Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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Le monde est traversé par une immense aspiration à la dignité, une soif d’être respecté. Au Sud Soudan, un des slogans utilisé pour le référendum sur l’indépendance était : vote for dignity…votez pour que votre dignité soit respectée. Et ce slogan, me semble-t-il, exprime le mouvement qui s’est propagé dans les pays arabes.
Bien des analyses sont possibles pour les expliquer : Montée en puissance d’une classe moyenne, exaspération due à l’augmentation du prix des matières premières, existence du net et d’une chaîne de télévision arabe, Aljazeera, pouvoirs corrompus, inégalités énormes et privatisation de l’Etat au profit d’un clan ou d’une famille… Sécurité exacerbée…
Comment réagir, nous Français, à ce qui se passe ? Nous ne sommes pas propriétaires ni de la démocratie, ni de la liberté, et ce qui arrive là bas ne doit pas être récupéré en proclamant – avec arrogance – que les peuples découvrent nos valeurs. Il convient simplement de se réjouir de les voir suivre leur propre chemin.
Il serait déplacé d’encourager des mouvements et de ne pas leur donner la possibilité de s’imposer. Il y a déjà un certain temps, nous avions encouragés les Kurdes à la révolte et cette révolte avait été matée dans le sang par M. Saddam Hussein. Se réjouir….oui, mais savoir partager pour donner des moyens afin de tenir et d’aller de l’avant.
Notre arrogance serait déplacée si nous ne nous interrogeons pas sur nous-mêmes ! Dans notre pays et spécialement dans certains quartiers de la banlieue des hommes et des femmes, des adolescents ont l’impression que leur dignité est bafouée… Nous affichons : liberté, égalité, fraternité, et ils vivent leur quotidien en ayant l’impression que ce n’est pas pour eux. Ils croient constater que c’est l’argent (pas la fraternité) qui domine notre monde ! Et si certains sont tentés quelquefois d’obtenir de l’argent par la violence, ou la drogue la plupart vivent la grande frustration de ne pas être respecté.
Comment, chrétiens, ne pas entendre un tel appel à la dignité au respect c’est-à-dire à la justice et à l’espoir ? Dieu aime notre liberté…il nous fait confiance. Il nous soutient de son amitié. Comment, nous, ne pas faire de même ?
Au moment où à travers le monde on célèbre le 20e anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU ratifiée par pratiquement tous les pays et que l’on fait son bilan en mesurant tous les efforts qui restent à accomplir, c’est un message négatif qu’envoient les autorités françaises en prévoyant la suppression de l’institution nationale du Défenseur des enfants créée en 2000.
Selon les projets actuellement élaborés, sa mission et ses attributions seraient en partie transférées au futur Défenseur des droits prévu par la révision constitutionnelle de 2008.
Si tel était le cas, la défense des droits de l’enfant serait fortement diluée dans un mandat à facettes et fonctions multiples, et de fait serait très restreinte face aux cas et situations concrètes de violation. La visibilité, la spécificité et surtout l’efficacité du combat pour les droits de l’enfant en seraient d’autant compromises.
Or, cette perspective de suppression du Défenseur des droits de l’enfant va à l’encontre des engagements internationaux de la France et de ses responsabilités. Celle-ci va en particulier à contre sens :
- de la recommandation du Comité des droits de l’enfant institué par la Convention de l’ONU qui demande à chaque Etat partie – dont la France – de prévoir une institution nationale indépendante spécialement compétente pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant ;
- de l’appel de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui à l’occasion du 20e anniversaire de cette Convention, demande à tous ses Etats membres de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre et garantir l’effectivité des droits de l’enfant ;
- de l’évolution actuelle caractérisée par le développement d’institutions nationales spécifiques pour la promotion et la protection des droits de l’enfant dans un nombre croissant de pays des différentes régions du monde.
La suppression du Défenseur des enfants comme institution nationale autonome serait un véritable recul en premier pour les enfants eux-mêmes et leur « intérêt supérieur ». En outre, cette disparition donnerait un signal négatif aux autres Etats engagés dans la mise en place d’institutions de défense des enfants et finalement, elle susciterait une large désapprobation de la communauté internationale à la mesure de l’attente que l’on peut avoir de la France et au regard de sa responsabilité propre.
La France a ratifié le statut de la CPI le 9 juin 2000. Cette seule ratification ne permet pas la mise en œuvre du statut au niveau national. Il faut pour cela transposer en droit français les dispositions contenues dans le Statut de Rome.
En effet, la CPI n’a pas vocation à se substituer aux tribunaux nationaux. La CPI est en droit d’enquêter et d’engager des poursuites, uniquement dans le cas où l’Etat serait défaillant. Un Etat est défaillant lorsqu’il n’a pas la volonté ou qu’il est dans l’incapacité, de remplir son obligation d’engager des poursuites pénales, de prononcer des condamnations et de fournir une assistance judiciaire. Pour ne pas se voir dessaisis au profit de la Cour, les Etats Parties doivent donc s’assurer que leur législation nationale leur permet bien de juger les individus ayant commis des infractions relevant de la compétence de la Cour. C’est l’objet de cette loi d’adaptation.
Quatre points principaux doivent être l’objet d’une attention particulière : c’est pour eux que les membres de la Coalition française pour la CPI, dont fait partie Justice et Paix-France, se mobilisent.
