Justice et Paix France, Pax Christi et la Faculté de Sciences sociales et économiques de l’Institut catholique de Paris organiseront, les 16 et 17 mars prochains, un colloque sur le désarmement nucléaire avec la participation d’experts et de politiques.

Il aura pour but de clarifier la problématique du désarmement nucléaire à la veille des élections présidentielle et législatives. Les questions suivantes y seront soulevées :

Quelle est aujourd’hui la raison d’être de l’armement nucléaire ?

Dans le contexte de la guerre froide, la dissuasion nucléaire était un élément fondamental de l’affrontement des deux blocs. Est-elle encore nécessaire aujourd’hui ? Dans quelle mesure assure-t-elle une protection adaptée contre les nouvelles menaces de l’après-guerre froide : terrorisme, effondrement des structures politiques dans certains Etats, conflits ethniques ou religieux, persistance de tensions graves, par exemple au Moyen-Orient, au Cachemire, sur le territoire de l’ancienne URSS ?

La lutte contre la prolifération des armes nucléaires est-elle compatible avec l’absence de progrès dans le désarmement nucléaire ?

Le dispositif établi par le Traité de non-prolifération (TNP) est inégalitaire par nature. Il réserve l’armement nucléaire à cinq puissances (Etats-Unis, Russie, Royaume Uni, France, Chine). En contrepartie, il fait obligation à ces puissances de mener « de bonne foi » des négociations de désarmement, et il garantit à tous les Etats un droit d’accès aux technologies nucléaires, dès lors qu’elles sont pacifiques. Cette garantie est toutefois problématique dans la mesure où il est en pratique très difficile de distinguer, en matière nucléaire, entre technologies civiles et militaires. Le TNP laisse en outre aux Etats qui n’en sont pas signataires : Israël, Inde, Pakistan, la liberté de développer un arsenal nucléaire.

Dès lors, le régime de non prolifération apparaît fragile. L’une des conditions de son renforcement n’est-elle pas que les puissances « dotées d’armes nucléaires » fassent davantage de progrès dans la voie du désarmement pour retirer toute légitimité aux tentations de contournement du TNP ? Ne faut‑il pas également parvenir à une universalisation du Traité ? Comment, par ailleurs, combattre une violation avérée du TNP ?

Quel regard éthique l’Eglise porte-t-elle sur la dissuasion nucléaire ?

Pendant la guerre froide, l’Eglise a accepté la dissuasion nucléaire pour éviter un plus grand mal.

Depuis la fin de la guerre froide, la question du jugement éthique à porter sur l’armement nucléaire se pose en termes nouveaux.

Dans ce contexte transformé, l’Eglise désapprouve la stratégie de dissuasion : « La vérité de la paix demande que tous — aussi bien les gouvernements qui, de manière déclarée ou occulte, possèdent des armes nucléaires depuis longtemps, que ceux qui entendent se les procurer — changent conjointement de cap par des choix clairs et fermes, s’orientant vers un désarmement nucléaire progressif et coordonné Les ressources ainsi épargnées pourront être employées en projets de développement au profit de tous les habitants et, en premier lieu, des plus pauvres. » (Benoît XVI, Message pour la journée mondiale de la paix, 1er janvier 2006, Dans la vérité, la paix).

Comment relancer le désarmement nucléaire ?

En 2009 et 2010, la question du désarmement nucléaire a semblé dominer l’agenda international : après l’appel en faveur d’un « monde sans armes nucléaires » lancé par le Président Obama à Prague, le 5 avril 2009, un traité de réduction des armements stratégiques (nouveau traité START) a été conclu définitivement, fin 2010, entre la Russie et les Etats‑Unis.

Le 6 avril 2010, le Président Obama faisat état d’une nouvelle doctrine nucléaire qui réduisait le rôle de l’arme nucléaire dans la stratégie américaine. Il se déclarait prêt à des discussions avec la Russie.

