Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Les États membres des Nations Unies se sont réunis du 2 au 27 juillet 2012 à New York pour adopter un Traité régulant le commerce des armes.

Malheureusement, les négociations se sont soldées par un échec. Alors même que 50.000 personnes ont perdu la vie au cours de ce mois du fait de la violence armée et que la répression s’intensifiait en Syrie, des pays au poids non moins conséquent ont demandé plus de temps pour évaluer et se prononcer sur la proposition de Traité proposée par le Président de la Conférence de New-York.

Les conséquences de ce commerce sont multiples et désastreuses. Ainsi, chaque jour, des milliers de personnes sont tuées, blessées, violées et déplacées par des groupes armés, des bandes criminelles ou encore par des forces gouvernementales. Les effets sont aussi dévastateurs sur le développement socio-économique des États. Le recours effréné aux armements de certains d’entre eux dépasse les besoins légitimes de la défense nationale, détournant des montants importants des budgets de la santé et de l’éducation et engendrant une pratique généralisée de la corruption estimée à plusieurs milliards de dollars.

Le chiffre d’affaire généré par le commerce des armes est de l’ordre de 1 400 milliards de dollars par an – soit l’équivalent du PIB de la Russie en 2010. Beaucoup d’acteurs du secteur paraissent peu regardants sur les questions des droits de l’Homme et pratiquent un commerce irresponsable. Les enjeux financiers des guerres et du commerce des armes en général, les intérêts géostratégiques, les échéances électorales dans certains pays, le manque de volonté de certains États sceptiques, ainsi que des préoccupations exclusivement nationales expliquent l’échec des négociations. Il est pourtant primordial de passer au-delà des intérêts des États et de veiller à la paix et la sécurité internationales, comme stipulé dans la Charte des Nations Unies. En dépit de l’incapacité de parvenir à un texte final, une dynamique forte a été enclenchée qui a permis le ralliement de plus de 90 États favorables à un Traité des plus contraignants juridiquement. Ces 90 états se montrent « déterminés à obtenir un Traité sur le commerce des armes aussi rapidement que possible. Un Traité qui rendra le monde plus sûr pour l’ensemble de l’humanité ». Concrètement, nous demandons aux pays négociateurs de reprendre les négociations afin d’adopter le plus vite possible un Traité fort et contraignant, ainsi que de veiller à ce que:

  •  les transferts qui violent les obligations et engagements internationaux des États, notamment ceux découlant des mesures adoptées par le Conseil de sécurité, et en particulier les embargos sur les armes, soient interdits ;

 

  • les transferts d’armes qui risquent de faire l’objet d’un détournement ou d’une revente sans autorisation soient interdits ;

 

  • l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violation des droits de l’Homme et du droit international humanitaire;

 

  • l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violences envers les femmes et les enfants ;

 

  • les transferts d’armes ne soient pas une entrave à la réalisation des Objectifs du Millénaire des Nations Unies ;

 

  • les transferts d’armes ne favorisent pas les réseaux de criminalité organisée, les réseaux terroristes et de violence organisée ;

 

  • les transferts d’armes ne causent ou ne prolongent des conflits armés ou aggravent des tensions ou conflits existants;

 

  • les transferts d’armes n’aient pas une incidence négative sur la sécurité et la stabilité régionale;

 

  • les transferts d’armes n’encouragent pas la corruption.

 

  • Enfin, le champ d’application du Traité devrait être le plus large possible afin que les objectifs soient clairement remplis. Ainsi, les munitions et, en particulier les munitions pour les armes légères et de petit calibre, et le plus possible d’armes conventionnelles devraient être concernés. Une transparence totale devrait également être exigée à travers la publication de rapports annuels retraçant toutes les opérations effectuées par les États.

Nous, Commissions Justice et Paix européennes signataires de cette déclaration,
soutenues par la conférence des trente commissions Justice et Paix européennes, restons
mobilisées pour que voit enfin le jour un Traité historique qui constituera un pas essentiel
vers la paix et la justice mondiale.

