Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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1– Halte au discours guerrier !
° Les horreurs qui ont cours dans notre monde, notamment en Israël Palestine, nous montrent ce qu’est vraiment la guerre. Nous sommes abreuvés d’images terribles, il vaut la peine de s’interroger sur l’impact qu’elles peuvent avoir sur des enfants.
Il faut le dire : la guerre repose sur une inversion des valeurs. Il s’agit de détruire et non de construire, de tuer notamment des enfants, même si on les appelle « victimes collatérales », et non de secourir la vie fragile, Ce qu’on nomme victoire a souvent un goût amer. Il importe donc de ne pas s’habituer à la guerre, comme s’il s’agissait d’une situation normale. Il faut aussi interroger des notions courantes, par exemple le « progrès » : en temps de guerre, il désigne une plus grande efficacité dans la destruction.
° On peut s’inquiéter également de l’usage du vocabulaire guerrier dans les affaires courantes, notamment dans les relations économiques. L’inversion des valeurs risque là aussi de prendre le dessus : on cherche à s’imposer, à dominer par tous les moyens, et non à servir le bien commun. On en arrive alors à une société brutale dans laquelle les plus puissants s’arrogent le droit d’amasser à leur seul profit et d’imposer leur pouvoir, y compris dans le domaine de l’information. La civilisation, au sens de la quête d’une vie commune toujours mieux humaine, demeure fragile ; il est paradoxal de prétendre promouvoir la « civilisation » à coups de violences dans les mots et dans les actes ; la mémoire de la colonisation est en ce sens fort révélatrice : la domination brutale, pour le bien des peuples disait-on, laisse des traces aux effets délétères, aujourd’hui encore.
2 – Oui à la paix !
« Plus jamais la guerre ! » a clamé Paul VI, à l’ONU le 4 octobre 1965. Il est inquiétant que, lorsque les images de guerre s’imposent largement, ceux qui cherchent à promouvoir des solutions justes et durables soient tenus de prendre des précautions pour oser parler de « paix ». On retrouve le risque d’une inversion des priorités. On sait bien qu’une paix durable ne se bâtit pas en plantant un drapeau sur des ruines.
La paix peut s’établir grâce à un long travail au service de la justice, de telle manière que chaque personne se trouve reconnue en sa dignité et qu’elle puisse disposer des moyens de mener une vie conforme à sa dignité, de s’épanouir en humanité dans un environnement sain. La paix suppose aussi que l’on organise des solidarités effectives, à l’échelle universelle, au lieu de cultiver les emprises et les dominations. De ce point de vue, la construction de l’Union européenne peut être perçue comme exemplaire : s’unir au lieu de se faire la guerre, coopérer au lieu de s’opposer frontalement.
3 – Créer des alliances pour le bien commun
Tel est le cœur du message que François a envoyé à Dubaï pour exprimer son regret de ne pas être présent à la COP 28. Le Pape souligne également l’importance du « Pavillon de la foi« , tout premier pavillon religieux créé dans le cadre d’une conférence des Nations unies sur le changement climatique. Le message de François a été prononcé par le cardinal P. Parolin. « Aujourd’hui, le monde a besoin d’alliances qui ne soient pas contre quelqu’un, mais en faveur de tous. Il est urgent que les religions, sans tomber dans le piège du syncrétisme, donnent le bon exemple en travaillant ensemble : non pas pour leurs propres intérêts ou ceux d’un parti, mais pour les intérêts de notre monde. Parmi ceux-ci, les plus importants aujourd’hui sont la paix et le climat. Vivons en paix et promouvons la paix. Donnons l’exemple, en tant que représentants religieux, pour montrer qu’un changement est possible, pour témoigner de modes de vie respectueux et durables, et demandons d’une voix forte aux dirigeants des nations que la maison commune soit préservée. »
4 – Quel monde voulons-nous ?