La Conférence d’examen du TNP se prononça par ailleurs, le 28 mai 2010, en faveur d’une zone sans armes de destruction massive au Moyen-Orient.

Depuis, le désarmement nucléaire marque le pas. Quelles initiatives seraient-elles de nature à le relancer ? Ces initiatives pourraient-elles venir d’Europe ? Pourraient-elles, par exemple, concerner les armes nucléaires tactiques sur le sol européen ?

La dissuasion nucléaire doit-elle rester « un fondement essentiel » de la politique de défense de la France ?

Officiellement, « la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie de la France ». Elle est présentée comme défensive par nature et dimensionnée sur la base d’un principe de stricte suffisance. Peut-on cependant considérer que les capacités des sous-marins stratégiques et des bombardiers nucléaires français répondent à ce principe ? L’effort consenti en leur faveur est substantiel : plus de trois milliards d’euros par an. Peut-il être revu à la baisse ?

Le TNP fait obligation à la France, en tant qu’Etat doté de l’arme nucléaire, de participer de bonne foi au désarmement nucléaire. Comment peut-elle satisfaire à cette obligation ? Peut-elle revoir sa doctrine de défense pour y réduire la place de l’arme nucléaire, en particulier en écartant son emploi en premier ? Doit-elle accepter explicitement la perspective d’un monde libre d’armes nucléaires ?

Justice et Paix publie un troisième livret dans la collection “Ensemble et avec”, consacré aux pratiques associatives développées ces dernières années par les instituts religieux.

Elles révèlent une nouvelle manière de vivre la solidarité internationale.

Le contexte

De nombreux religieux et religieuses issus de congrégations locales françaises ont répondu à l’appel missionnaire de Fidei Donum[1] et sont partis vivre dans un autre pays, dit de mission, au service de ceux et celles qui les ont accueillis. Peu à peu, des femmes et des hommes issus de ces pays, la plupart « du Sud », sont entrés dans ces congrégations et ont constitué des groupes de religieux ou religieuses plus ou moins importants, d’origine auto­chtone, au sein des Églises locales et en proximité avec les populations. Le visage de l’Institut d’origine fran­çaise a ainsi changé, le corps-congrégation est devenu interculturel. Aujourd’hui, les religieux (ses) du « Nord », rentrent en France, souvent pour des raisons d’âge ou de santé, ce qui amène les Instituts à considé­rer de façon nouvelle leur situation devenue internationale, à vivre autre­ment la solidarité entre leurs membres, dans une interdépendance à construire, et cela dans un contexte de mondialisation toujours crois­sante.

C’est à partir de cette réalité que Justice et Paix a déjà publié deux livrets, chacun en réponse à un défi particulier. Le premier, Ensemble et avec – des religieuses africaines sur un chemin d’autonomie, aborde la question de l’autonomie financière des communautés religieuses du « Sud », à partir d’une expérience très originale de travail en inter-congrégation au Burkina Faso et au Niger, développé autour de l’association ASIENA[2]. Le deuxième, L’interculturel, un défi pour les instituts religieux, analyse les relations interculturelles à l’intérieur d’une congrégation, et propose des repères et des outils pour travailler cette dimension dans le cadre d’un institut ou d’une communauté.

En continuité avec ces deux problématiques, Justice et Paix présente dans ce troisième livret une analyse des pratiques associatives qui se sont multipliées au sein des institutions religieuses, ces dernières années. Que ce soit à travers la création d’associations à l’intérieur des congrégations, ou à travers des liens privilégiés avec des associations tierces, ou encore à travers l’engagement des religieux (ses) dans le monde associatif, ces pratiques disent quelque chose de nouveau sur la manière de concevoir la solidarité internationale. Ce troisième livret vise à déceler cette nouveauté et à capitaliser l’innovation en termes de moyens et d’outils qui permettent de faire cette nouvelle expérience de solidarité.