Commissions Justice et Paix signataires :
– Commission Justice et Paix Belgique francophone
– Justice et Paix – France
– Justice and Peace Greece
– Commission luxembourgeoise « Justice et Paix »
– Justice and Peace Scotland
– Justicia y Paz de España
– Österreichische Kommission Iustitia et Pax

Le 9 Juillet 2011, le continent africain sera le théâtre d’un évènement majeur, avec la création d’un nouvel Etat, la République du Sud-Soudan. Cette date marque l’aboutissement d’un processus de paix engagé depuis 2002, qui s’est soldé par la tenue d’un référendum consacrant le choix des Sud-Soudanais en faveur de l’indépendance de leur région. Ce scrutin qui s’est déroulé, contre toute attente, de manière relativement calme dans un pays qui a connu 50 ans de guerre civile, ne doit pas faire oublier les défis restant à relever. Au vu de la dégradation de la situation actuelle, quatre associations chrétiennes appellent à la vigilance tant les mois et années à venir sont cruciaux.

Au lendemain du 9 juillet, le Sud-Soudan entamera un processus classique de construction d’un Etat (mise en place de l’appareil étatique, des systèmes juridiques et économiques…) dans un contexte de sous développement catastrophique (aucun investissement dans les infrastructures routières, sanitaires, scolaires, etc. depuis des décennies). Dès ses premiers pas, ce pays présentera des indicateurs inquiétants d’un niveau jamais enregistré depuis 1945 : les taux de mortalité infantile parmi les plus élevés au monde, une jeune femme de 15 ans a plus de chances de mourir en accouchant que de terminer ses études. Cette situation est en plus aggravée par des mouvements de population de grande ampleur. Depuis décembre 2010, environ 300 000 Sud-Soudanais ont quitté le Nord pour rejoindre le Sud Soudan.

Le Sud-Soudan devra également être attentif aux risques persistants de dissensions internes et veiller à promouvoir le vivre ensemble. A ce titre, le rôle des Eglises est précieux. Engagées de longue date dans le processus de paix et ayant toujours eu à cœur la réconciliation entre le Nord et le Sud, elles travaillent à la promotion d’une société multiculturelle.

Par ailleurs, les récents évènements au Sud Kordofan (situé à la frontière entre le Nord et le Sud) et dans la région d’Abyei pointent la faiblesse de cet Etat naissant qui ne possède pas encore de frontières définitives et stables. Cette situation conflictuelle renvoie plus largement à la question des ressources pétrolières, minières et aux futures relations entre le Nord et le Sud-Soudan. Or la viabilité de ce nouvel Etat sera tributaire de l’établissement de relations pacifiques et durables avec le Nord Soudan. Il est ainsi nécessaire pour la communauté internationale, dont la France, de poursuivre les efforts pour maintenir un cadre global de négociation entre les deux Etats et pérenniser une présence militaire des Nations Unies pour garantir la sécurité des populations nord et sud-soudanaises.

Au lendemain de l’indépendance du 9 juillet, si les regards seront naturellement dirigés vers la République du Sud-Soudan, dont la population attend avec impatience les dividendes de la paix, le Nord ne doit pas être pour autant oublié, tant les foyers de tensions et de violences, au Darfour notamment, restent préoccupants. Le Nord-Soudan devra redéfinir son unité politique, sociale et économique après la perte d’un tiers de son territoire. Dès lors, nos quatre associations et leurs partenaires soudanais insistent sur la nécessité pour ces deux Etats de maintenir le dialogue et la coopération.

Les positions de l’Eglise sur l’armement nucléaire : une condamnation de principe, un appel à un désarmement progressif menant à un monde sans armes nucléaires

L’emploi de l’arme nucléaire est expressément condamné par l’Eglise : « Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation » (Gaudium et Spes).

