27 Vies noyées dans le désespoir et l’horreur
25 novembre 2021
7 femmes. 17 hommes. 3 jeunes «pouvant être des adolescents» : 2 garçons et 1 fille.
27 vies.
27 vies noyées dans le désespoir et l’horreur.
27 vies arrachées à leurs familles, atomisées par la tragédie.
Alors que les morts s’entassent sur la plage, la nausée nous envahit. Elle retourne nos tripes.
La nausée. Celle-là même qui, ce matin, lorsque le Ministre Darmanin tapait sur les passeurs, annonçait un arsenal de renforts et présentait ses condoléances «aux proches des victimes», révélait de façon certaine la manipulation effroyable : le drame, c’est précisément lui et le gouvernement d’Emmanuel Macron qui l’orchestrent. Jour après jour, sciemment. Ce sont eux qui militarisent à tout va, ce sont eux qui harcèlent les Solidaires et brutalisent les exilé·e·s, ce sont eux qui lacèrent les tentes, eux qui chassent, séparent, violentent, laissent croupir des femmes, des hommes, des bébés, des vieillards, des adolescents dans le froid, la boue et la misère la plus ignoble.
Ce sont eux qui créent le système qui permet aux passeurs d’exister.
Ce sont eux qui entretiennent à l’égard des exilé·e·s, le vocabulaire de la haine.
Ce matin, notre pays des droits humains s’est réveillé le visage inondé de larmes et de colère aussi : car plus personne n’est dupe.
Ce qui a tué hier soir, c’est l’inhumanité des puissants. Leur cynisme dégoutant. Leur rejet. Leur électoralisme. Le business as usual de l’extrême-droite, récupéré par ces sombres sires simplement désireux de se faire réélire.
Hier soir, pourtant, comme tous les soirs : des associations, des ONG de terrain, des bénévoles, des citoyens et des citoyennes solidaires étaient à pied d’œuvre. Au bord de l’eau sur les côtes de la Manche, dans les dunes, dans les rues de Calais, Dunkerque, Ouistreham, dans les villes, partout, d’un bout à l’autre de France, de la frontière franco-espagnole au pays basque jusqu’aux sommets des montagnes de la frontière franco-italienne : hier soir, oui, beaucoup tentaient de réchauffer les exilé·e·s. Beaucoup tentaient malgré tous les bâtons mis dans leurs roues, de prendre soin, de panser, de nourrir autant que possible, d’essuyer les larmes.
Hier soir, comme depuis tant de soirs, tant de jours, de semaines, de mois et d’années, ces citoyennes et ces citoyens alertaient, suppliant les dirigeants d’agir, par humanité. Juste par humanité.
Et hier soir, comme tous les autres soirs, ces mêmes dirigeants – technocrates de ministères et autres pontes de cabinets ministériels, ont fait la sourde oreille.
Pendant qu’ils ignoraient les appels à l’aide, la mort a frappé.
Ma rage, aujourd’hui, égale ma tristesse.
Le drame d’hier soir aurait pu être évité.
D’autres surviendront encore si rien ne change.
Et je vous le dis, lorsque ces autres drames surviendront, ces dirigeants-là feront encore semblant de pleurer.
Je refuse d’être complice. Si mes larmes, nos larmes, aujourd’hui noient douloureusement notre âme, nous sommes là pour hurler notre peine et dire, encore et encore, que OUI les solutions existent :
- Cesser de nourrir le rejet, de jouer avec les peurs et les mots de haine.
- Cesser les violences et la militarisation.
- Respecter les droits humains, et les textes fondateurs de notre société humaine.
- Mettre fin à la directive de Dublin.
- Instaurer des voies légales de migration vers le Royaume-Uni : cette décision démantèlera de fait les réseaux de passeurs.
- Accueillir dignement les êtres humains qui sont là, qui arrivent, qui arriveront encore pour sauver leur vie et parce qu’ils n’auront eu aucun autre choix.
- Soutenir la solidarité.
La nuit dernière, c’est leur cynisme qui a tué.
La nuit dernière, les corps de leurs victimes flottaient à la surface de leur inhumanité.