 

Un constat de départ

Si les Instituts nés en France sont, pour la plupart, confrontés à la réa­lité internationale dans leur identité même, ils le sont aussi dans leur propre fonctionnement interne, comme dans la gestion de leurs œuvres. En effet, ils se trouvent de plus en plus impliqués dans des systèmes de capitalisation, de gestion, de répartition des richesses, de partage ou de dons qui dépassent les frontières.

Les orientations des chapitres[3] incitent de plus en plus à rechercher un monde plus solidaire et plus juste et à s’engager dans ce sens ; à travailler pour « l’intégrité de la création » ; à créer une « ONG » ou à constituer des associations de donateurs pour soutenir des projets de développe­ment proposés par l’Institut lui-même ou par ses membres… Étant donné l’évolution démographique des Instituts religieux qui grandissent dans les pays du Sud, les acteurs et actrices de nombreux projets sont (ou seront) de plus en plus issus de ces pays. Soit ils reproduiront le modèle économique occidental, soit ils inventeront de nouvelles ma­nières de faire.

 

Un nouveau défi à relever

C’est celui de la solidarité et de la justice dans un contexte de décalage économique Nord / Sud dans un même Institut. Ce défi de­vient celui du partage responsable, d’une répartition juste des ressour­ces et d’une interdépendance concertée.

Dans un système mondial en crise où sont questionnés de façon as­sez radicale les rapports au progrès et à l’avenir, les rapports aux biens et à l’argent, le rapport à la consommation, quels sont les chances et risques de nos pratiques de solidarité pour l’émergence d’un système économique et social plus humain et plus juste ? Comment passer d’une solidarité d’aide, (dans une relation riche / pauvre) à une solidarité de réciprocité et de droits (tous responsables du développement de tous, tous donateurs et tous bénéficiaires) ? Comment passer de relations bilatérales (un donateur / un bénéficiaire) à des solidarités de réseaux (réseaux de donateurs / réseaux de bénéficiaires) ? Comment passer d’une conception « occidentale » de la gestion à des modes de gestion pluriels ?

C’est le nouveau défi que veulent relever les Instituts religieux qui fait l’objet de ce livret. En effet, les jeunes régions ou provinces d’Ins­tituts religieux internationaux sont préoccupées de leur auto-prise en charge et  de leur autonomie face au vieillissement du « Nord ». La multiplicité et la diversité des partenariats et des associations où Instituts religieux et laïcs sont impliqués ensemble dans des solidarités Nord / Sud ne sont pas sans interroger le rapport implicite Nord/Sud qu’ils induisent. L’émergence de nouvelles manières de penser le développement et la solidarité, les crises mondiales, Nord et Sud confondus, incitent les Instituts religieux à repenser leur projet de fraternité, leur mise en commun des biens, à actualiser leur identité d’Institut appelé à relever le  défi des inégalités Nord / Sud au sein même de leur corps apostolique

 

Des pratiques nouvelles

Depuis quelques années, on peut observer une évolution des pra­tiques de solidarité Nord/Sud mises en place par les Instituts religieux, à travers notamment la création d’associations de solidarité propres à l’Institut. La demande d’aide financière à des organisations de dévelop­pement tend à se transformer peu à peu en partenariat et conduit à penser les choses autrement.

À travers ces expériences significatives, on a cherché à identifier les risques, les chances, les facteurs de chan­gement, et aussi ce qui est radicalement nouveau. On a été parti­culièrement attentif à la manière de concevoir l’économie et la ges­tion des ressources, la propriété et la répartition des biens, le rapport à la création et à l’avenir. Comment ces pratiques élargissent-elles notre compréhension de la solidarité ? Vont-elles permettre de relever le défi des inégalités au sein d’un corps apostolique et de la société ? Vont-elles contribuer à une nouvelle manière de vivre l’appartenance à un même Institut religieux ? Comment vont-elles apporter un éclairage nouveau dans la manière de définir la mission de l’Institut, mission partagée de cette façon avec des laïcs et d’autres associations ? Peu­vent-elles faire percevoir l’économie comme un lieu de mission ?