En revanche l’Eglise a admis, dans la période de la guerre froide, la stratégie de dissuasion, acceptant qu’on puisse la considérer comme « le plus efficace des moyens susceptibles d’assurer aujourd’hui une certaine paix entre les nations » (Gaudium et Spes). Jean Paul II a ainsi précisé : « Dans les conditions actuelles, une dissuasion basée sur l’équilibre, non certes comme une fin en soi mais comme une étape sur la voie d’un désarmement progressif, peut encore être jugée comme moralement acceptable » (Jean Paul II, Message à l’Assemblée générale des Nations Unies, 1982).

Dans son message de 1982 à l’Assemblée générale des Nations Unies, le Pape Jean Paul II rappelait que l’Église demandait, s’agissant des armes nucléaires, « une progressive réduction mutuelle et vérifiable ainsi que de plus grandes précautions contre les possibles erreurs dans l’usage » de ces armes. Mais il complétait cet appel au désarmement en soulignant qu’en même temps l’Eglise réclamait « pour chaque nation le respect de l’indépendance, de la liberté et de la légitime sécurité ». Il précisait ainsi que le désarmement, notamment nucléaire, devait être conduit dans des conditions préservant la sécurité de toutes les parties. Or, depuis la fin de la guerre froide, les conditions de la sécurité internationale et donc les termes du jugement éthique à porter sur l’armement nucléaire ont profondément changé.

La nécessité de maintenir un équilibre par rapport au surarmement du bloc de l’Est a disparu. La supériorité des pays occidentaux et en particulier des Etats-Unis est désormais écrasante. L’indépendance, la liberté et la sécurité des pays européens ne sont plus menacées. En revanche la prolifération des armes nucléaires représente un danger grandissant pour la paix.

Dans ce contexte transformé l’Eglise désapprouve la stratégie de dissuasion : « Que dire des gouvernements qui comptent sur les armes nucléaires pour garantir la sécurité de leurs pays ? Avec d’innombrables personnes de bonne volonté, on peut affirmer que cette perspective, hormis le fait qu’elle est funeste, est tout à fait fallacieuse. En effet, dans une guerre nucléaire il n’y aurait pas des vainqueurs, mais seulement des victimes. La vérité de la paix demande que tous — aussi bien les gouvernements qui, de manière déclarée ou occulte, possèdent des armes nucléaires depuis longtemps, que ceux qui entendent se les procurer — changent conjointement de cap par des choix clairs et fermes, s’orientant vers un désarmement nucléaire progressif et concordé » (Benoît XVI, 2006). Devant les dangers de la prolifération, la voie du désarmement est préconisée : « Alors que le processus de non prolifération nucléaire se voit ralenti, je me sens obligé d’exhorter les Autorités à reprendre avec une détermination plus ferme les négociations visant au démantèlement progressif et concerté des armes nucléaires existantes » (Benoît XVI, 2008).

L’objectif d’un monde sans armes nucléaires est expressément approuvé : « Il est plus que jamais souhaitable que les efforts de la communauté internationale visant à obtenir un désarmement progressif et un monde privé d’armes nucléaires dont la seule présence menace la vie de la planète et le processus de développement intégral de l’humanité actuelle et future – se concrétisent et trouvent un consensus » (Benoît XVI, 2010).

La dissuasion nucléaire, fondement des équilibres de la guerre froide

Après avoir été utilisée par les Etats-Unis pour obtenir la capitulation immédiate et sans conditions du Japon, l’arme nucléaire est devenue, pour les Etats Unis et l’URSS la garantie de l’équilibre des forces. Cet équilibre reposait sur la parité des arsenaux américains et soviétiques, que des traités de limitation puis de réduction des armements nucléaires stratégiques avaient fini par consacrer (traités SALT et START). Le Royaume Uni, la France puis la Chine se dotaient dans le même temps de l’arme nucléaire pour acquérir une marge d’autonomie stratégique dans le contexte de la confrontation des deux superpuissances. Dès la fin des années 1960, Israël avait pour sa part développé, sans le déclarer officiellement, un armement nucléaire destiné à le prémunir contre le risque d’une invasion (alors théoriquement possible) par les pays arabes environnants.

