Pourquoi Poutine a déjà perdu la guerre

Le 27 février 2022

Extrait de la revue Le Grand Continent, publiée par le Groupe d’Etudes Géopolitiques, « observatoire » géopolitique français.

Le 24 février 2022, au premier jour de l’offensive russe contre l’Ukraine, j’écrivais : « Quelle que soit l’issue de la guerre, Poutine l’a déjà perdue. En plus de pousser vers l’Ouest ce qui restera de l’Ukraine, elle va renforcer voire agrandir l’OTAN, isoler et affaiblir la Russie qui deviendra paria, et menacer son propre pouvoir à Moscou. Le début de la fin. » Il peut paraître présomptueux au premier jour d’une guerre d’en prédire l’issue, et contre-intuitif – ou optimiste – d’envisager que celle-ci ne soit pas favorable au plus puissant des deux belligérants. Il me semblait toutefois que ce dénouement s’imposait comme la conclusion logique du raisonnement suivant, en cinq étapes.

1.Le prix de la victoire militaire;

2.Le Bourbier de l’occupation. […]  l’agression russe au lieu de profiter de la désunion de la société ukrainienne semble au contraire avoir suscité un effet de « ralliement autour du drapeau » contre l’envahisseur, auquel Moscou ne s’attendait visiblement pas.

3.Le renforcement de l’OTAN

4.L’isolement de la Russie

5. La fin de Poutine ? […] La guerre en Ukraine va produire en Russie un immense mécontentement, et donc un immense problème pour Poutine qui, comme tous les dictateurs, craint d’abord et avant tout son propre peuple. D’abord parce que la guerre va faire des milliers de morts russes, donc des dizaines de milliers de familles et d’amis endeuillés.

Les autorités ukrainiennes jouent très habilement cette carte en mettant en place une hotline, une assistance téléphonique, et un site Internet pour les familles des soldats russes tués ou capturés, et en demandant au
CICR de rapatrier les corps en Russie. Cette pratique a au moins deux intérêts : d’une part, contourner la censure russe qui n’informe pas les familles du sort de leurs proches, pour que la population russe prenne bien conscience des pertes et du coût de cette guerre, mais aussi des mensonges de leur gouvernement qui tente de le leur cacher, ce qui devrait accroître son ressentiment et donc les chances qu’elle se mobilise. D’autre part, c’est aussi un gain en termes d’image puisque les ukrainiens montrent ainsi que leur conduite est plus humanitaire que celle des russes qui pourtant les attaquent.

[…]

Au contraire du soutien populaire qu’avaient pu susciter en 2014 et les années suivantes l’annexion de la Crimée et le soutien aux séparatistes prorusses du Donbass, la guerre totale que Poutine livre à l’ensemble de l’Ukraine, sans aucune raison, suscite de l’incompréhension et des protestations qui ne feront que croître à mesure que les forces
russes massacreront des civils ukrainiens, dont la plupart des russes se sentent plutôt proches […].

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