Éthique sociale en Église n° 47 août 2022
1 – Des signes d’amour partagé
Vivant à Poitiers, je me réjouis que des espaces laissent une bonne place aux enfants. On voit comment les parents permettent à leurs petits de marcher trois pas devant ou deux pas derrière, ils apprennent l’autonomie tout en étant sûrs de pouvoir compter sur la vigilance de papa ou maman. Un petit garçon, récent marcheur, suivait un pigeon, mais le volatile a repris sa liberté d’un coup d’aile et le petit s’est s’écrié « donne, papa ! ». Un âge où l’on croit encore à la toute puissance du père, ce qui ne durera pas ! Au parc de Blossac, les chèvres semblent se prêter au jeu en broutant avec sérieux le brin d’herbe apporté par un enfant, tandis que les canards ne sont jamais loin, attendant quelques miettes échappées des bouches enfantines. Il est bon de se réjouir de cette simplicité, de cette confiance, de ce goût pour la découverte. Mais souvent je me demande : quel monde allons-nous offrir à ces jeunes générations ?
2 – Une solidarité intergénérationnelle
Pape François, encyclique Laudato si’ § 159 : « La notion de bien commun inclut aussi les générations futures. Les crises économiques internationales ont montré de façon crue les effets nuisibles qu’entraîne la méconnaissance d’un destin commun, dont ceux qui viennent derrière nous ne peuvent pas être exclus. On ne peut plus parler de développement durable sans une solidarité intergénérationnelle. Quand nous pensons à la situation dans laquelle nous laissons la planète aux générations futures, nous entrons dans une autre logique, celle du don gratuit que nous recevons et que nous communiquons. Si la terre nous est donnée, nous ne pouvons plus penser seulement selon un critère utilitariste d’efficacité et de productivité pour le bénéfice individuel. Nous ne parlons pas d’une attitude optionnelle, mais d’une question fondamentale de justice, puisque la terre que nous recevons appartient aussi à ceux qui viendront. »
3 – Un désir de servir
Des jeunes en classe de 4ème (12 258, un échantillon notable !) ont été interrogés : 82% d’entre eux souhaitent s’engager comme bénévoles (Sciences humaines août-septembre 2022). Être bénévole : faire de bonne grâce, s’engager volontairement au service du bien commun. Nous savons combien le bénévolat contribue largement au lien social, notamment dans le cadre de l’animation culturelle et sportive, mais aussi grâce aux actions humanitaires. Souhaitons que cette ouverture aux autres et au commun ne soit pas barrée par des cyniques qui ne voient en l’humain qu’une machine à faire du profit individuel et matériel. Espérons aussi que les aînés généreux sauront faire place aux plus jeunes, en admettant que ceux-ci viennent bousculer certaines habitudes…
3 – Des enfances malmenées, des capacités de rebond
* Le voyage du pape au Canada a rappelé les drames provoqués par une volonté politique d’assimiler les peuples autochtones, de manière forcée, en coupant les enfants de leurs familles dans des internats souvent maltraitants. Des pratiques qui ont provoqué des souffrances inouïes, tant dans les familles que chez les enfants. Des choix violents qui ont causé un appauvrissement de notre commune humanité, par la disqualification de savoirs précieux en vue d’un rapport plus sain à la nature. Appauvrissement aussi par la réduction des diversités au profit d’un modèle culturel qui se prétend supérieur. Aujourd’hui, ces populations autochtones, dans les différents continents, représentent 5% de notre humanité : comment leur place originale peut-elle être mieux reconnues, notre humanité s’enrichissant de ces différences ?
* Selon une enquête conjointe de l’INSEE et de l’INED, 32% des Français ont un lien avec l’immigration, étant eux-mêmes immigrés, enfants ou petits-enfants d’immigrés. Notre pays se situe ainsi dans la moyenne des pays voisins. L’école joue un rôle décisif pour l’intégration, les enfants ayant une grande capacité à échanger, à nouer des amitiés par-delà les différences. La France connaît aussi un fort taux de mariages mixtes ; les enfants de ces couples portent en eux des différences, ce qui n’est pas toujours facile à assumer. Comment vivre de tels métissages, non comme une menace, mais au contraire comme une chance d’enrichissement humain ? À ce propos, on peut rappeler que des personnalités politiques de premier plan sont elles-mêmes issues de l’immigration (chacun de nous peut tenter de faire une liste, c’est instructif !).
* Dans notre pays, ces derniers mois, le recours aux banques alimentaires a connu une forte augmentation, principalement en raison de la venue de familles avec enfants. Comment ces enfants qui souffrent de pauvreté vont-ils comprendre les mots « égalité », « fraternité » écrits sur nos monuments publics ?
* Une demi bonne nouvelle : le rapatriement de femmes et d’enfants qui étaient détenus en des camps, suite à l’engagement d’adultes dans les rangs de Daech en Syrie et en Irak. Beaucoup demeurent encore enfermés en ces camps. Notre pays se déshonore en ne prenant pas soin d’enfants de nationalité française. Pourquoi en parle-t-on si peu ?
* En de nombreux pays, la scolarisation des enfants et des jeunes est en baisse, notamment en ce qui concerne les filles, marquant ainsi l’inversion d’une dynamique qui semblait porteuse d’avenir. Un exemple : au Soudan Sud, 7 enfants sur 10 ne vont pas à l’école. Des plans concertés en vue d’un développement humain ouvrent à un avenir de paix plus sûrement que l’amplification de la course aux armements.
4 – Une espérance
Quelques mots prononcés par des parents à l’occasion du baptême de leur enfant (extraits) : « Tu es notre lumière, tu nous donnes de la joie et de l’amour. Nous souhaitons que dans l’avenir tu sois toujours cette lumière et cette joie pour les autres. Nous souhaitons que ton intelligence progresse dans la découverte de la Vérité, que tes mains servent à transformer le monde et que tes yeux ne se ferment jamais sur la misère. »
5 – Un atelier du Centre théologique : Fonder la vie commune.
Animé par André TALBOT
Dans un paysage politique incertain et tourmenté, tant au plan national qu’international, sur quelles références majeures pouvons-nous fonder notre vie commune ? À partir de nos différentes expériences et à la lumière de l’enseignement social de l’Église, nous préciserons des critères d’évaluation susceptibles d’orienter nos choix et nos engagements. La méthode de travail mettra l’accent sur une élaboration commune à partir de références partagées et discutées.
Les mardis 27 septembre, 4 et 18 octobre, 8 et 22 novembre, 6 et 13 décembre.
De 16h à 17h30, à la Maison Saint-Hilaire, 36 Bd Anatole France à Poitiers.
André Talbot
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