Le déploiement et le maintien en alerte permanente des armes nucléaires, notamment stratégiques, répondaient alors à un objectif de dissuasion de toute action offensive directe dans une situation où l’affrontement idéologique des deux blocs menaçait toujours de conduire à la confrontation militaire ouverte (cas de la crise de Cuba). S’agissant d’une puissance nucléaire secondaire comme la France, la stratégie adoptée consistait à empêcher toute agression dirigée contre les intérêts vitaux du pays par la menace de destructions largement supérieures aux gains escomptés par l’agresseur.

Les bouleversements stratégiques consécutifs à la fin de la guerre froide et les difficultés de la mise en œuvre du régime de non prolifération

L’état des risques et des menaces n’a plus aujourd’hui rien de commun avec celui de la guerre froide. Les scénarios dans lesquels un adversaire s’en prendrait aux intérêts vitaux d’une puissance occidentale sont, dans la situation stratégique actuelle, improbables. Quant aux menaces qui trouvent leur origine dans des conflits locaux, elles ne peuvent être contrecarrées par la menace d’emploi de l’arme nucléaire et se situent en conséquence dans les « angles morts » de la dissuasion. Les menaces terroristes relèvent de cette catégorie. En revanche, la prolifération nucléaire représente un défi permanent pour la sécurité internationale. Le bilan de la mise en œuvre du Traité de non prolifération (TNP) est en effet mitigé.

