L’Égypte attend un vrai soutien de l’Europe dans sa transition politique.
L’Égypte est engagée dans une transition politique délicate : en juin-juillet 2013, le peuple égyptien a exprimé son rejet massif d’une mainmise sur le pouvoir par les Frères musulmans, qui, en moins d’un an au pouvoir, se sont révélés sectaires et incompétents.
Ils avaient, certes, été élus, mais au prix d’une certaine manipulation des consciences : dans une société qui vit depuis 60 ans sous un régime autoritaire et où le religieux est un marqueur essentiel des identités, le slogan « l’islam c’est la solution » avait suffi pour leur attirer les faveurs populaires. Derrière le désaveu des Frères musulmans, se profile un rejet de l’islam politique qui façonne les sociétés du Moyen-Orient depuis plus de trente ans.
Aujourd’hui, le défi est de construire une alternative démocratique. Pris à la gorge par de gros problèmes économiques et sociaux, les Égyptiens sont à nouveau tentés par la recherche d’un homme providentiel et font pression massivement pour que le général Abdel Fattah al-Sissi soit leur nouveau raïs. La jeunesse de Tahrir qui a renversé Moubarak se désole d’un retour possible des militaires à la tête de l’État. Hélas, on ne voit pas encore se profiler dans le camp libéral des figures fédératrices et porteuses d’un autre projet de société. Soixante ans de régime autoritaire ont empêché l’émergence de programmes politiques construits et de leaders capables de les porter. L’administration et l’État profond sont restés aux mains de l’ancien régime, dont seules quelques figures marquantes ont été écartées par la révolution du 25 janvier 2011. Les risques d’un retour de l’ancien régime ne sont donc pas nuls. Certains craignent même le retour d’un État répressif, justifié par la lutte contre la violence des islamistes.
Il y a urgence à soutenir et accompagner la transition politique en cours. Les Égyptiens ont été ulcérés par la condamnation occidentale du renversement de Mohamed Morsi. L’Union européenne a menacé d’arrêter l’aide économique qu’elle apporte à l’Égypte. Les Américains ont déjà réduit leur aide militaire. Du coup, l’Arabie saoudite, les Émirats et le Koweit se sont précipités au chevet d’un pays ruiné par la fuite des investisseurs étrangers et la chute du tourisme, et les Russes tentent de reprendre une place perdue depuis le traité de Camp David. De multiples raisons géographiques et historiques font de l’Europe un partenaire naturel de l’Égypte pour sa transition vers la démocratie. Il serait dommage de décevoir l’attente des Égyptiens.
Repères sur la situation politique de l’Égypte :
30 juin 2012 : Mohamed Morsi prend ses fonctions comme président de la République d’Égypte
30 juin 2013 : des millions d’Égyptiens défilent dans les rues à l’appel du mouvement tamarrod (rébellion) pour demander la démission du président.
3 juillet : le général al-Sissi, ministre de la Défense, avec à ses côtés le grand Imam, le pape copte Tawadros II et les principaux leaders politiques opposés aux Frères musulmans, annonce la destitution du président et prend le contrôle d’une période de transition.
Juillet-août : bras de fer entre la police, l’armée et les Frères musulmans, appelés par leurs chefs à « résister jusqu’au martyre ».
14 août : l’évacuation du sit-in de Rabia el Adawiyya fait 400 morts dans les rangs des Frères musulmans et de nombreuses victimes parmi les forces de l’ordre.
Septembre : Une commission de 50 sages est mise en place pour préparer un projet de nouvelle Constitution
Octobre : violemment réprimés (on parle de plusieurs milliers d’arrestations), les Frères musulmans portent l’agitation dans les Universités. L’armée tente de neutraliser les foyers djihadistes au Sinaï.
Novembre : le président intérimaire Adly Mansour cherche des soutiens financiers dans les pays du Golfe, alors que l’Union européenne assouplit lentement sa position critique ; les Américains ayant décidé d’interrompre une part de leur aide militaire, une délégation soviétique de très haut niveau vient au Caire négocier un renouveau de la coopération avec l’Égypte.
Décembre 2013 : le nouveau projet de Constitution doit être soumis au référendum. Des élections présidentielles et législatives sont prévues en 2014.