Encore un conflit sans fin

L’Ukraine, depuis des mois, mobilise l’attention et le soutien des pays occidentaux. Désormais, la violente attaque des terroristes du Hamas contre Israël accapare les autorités du monde entier et les médias de nos pays. La séquence d’actualité qui a vu la quasi-totalité des quelque 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh contraints à l’exil après une attaque éclair menée par les forces azerbaïdjanaises s’en trouve trop vite éclipsée. Or le conflit qui a éclaté en septembre dernier avait été précédé de plusieurs secousses qui pouvaient laisser entrevoir l’explosion actuelle. Sous les cendres, ces conflits non réglés, que l’on pense « gelés », menacent sans fin la paix et la vie des populations civiles.

Le Haut-Karabakh (l’Artsakh de son nom arménien) est, sur le territoire azerbaïdjanais, une enclave peuplée d’Arméniens de tradition chrétienne qui la considèrent comme une terre ancestrale ; elle illustre l’un de ces conflits ethno-territoriaux nés de la dislocation de l’empire soviétique. Elle fut rattachée en 1921 par l’Union soviétique à l’Azerbaïdjan ; après la chute du mur, le Haut-Karabakh avait proclamé son indépendance, une indépendance non reconnue internationalement. Depuis, les conflits sanglants se sont succédés : de 1988 à 1994, ils se conclurent par un succès arménien et l’exode de 300 000 à 500 000 Azéris de territoires annexés, d’où un profond ressentiment de la population azerbaïdjanaise. En 2020, c’est Bakou, fortement aidée par la Turquie, qui s’imposait et il avait fallu la médiation russe pour stabiliser la situation et protéger le couloir qui permet de relier l’enclave à l’Arménie, le corridor de Latchine.

Depuis la situation n’a cessé de se dégrader, Bakou créant un climat d’insécurité et bloquant le corridor de Latchine, et donc les approvisionnements, dans le but de « chasser les Arméniens comme des chiens », selon les propos du président azerbaïdjanais Ilham Aliev lors de son succès en 2020. En septembre dernier, il n’a fallu que 24 heures (et selon les séparatistes arméniens 200 morts et 400 blessés) pour que les combattants du Haut-Karabakh déposent les armes ; ni la communauté internationale, ni le « groupe de Minsk » censé rechercher une solution diplomatique à cet interminable conflit, ni même l’Arménie ne sont intervenus, sinon pour demander que soient respectées les règles humanitaires de protection des populations civiles. Moscou, engagé ailleurs, détournait le regard et préférait se ranger du côté de la Turquie, puissant soutien de l’Azerbaïdjan. Rappelons que depuis la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, les exportations de gaz de l’Azerbaïdjan vers l’Europe ont largement augmenté !

Pour le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, parfois critiqué dans son pays pour n’avoir pas pu protéger le Haut-Karabakh et avoir accepté qu’il fasse désormais partie de l’Azerbaïdjan, l’avenir est tendu : il lui faut recevoir et loger les exilés ; assurer leurs besoins vitaux alors qu’ils sont arrivés sans rien, en ayant tout abandonné de leur passé et convaincus qu’ils ne pourront jamais revoir leurs maisons. En outre, l’Arménie redoute que Bakou veuille, dans le sud de l’Arménie, prendre possession de certains villages peuplés d’Azéris, et notamment de l’enclave du Nakhitchevan. Le feu couve encore sous la cendre. L’Europe ne doit pas oublier l’Arménie.