  • A l’origine conçu pour écarter en particulier toute éventualité d’armement nucléaire allemand, il a été ratifié par la quasi-totalité des pays dans les années 1990 (la France l’a ratifié en 1992). Il a pu en outre être prorogé pour une durée indéfinie en 1995. Mais trois puissances nucléaires de fait, Israël, l’Inde et le Pakistan, n’y sont pas parties. L’Inde, qui avait réalisé en 1974 une « expérimentation nucléaire pacifique » a procédé en mai 1998 à une expérimentation nucléaire militaire. Le Pakistan l’a imitée quelques jours après. Le Traité prévoit en outre, dans des conditions discutées, une possibilité de retrait dont la Corée du Nord a fait usage en janvier 2003.
  •  Le Traité de non prolifération présente par ailleurs un caractère discriminatoire puisqu’il reconnaît aux cinq puissances ayant fait exploser un engin nucléaire avant le 1er janvier 1967 (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine) le droit, qu’il refuse aux autres Etats parties, de détenir un armement nucléaire. En contrepartie cependant, il reconnaît à tous les Etats parties le « droit inaliénable … de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ». Il soumet aussi les Etats dotés de l’arme nucléaire, à une obligation de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international efficace ». Il est en conséquence usuel de parler des « trois piliers » du TNP (renonciation à l’arme nucléaire pour les Etats non reconnus comme détenteurs, droit général au développement de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et désarmement nucléaire).
  • La reconnaissance du droit des parties au développement des usages pacifiques de l’énergie nucléaire soulève de grandes difficultés en ce qui concerne la vérification du respect des engagements de non prolifération. Les technologies nucléaires civiles et militaires présentent en effet un large tronc commun. De fait, des soupçons d’activités illicites ont pesé sur plusieurs pays signataires (Corée du Nord, Irak, Syrie, Iran). Pour écarter ce risque de prolifération le système de contrôle prévu à l’origine par l’article III du TNP a été progressivement renforcé. Les mécanismes de contrôle développés dans le cadre du TNP ont été en outre complétés par des dispositifs élaborés sur la base d’arrangements politiques ad hoc.
  • Un système de vérification sous l’égide de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) avait été élaboré dès le début des années 1970 en application de l’article III du TNP (accord de garanties de 1973). Mais il ne donnait à l’AIEA que des pouvoirs limités en matière d’inspection. La découverte des activités nucléaires illicites de l’Irak a conduit à un renforcement de ce système à partir de 1993. Dans ce cadre, les Etats liés à l’AIEA par un accord de garanties sont encouragés à conclure avec celle ci un protocole additionnel prévoyant notamment la déclaration de toutes leurs activités nucléaires et l’acceptation d’inspections dans tous les lieux où peuvent se trouver des matières nucléaires.
  • Parallèlement ont été constitués des regroupements de pays exportateurs de biens ou technologies nucléaires destinés à garantir que ces biens ou technologies n’étaient pas détournés à des fins militaires. En 1971 a ainsi été créé un comité des exportateurs nucléaires ultérieurement désigné sous le nom de Comité Zangger. Ce comité assure le contrôle des exportations de biens et technologies nucléaires vers les pays non adhérents au TNP. Par la suite, après les premières expérimentations indiennes de 1974, un regroupement à vocation plus large a été institué. Il s’agit du Groupe des Fournisseurs nucléaires (GFN) dont l’objet est de rassembler les pays producteurs et exportateurs de matières, équipements et technologies nucléaires en vue notamment de priver les Etats suspects, même parties au TNP, des deux principales technologies permettant l’accès au nucléaire militaire : le retraitement et l’enrichissement. Le GFN n’est pas une organisation internationale fondée sur un traité juridiquement contraignant mais un régime de contrôle des exportations dont la portée est strictement politique. Certains pays détenteurs de technologies nucléaires n’y appartiennent pas (pays non signataires du TNP ou pays signataires comme l’Algérie, Cuba, l’Egypte, l’Indonésie, l’Irak, la Syrie ou le Venezuela). Il est à noter que le GFN a, en septembre 2008, autorisé les exportations de biens et technologies nucléaires à usage civil vers l’Inde, ce qui peut apparaître comme une tolérance à l’égard du statut nucléaire de ce pays. Le système de contrôle des exportations de biens et technologies nucléaires sensibles a été complété en 1987 par un arrangement analogue dans le domaine des missiles.
  • L’existence de zones dénucléarisées renforce également le régime de non prolifération (traités de Tlatelolco pour l’Amérique latine, Rarotonga pour le Pacifique, Bangkok pour l’Asie du Sud-est et Pelindaba pour l’Afrique).
  • Il apparaît pourtant au total que cet ensemble complexe de règles internationales n’a pas mis un terme aux craintes de prolifération, comme le montre l’exemple de l’Iran. Des réseaux comme celui du scientifique pakistanais Abdul Qadeer Khan illustrent les difficultés de la surveillance et du contrôle des échanges de biens et technologies sensibles.
  • En outre le régime de non prolifération repose sur un consensus international, essentiellement porté par des pays ayant renoncé à l’arme nucléaire, en particulier les pays de la « new agenda coalition » (Egypte, Irlande, Mexique, Nouvelle Zélande, Suède, Afrique du Sud et Brésil).
  • Or ces pays considèrent que le désarmement nucléaire et la non prolifération sont des processus intrinsèquement liés et qui se renforcent mutuellement. Ils estiment que les Etats dotés de l’arme nucléaire n’ont pas rempli leurs obligations en ne progressant pas suffisamment dans le domaine du désarmement nucléaire. Ils peuvent, à cet égard, s’appuyer sur l’avis consultatif rendu le 8 juillet 1998 par la Cour internationale de Justice selon lequel les Etats dotés de l’arme nucléaire sont soumis, en vertu du TNP, à une obligation de « poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire ». Si cette position n’est pas entendue, la conférence d’examen du TNP prévue pour mai 2010 pourrait échouer.

