prioritaire, l’espérance renaît ».