+ Le Secours catholique de Vienne Deux-Sèvres a rendu compte de ses activités, elles disent quelque chose de l’état de notre pays. En un an, 5600 personnes ou familles ont été soutenues et accompagnées : la très grande pauvreté est en augmentation et elle touche principalement les femmes (3/4 des cas). Il y a les situations des familles monoparentales, des salarié(e)s à temps partiel subi, des retraité(e)s à faibles revenus.
La très grande pauvreté ne devrait pas être considérée comme une fatalité sans remède. Il en va de la dignité humaine que chacun(e) puisse disposer de revenus lui permettant de satisfaire ses besoins élémentaires. Un signe positif noté par le Secours catholique : la proposition de Territoire zéro chômeur de longue durée permet à des personnes de pouvoir développer leurs capacités au service du bien commun, tout en retrouvant une place dans la société ; elles peuvent ainsi relever la tête, être reconnue dans leur dignité, à commencer dans leur environnement proche.
+ Un groupement d’associations humanitaires a recensé plus de 2800 enfants à la rue en France, dont 700 de moins de 3 ans. Une solution au moins partielle est envisagée à Paris : les reloger dans des lycées inoccupés ; mais il faut encore que diverses instances politiques s’accordent (en l’occurrence, ville et région) et que des problèmes administratifs ne viennent pas bloquer les solutions envisagées. Une question : pouvons-nous tolérer une telle situation dans un pays qui se dit développé ? L’appel de l’Abbé Pierre en 1954 demeure d’actualité. Si on dit que c’est intolérable, il est urgent de prendre les moyens efficaces de répondre à un tel scandale, y compris à moyen et long terme, avec des propositions de logement social abordable. Le pire serait un fatalisme paresseux qui trouve toujours de soi-disant « bonnes raisons » pour laisser de côté les plus pauvres.
5 – Un signe positif
Démentant les prévisions pessimistes, les dons des particuliers au profit d’associations ont augmenté de 6,3% en 2022, s’élevant à un montant d’environ 5,5 milliards €. On parle à ce propos de générosité, de philanthropie. La solidarité n’est pas un vain mot. Au soutien monétaire il est juste d’ajouter les engagements bénévoles qui représentent une contribution extraordinaire, même si tout cela n’alimente pas des colonnes de chiffres, notamment lorsqu’il s’agit des soutiens de voisinage.
Grâce aux associations humanitaires, il y a les services apportés, mais aussi un précieux accompagnement des personnes. N’oublions pas de mettre en lumière cette dimension positive de notre vie commune, aidons-nous plutôt à tenir dans les engagements, ce qui n’est pas toujours facile ; permettons aussi aux jeunes générations d’apporter leurs compétences propres et d’insuffler leur dynamisme !
La fête de Noël peut être un bon temps pour le partage !
Télécharger le n° 63, déc. 2023 (PDF)
Les crimes commis par le Hamas, le 7 octobre dernier, ont engendré une réponse terrible, visant au premier chef à éliminer le Hamas mais aussi dans les faits, à faire avancer la réalité du Grand Israël chère au gouvernement israélien.
Cette année, la communauté internationale commémore les 75 ans de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme par l’Assemblée générale des Nations Unies. Le dialogue international qui a porté à la proclamation des droits humains témoigne comment l’engagement au service de la personne humaine a répondu au besoin de reconnaissance des implications incontournables de la dignité humaine. Par cet acte, les États Membres des Nations Unies ont non seulement saisi un signe des temps, mais ils ont aussi montré combien la prise de conscience par l’homme de sa propre dignité et des droits inaliénables qui en découlent devait être au fondement du nouvel ordre mondial, comme le rappelle le Préambule de la Déclaration.