Les diverses incriminations possibles
En l’état actuel du droit français, il n’existe aucune section générale relative aux crimes de guerre, que ce soit dans le code pénal ou le code de justice militaire [1]. Il y a là un vide à combler. Les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 organisaient déjà la répression des crimes de guerre. Ces Traités internationaux ont tous été ratifiés par la France, mais jusqu’à présent, celle-ci ne les a toujours pas intégrés dans son ordre juridique interne. Avec la CPI, la France doit incorporer à son arsenal juridique tous les crimes de guerre énoncés à l’article 8 du Statut de Rome.
Or le projet de loi adopté en première lecture par le Sénat, s’il entend prendre en compte cette dimension, introduit des différences de responsabilité pénale en distinguant crimes et délits de guerre, ce que ne fait pas le Statut de Rome.
Cette exigence de cohérence entre les formulations transposées en droit français et le texte même du Statut de Rome vaut pour d’autres définitions. Ainsi, si le code pénal français dispose d’ores et déjà de définitions des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, ces dernières datent de 1994 et diffèrent de celles du Statut de Rome. Il convient donc de les harmoniser avec leur définition internationale. Or le projet de loi introduit une formulation qui rend plus difficile la constitution du chef d’accusation de crime contre l’humanité [2]. De même, l’esclavage sexuel ne fait partie ni des actes constitutifs de crime contre l’humanité ni des actes constitutifs de crime de guerre, contrairement au Statut.
Il ne s’agit pas là seulement de querelles de techniciens. Compte tenu du principe de complémentarité qui figure dans le Statut [3], de telles distorsions ne permettraient pas de poursuivre les auteurs de crimes internationaux de façon identique devant la justice française ou devant la CPI.
L’imprescriptibilité des crimes de guerre
Tous les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale sont imprescriptibles. En introduisant une restriction à ce principe général concernant les crimes de guerre, le projet de loi met en péril « l’harmonisation de la répression de ces crimes au niveau international » (Avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme – CNCDH du 6 novembre 2008). A l’instar des crimes contre l’humanité et crime de génocide, il est donc important que le droit français reconnaisse l’imprescriptibilité des crimes de guerre. Sans cela, et contrairement à ce que la France veut éviter, des militaires français engagés dans des opérations sur des terrains étrangers pourraient être exposés, au-delà du délai de prescription en droit français, à des poursuites devant les tribunaux de ces pays ou devant la CPI, sans pouvoir être jugés dans leur propre pays.
Limitations à la responsabilité pénale
La distinction entre délits et crimes de guerre évoquée ci-dessus conduit à exclure de la compétence de la CPI certaines infractions qui figurent pourtant dans le Statut de Rome. Au-delà, certaines dispositions du projet de loi en l’état (art 462-11) conduisent à « exonérer la France de l’application des règles du Droit international humanitaire et du Droit international pénal dès l’instant où elle agirait dans le cadre de l’exercice de son droit de légitime défense, ce qui n’est pas acceptable.
La compétence universelle pour les crimes les plus graves
Il nous faut rappeler ici l’objectif principal qui a présidé à la création de la CPI : lutter contre l’impunité, alors que de nombreux tortionnaires s’étant rendus coupables de génocide, massacres ou violences à grande échelle n’étaient jamais poursuivis, faute de juridiction compétente. Cela étant – il faut y insister – la CPI n’intervient que lorsqu’un Etat est défaillant. Mais seule, elle n’a pas les moyens de répondre à toutes les situations. Seule, elle serait impuissante à juger tous les responsables. Son statut prévoit donc qu’ « il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». C’est ce qu’on appelle la compétence universelle des tribunaux qui permet de juger des crimes internationaux les plus graves commis à l’étranger, contre des étrangers et par une personne étrangère. Cette compétence est déjà reconnue par la France concernant les auteurs présumés de crimes de torture ou de crimes relevant des tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda qui se trouveraient en France. On parle alors de compétence extraterritoriale plutôt que de compétence universelle. Les associations qui luttent pour le respect et la promotion des droits de l’homme, tout autant que la CNCDH, demandent que cette compétence extraterritoriale prévue pour les crimes relevant des tribunaux internationaux soit étendue aux crimes relevant de la compétence de la CPI. Le projet de loi voté par le Sénat le prévoit, mais dans des conditions bien plus restrictives, puisqu’il ne suffit pas que la personne concernée soit simplement sur le sol français, mais qu’elle y ait sa résidence habituelle. Autant dire que cette disposition réduit considérablement les possibilités de recours voire les annihile, si l’on ajoute à cela deux autres dispositions tout aussi contestables :
- l’interdiction du déclenchement des poursuites par les victimes au profit du monopole accordé au Ministère public,
- et les restrictions apportées à cette compétence extraterritoriale lorsqu’il s’agit d’un ressortissant d’un pays non signataire du Statut, ou lorsque les faits ont eu lieu dans un pays non signataire.
Si le texte était maintenu en l’état, c’est l’idée de justice internationale qui serait fortement mise à mal dans notre pays ; c’est aussi l’image de la France, pays des droits de l’homme, qui serait ternie par son manquement à respecter ses engagements internationaux.