Éthique sociale en Église n°41 février 2022

1 – Quel avenir ?

* À l’échelle du monde, on note une baisse des budgets dédiés à l’éducation. Par contre, les dépenses militaires sont en hausse. Des tendances qui vont à l’encontre des objectifs du développement durable, les ODD promus dans le cadre de l’ONU pour les années 2015-2030, engageant les responsables politiques, les acteurs économiques et les membres des ONG. Une dégradation qui traduit un recul de l’esprit de solidarité au sein de notre commune humanité. Mais aussi la conséquence d’une montée de la défiance entre les peuples et des tensions liées aux volontés de s’imposer par la force. Le résultat  d’une tendance au repli sur le particulier, que ce soit la nation ou telle catégorie sociale, ce qui accentue les peurs mutuelles, au risque d’amplifier un climat de violence.

* Il vaut mieux miser sur la fraternité, dans les relations de proximité comme à l’échelon mondial. Fratelli tutti, Tous frères, a proclamé le pape François dans son encyclique d’octobre 2020. Un bon antidote contre les discours de haine qui polluent les messages politiques et qui entretiennent tensions et violences. À propos des migrants, en Grèce le 5 décembre dernier, François a dit : « Sur les rives de cette mer, Dieu s’est fait homme. Sa Parole a fait écho, portant l’annonce de Dieu qui est Père et guide de tous les hommes. Il nous aime comme ses enfants, et veut que nous soyons frères. Et pourtant, c’est Dieu que l’on offense en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde. Ne l’oublions pas, c’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse. La foi exhorte à l’hospitalité. »

* Mais il ne suffit pas de rappeler solennellement ce principe ou de chanter la fraternité au coin des rues. Il s’agit de choisir collectivement des solidarités concrètes, tout particulièrement envers les membres les plus fragiles de nos communautés et de notre humanité. Une telle orientation relève aussi de l’engagement personnel des citoyens. N’oublions pas de remercier celles et ceux qui donnent de leur temps et de leur argent pour que la fraternité n’en reste pas aux vœux pieux.

2 – Comment traitons-nous les plus fragiles ?

* Alors que la situation de l’emploi s’améliore dans notre pays, n’oublions pas qu’il y a 2 millions de travailleurs qui se trouvent sous le seuil de pauvreté ; il s’agit le plus souvent de contrats à temps partiel non choisis. Assez fréquemment, les « travailleurs pauvres » sont des mères de famille élevant seules leurs enfants, ces derniers subissent aussi les conséquences de la pauvreté. Dans le même temps, de hauts revenus continuent de s’envoler. Que devient l’égalité inscrite sur nos monuments publics ? La justice sociale n’est pourtant pas une référence indécente !

* 50% des personnes qui recourent à l’aide alimentaire pour survivre ont moins de 25 ans. Avec le risque de désespoir amplifié par une telle dépendance, alors que les relations sociales des plus jeunes sont entravées par les risques sanitaires.

* L’actualité a mis en lumière des dysfonctionnements affectant certains EHPAD, au détriment de la dignité des personnes accueillies et souvent aussi des soignants. Il faut désigner la racine d’un tel mal. Quand le profit maximal devient le critère décisif des choix, on oublie la mission première de telles institutions qui consiste à prendre soin de personnes dépendantes. Quand l’objectif se concentre sur la rentabilité, avec une rationalisation des gestes empruntée à l’industrie, il n’y a plus de place pour l’empathie, la relation fraternelle. Avec les souffrances que cela provoque quand le bilan comptable se trouve érigé en référence majeure : un matérialisme pratique qui déshumanise.

3 – Peut-on se fier aux armes nucléaires ?

* Une bonne nouvelle. Les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU sont les cinq grandes puissances nucléaires : USA, Chine, Russie, Grande-Bretagne, France. La Russie et les USA possèdent 90% des armes nucléaires présentes dans le monde. Comme ces cinq puissances disposent d’un droit de veto à l’ONU, on peut les suspecter de veiller surtout à leurs intérêts particuliers. Cependant, ces pays ont conjointement affirmé le 3 janvier dernier qu’une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et qu’elle ne doit donc jamais être menée. Notons que la France a joué un rôle actif dans cette démarche qui se fixe comme objectif ultime « un monde exempt d’armes nucléaires ». Souhaitons que cette promesse se traduise par des négociations concrètes, en vue d’un réel  désarmement nucléaire ; mais dans le même temps, ces pays continuent de « moderniser » ce type d’armement.

* Une réserve. Il y aura le 24 mars prochain une rencontre des pays intéressés par le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), dont le Vatican est signataire. Mais la France laissera sa chaise vide…

4 – Peut-on parler des déchets ?
Prendre et jeter, des pratiques et des relations à questionner

Notre société vit sous le signe du prendre et jeter, elle emploie couramment le terme ordures. Cela vaut pour les objets, mais aussi des humains ; le pape François évoque les membres de nos sociétés qui sont traités comme des déchets. Aujourd’hui le recyclage et la réparation prennent en compte la valeur de la matière et peuvent créer de l’emploi : les déchets deviennent alors des ressources. Quant aux personnes qu’on laisse de côté, par exemple les chômeurs de longue durée, elles sont capables d’assurer de nouveaux services et de contribuer à la vitalité de la société, si on leur propose des voies d’insertion.

Une soirée pour interroger nos images de la valeur, pour partager un nouveau regard sur les choses et les personnes, pour mettre en avant des initiatives créatrices de lien social et de solidarité.

Avec Nicolas Reveillaut, maire de Beaumont-Saint-Cyr, et André Talbot, membre de Justice et Paix France.

5 – « L’espérance ne déçoit pas, repères sur la vie sociale et politique en 2022 ».

Un document publié par le conseil permanent de la conférence des évêques de France : des éléments de réflexion proposés dans le cadre de la campagne électorale. « Nous traversons des temps rudes et périlleux. Les échéances qui approchent seront cruciales. Mais la peur est toujours mauvaise conseillère. C’est l’espérance qui ouvre le chemin des choix courageux et salutaires. (n° 27) En librairie : 4,90 €.

 

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