La relance récente du désarmement nucléaire sous la présidence de Barak Obama

Prenant le contre-pied de l’administration Bush Jr qui n’avait accepté qu’un accord de limitation des armements stratégiques très peu contraignant (accord SORT de mai 2002) et envisagé même la possibilité de doter les Etats Unis de nouvelles armes nucléaires tactiques de faible énergie (mini-nukes), le Président Barak Obama s’est prononcé, notamment dans son discours de Prague d’avril 2009, en faveur d’un processus de désarmement nucléaire général. Le 24 septembre 2009, cet objectif de désarment nucléaire a été endossé par le Conseil de sécurité (résolution 1887). Pour progresser sur la voie du désarmement nucléaire, l’administration Obama propose à court terme :

  • la relance des négociations pour l’élaboration d’un traité d’interdiction vérifiée de la production de matières fissiles à des fins militaires (traité dit « cut off »),
  • l’amélioration des mécanismes d’inspection du TNP, le renforcement de son régime de sanctions en cas de violation de ses dispositions ou de retrait non justifié et la mise en place d’un cadre international de coopération pour le développement des usages civils de l’énergie nucléaire,
  • l’intensification de la lutte contre les trafics de biens et technologies nucléaires,
  • la ratification du traité d’interdiction nucléaire complète des essais nucléaires (toujours bloquée par le Sénat américain),
  • la reprise de la discussion avec la Russie en vue d’un traité post START de réduction vérifiée des armements stratégiques.

Cette politique a obtenu certains succès, notamment avec le nouvel accord START de réduction des armements nucléaires stratégiques signé le 8 avril 2010 à Prague par les présidents américain et russe. Cet accord prévoit de limiter à 1550 le nombre de têtes nucléaires stratégiques déployées par chacun des deux pays, à 800 le nombre total de vecteurs stratégiques* qu’ils détiennent et à 700 le nombre de vecteurs stratégiques qu’ils déploient effectivement.

L’importance de cet accord ne réside pas principalement dans les limites qu’il impose. Les plafonds fixés ne sont en effet pas très éloignés du niveau effectivement atteint par les arsenaux des deux puissances, en raison notamment des règles de comptage des têtes nucléaires (les bombes et missiles transportés par chaque bombardier sont comptés comme une seule tête).

Sa portée réside surtout dans les mesures de vérification et d’information mutuelle qu’il prévoit. Les Etats-Unis et la Russie se sont en outre engagés à poursuivre leurs négociations en vue de nouvelles réductions non seulement dans le domaine des armes stratégiques, déployées ou en réserve, mais aussi dans celui des armes tactiques. La politique du Président Obama se heurte toutefois à des résistances fortes. Des incertitudes subsistent sur ses prochaines initiatives en matière de désarmement, notamment en ce qui concerne l’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire. Il semble également que le Sénat américain persistera dans son refus de ratifier le Traité d’interdiction complète des essais.

Existe t il à un horizon prévisible une alternative réaliste à la dissuasion ?

Contrairement aux affirmations du Livre Blanc français, publié en 2008, la dissuasion ne constitue plus, dans la période actuelle, le « fondement essentiel » de la stratégie militaire de la France et ne représente plus « la garantie ultime » de sa sécurité et de son indépendance. Le nucléaire paraît seulement pouvoir, dans la situation stratégique actuelle, dissuader le nucléaire (indépendamment des éléments de statut et de prestige associés à la possession de cette arme). Tout autre menace d’emploi, même dans une optique de pure dissuasion, se heurterait à des objections éthiques fondamentales tenant à la proportionnalité de la riposte et au respect du droit international humanitaire. Même si la dissuasion nucléaire garde actuellement sa pertinence, un processus de désarmement nucléaire équilibré et contrôlé permettrait donc d’envisager d’y renoncer.

On ne peut, dans ces conditions, que regretter les réticences des principales forces politiques françaises à souscrire à l’objectif de désarmement nucléaire complet et contrôlé, pourtant soutenu par de nombreuses personnalités ayant exercé d’importantes responsabilités en matière de défense. La mise en oeuvre de ce désarmement et surtout de son contrôle serait sans doute d’une grande complexité mais la lutte contre la prolifération ne l’est elle pas tout autant ? Seule la remise en cause du caractère discriminatoire du régime actuel de non prolifération et l’accélération du processus de désarmement nucléaire permettront de réunir un consensus international suffisant pour empêcher, au besoin par la contrainte légitime, la multiplication des puissances nucléaires et pour parvenir à l’universalisation du TNP.