En se référant à la reconnaissance de la dignité inhérente tout être humain, les auteurs de la Déclaration signifient de manière éloquente que cette dignité est connaturelle à toute vie humaine et égale en chacun, parce que donnée par Dieu au moment de la création. C’est pourquoi, la source première des droits humains ne réside pas dans une concession qui serait faite par les États ; elle est en réalité présente dans l’homme lui-même et en Dieu son créateur. Il s’ensuit que ces droits sont universels, inviolables et inaliénables : universels, parce que s’appliquant à tout être humain ; inviolables, parce qu’inhérents à la personne humaine et à sa dignité ; inaliénables, parce que toute tentative de priver une personne de ces droits reviendrait à faire violence à sa propre nature.
Aujourd’hui, soixante-quinze ans après l’adoption du document, nous ne pouvons constater qu’avec regret que « pour des millions de personnes sur tous les continents, l’écart persistant entre les engagements solennels pris le 10 décembre 1948 et la réalité reste à combler, et de manière parfois très pressante. »[1] Les raisons d’un tel écart sont sans doute à rechercher en partie dans les éléments caractéristiques liés à l’universalité et l’indivisibilité des droits humains. Les droits humains doivent en effet être garantis dans toutes les phases de la vie et quel que soit le contexte politique, social, économique ou culturel. Ils forment un ensemble unitaire structurellement orienté vers la promotion du bien de la personne et de la société. Comme tels, ils doivent être protégés non seulement dans leur singularité, mais aussi dans leur intégralité. Autrement dit, une protection des droits qui ne serait que partielle reviendrait à nier la reconnaissance de la dignité humaine. En ce sens, seule la promotion intégrale de toutes les catégories de droits humains constitue la garantie authentique du plein respect de la dignité de la personne humaine.
Le Saint-Siège a mis la promotion des droits humains au cœur de ses priorités dans le cadre de son action au plan international. Dès 1891, la Lettre Encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII a donné une impulsion importante à son action. Puis le Pape Pie XI, dans Divini Redemptoris, a souligné, en 1937, l’importance de différents droits humains, en reprenant les enseignements du Magistère de l’Eglise. Ces apports successifs à la doctrine de l’Eglise ont été ensuite repris de manière plus systématique, d’abord par Pie XII, lequel dans son message radio de Noël de 1944 affirma que « la dignité de l’homme est la dignité de l’image de Dieu », et ensuite par les Souverains Pontifes qui ont suivi.
Pour autant, l’activité du Saint-Siège en faveur de la protection des droits humains ne se limite pas seulement à des déclarations officielles. Déjà en 1868, celui-ci adhéra à la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Il adhéra par la suite à plusieurs conventions internationales relatives à la protection des droits humains, parmi lesquelles figure la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Au-delà de l’aspect technique relatif à l’adhésion à ces instruments juridiques, l’action internationale du Saint-Siège pour la protection des droits humains se concrétise aussi dans son rôle de médiateur au sein de différents fora internationaux où il s’efforce de favoriser le dialogue, la réflexion et la discussion ouverte, tout en contribuant au traitement de questions concernant notamment les droits humains, tels que le droit à la vie et l’interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants garantis par les articles 3 et 5 de la Déclaration. En même temps, il convient de ne pas oublier l’engagement actif de l’Eglise à travers les ordres religieux et leurs œuvres caritatives, les organisations non gouvernementales d’inspiration catholique et la contribution, non moins essentielle, des nombreuses écoles et universités catholiques dans le monde.
Face aux tendances modernes qui fragmentent toujours davantage l’unité des droits humains en les instrumentalisant au profit d’intérêts et de groupes particuliers, ce 75e anniversaire nous offre l’occasion, aussi bénéfique que nécessaire, de revenir aux racines de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En effet, c’est seulement en reconnaissant les droits humains comme ancrés dans la dignité commune et inaliénable de la personne humaine que nous pourrons les promouvoir dans leur intégrité originaire, à l’abri de toute division ou tentative de dénaturation, et loin de la satisfaction d’intérêts qui seraient partiaux et par là-même, contestables.
[1] Message du Pape François, Signé par le Cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin, aux participants du 6e Forum De Paris sur la Paix, Paris, 10-11 novembre 2023.