Antoine Sondag
Antoine Sondag a été de ceux qui, bien avant que le pape François nous y invite tous, ont désiré « aller aux périphéries ». De prime abord, il peut sembler paradoxal de caractériser comme l’homme des périphéries celui qui, après avoir étudié dans une des pépinières des « élites » françaises (Sciences-Po), a reçu plusieurs missions qui l’ont fait vivre au cœur de quelques institutions « centrales » de l’Église : la commission Justice et Paix (dont il fut le Secrétaire national de 1990 à 1997, succédant à Pierre Toulat), le Secours catholique (responsable Europe) ou encore le Service national de la Mission universelle de l’Église (qu’il dirigea de 2013 à 2019). Au cœur aussi d’institutions internationales comme Pax Romana ou la JEC internationale.
Cette expression, pourtant, lui convient bien. D’abord parce que, dans ces missions «au centre », il sut se garder de tout conformisme idéologique ou langagier ! Mais surtout, parce qu’il y portait avec constance le souci des exclus, des plus pauvres, des peuples oubliés, des « périphéries » justement. Sa vie montre qu’il ne faut pas opposer l’investissement dans les institutions et « l’option préférentielle pour les pauvres ».
Homme des périphéries, de la génération de Populorum Progressio, Antoine le fut d’abord, très concrètement, au sens géographique. Il a parcouru la planète pour mieux connaître les réalités des peuples et des cultures qu’il voulait défendre et promouvoir. Il aimait voyager, certes, mais ces nombreux contacts personnels lui étaient nécessaires pour mieux défendre les droits des plus pauvres et veiller à ce que leur parole soit entendue au centre.[1]
Homme des périphéries, Antoine le fut aussi au sens idéologique. Sa méfiance envers tous les conformismes, son esprit critique, son exigence de vérité et de lucidité, sa recherche inlassable des faits (même les plus contre-intuitifs) le rendaient « inclassable ». Il avait des ancrages fermes, notamment dans la doctrine sociale de l’Église[2], et il savait prendre parti sur les questions qui lui tenaient à cœur : l’accueil des migrants, la défense des droits de l’homme (il a présidé Article Premier), la construction européenne, le refus de la dissuasion nucléaire à la française, le plaidoyer pour une « Église diaconale », etc. Antoine était parfois rugueux avec ses interlocuteurs mais ses argumentaires n’étaient jamais convenus et ses appels à la spiritualité ne relevaient pas de généralités pieuses et bénisseuses. Il liait toujours étroitement la spiritualité à la solidarité.
Homme des périphéries enfin, par sa manière totalement inhabituelle de prendre congé de nous à travers une vidéo[3]. Ce testament, c’est tellement lui ! Ce ton direct sans fioritures ni euphémismes et un peu amer (« Il ne restera rien de ce que j’ai fait. »), cette pudeur dans l’expression des sentiments, cette lucidité sur sa mort prochaine, cette profondeur spirituelle pour dire sobrement ce que l’on peut espérer au seuil de la mort. L’essentiel est bien là. Le cœur de sa foi chrétienne évoqué en quelques mots Eucharistie, Dieu, Christ, Espérance.
Venues de tous les horizons, voir quelques extraits des réactions et témoignages reçus à Justice et Paix.
[1] Fidèle aux intuitions du P. Lebret, l’inspirateur de Populorum Progressio, il resta jusqu’à la fin de sa vie collaborateur du Réseau International d’Économie Humaine, comme rédacteur en chef de sa revue, Développement et civilisations.
[2] Voir sa dernière contribution, en avril, au site sur la doctrine sociale, à propos du coronavirus
[3] https://www.facebook.com/1069013981/videos/10222021453619937/