Leçons d’un conflit
La tragédie que connaît le peuple syrien n’est, hélas, pas terminée.
Il convient pourtant, d’ores et déjà, d’en tirer quelques leçons majeures susceptibles d’aider les acteurs de paix à y voir plus clair.
Si elle n’est pas nouvelle, la première de ces leçons n’en est pas moins sévère pour les Occidentaux, si prompts à se donner en exemple. N’est-ce pas dans cette région riche en pétrole que nos démocraties ont noué, pour leurs seuls intérêts particuliers, des amitiés dangereuses avec des dictatures sanglantes ? N’est-ce pas au berceau même des trois monothéismes qu’une aussi terrible cruauté a vu le jour ? Certes, ni les uns ni les autres ne sont directement responsables d’un tel enchaînement de violence. Qu’au moins ils acceptent de s’interroger sur leur peu d’empressement à sortir du silence. Il leur faudra bien, de toute façon, prendre acte de la fin d’une époque.
Car, si elle a été en partie détournée de son objectif premier, d’abord par le régime syrien lui-même, puis par des forces extrémistes bien rôdées, la révolution syrienne pour le respect de la dignité de chacun et l’établissement d’une justice égale pour tous n’en demeure pas moins une révolution citoyenne qui habite les profondeurs du pays. Ses leaders ont, certes, été pourchassés, parfois tués. Mais elle demeure le terreau d’un changement d’autant plus désiré par tout un peuple qu’il ne cesse d’en payer le prix.
Il est vrai – troisième leçon – que rien ne sera simple. Au-delà du conflit syrien proprement dit, c’est en effet l’affrontement jusqu’ici latent entre Perses et Arabes et entre sunnites et chiites qui apparaît au plein jour. La déstabilisation de toute la région risque demain d’être d’autant plus grave que l’ONU, bloquée par les Russes et les Chinois, s’est montrée jusqu’ici totalement impuissante. Et que la résolution du conflit israélo-palestinien, clé majeure de toute solution durable, n’est pas pour demain.
Dans ce contexte, on comprend mieux que les chrétiens syriens et, au-delà d’eux, leurs frères du monde arabe, vivent dans une situation de plus en plus chaotique et s’inquiètent pour leur avenir. Au-delà de ce douloureux constat et de la solidarité qu’il devrait nous inspirer, on mesure à quel point la présence chrétienne dans l’ensemble du Proche et du Moyen Orient est aujourd’hui menacée.
Avec une double conséquence, religieuse et géopolitique. L’exil de ses héritiers couperait le christianisme de ses racines et le verrait disparaître de la terre où il a grandi. Sa disparition entrainerait celle du message d’égalité de tous les hommes et de fraternité universelle porté par les chrétiens arabes. Elle laisserait alors face à face les communautarismes montants et leurs extrémismes. Il s’agirait là d’un vrai risque pour la paix du monde. On comprend dès lors que l’avenir de la paix passe aussi par l’accès des chrétiens arabes à une pleine citoyenneté. A nous d’y travailler en solidarité avec eux.
REPERES
Lors de sa forte implication dans le Proche et le Moyen Orient qui l’avait conduit à organiser un important colloque sur l’avenir des chrétiens dans cette région et à suggérer la création d’un Observatoire des libertés fondamentales, Régis Debray n’avait pas craint de dire : « La question chrétienne dans les pays arabes est comparable aujourd’hui à la question juive au XIXème et XXème siècle. Notre devoir est de faire de la question chrétienne la pierre de touche de la politique au Proche Orient. »