 

Une méthode de travail

On est allé à la rencontre de congrégations qui ont créé des associations, afin d’identifier les raisons qui ont poussé à leur création, les objectifs attribués, le fonctionnement mis en place, le type de lien établi avec les bénéficiaires, et les chances et risques perçus dans ce type d’organisation.

Ces observations ont été enrichies par d’autres apports provenant d’associations qui travaillent en partenariat avec des instituts religieux ou qui comptent pour leurs projets sur l’engagement individuel de religieux(ses). On retrouve dans ce livret le fruit de ces recherches et de ces réflexions. Il s’agit des premiers résultats d’une étude en cours, qui nous l’espérons, pourra contribuer à inventer l’avenir.

Une pédagogie

Le livret est structuré en quatre parties au travers desquelles on cherche, d’une part, à systématiser et à analyser les pratiques associatives des congrégations, et d’autre part, à ouvrir des pistes d’action pour aider à développer ce que nous percevons à travers ces pratiques comme des germes de nouveauté en termes de solidarité internationale. C’est ainsi qu’à partir des réponses obtenues des congrégations interrogées, on commence par rassembler et classifier les pratiques (1ère partie), pour déceler ensuite ce qu’elle disent de nouveau en termes de solidarité (2ème partie). Ces nouveautés sont ensuite illustrées par trois expériences qui nous ont semblé particulièrement innovantes (3ème partie). On conclut la réflexion en proposant des chemins à explorer, notamment à trois niveaux : en termes de valorisation de ressources non monétaires, de partage du pouvoir, et de regard sur la solidarité.

Ce livret constitue ainsi un appel à poursuivre ensemble ce chemin de réflexion et d’action autour des pratiques associatives des congrégations, à travers lesquelles quelque chose de nouveau se dit sur la solidarité et sur la vie religieuse.

[1]     Traduction  « Le don de la foi », encyclique de Pie XII, avril 1957.

[2]     Association Interreligieuse Ensemble et Avec

[3]     Un chapitre est la plus haute instance de décision d’un Institut Religieux, il a généralement lieu tous les 5 ou 6 ans. C’est pendant le chapitre que sont élus les responsables de l’Institut et que sont décidées les grandes orientations pour les années à venir.

Nous célébrons cette année le 50ème anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II : non par nostalgie, mais pour faire mémoire d’un événement qui a marqué et qui marque profondément le temps que nous vivons.

Nous voici donc conviés à relire ces cinquante années pour enraciner dans notre présent ce message toujours neuf, qui demeure « notre boussole » pour faire route avec toute l’humanité.

C’est en lien étroit avec le Concile que Paul VI publiait, le jour de Pâques 1967, l’encyclique Populorum progressio. Elle est comme la réponse à l’appel exprimé par la Constitution conciliaire Gaudium et Spes contre l’état de misère et de sous-développement dans lequel vivent des millions d’êtres humains. Certaines expressions ont fait leur chemin : « le développement est le nouveau nom de la paix », « la question sociale est aujourd’hui mondiale ».

En créant dans le même élan le Conseil pontifical Justice et Paix, il entendait adresser « un appel solennel à une action concertée pour le développement intégral de l’homme et le développement solidaire de l’humanité » (n.5).   C’est encore au même moment que Paul VI  instituait le 1er janvier  Journée mondiale de la paix, dont la préparation fut justement confiée à Justice et Paix. Une impulsion nouvelle était donnée, qui a éveillé les consciences et mobilisé les énergies, élan encouragé et soutenu par les ² encycliques sociales de Jean-Paul II et Caritas in veritate de Benoît XVI.

Le premier but de ce Conseil, – et donc, par le fait même des antennes créées par les conférences épiscopales -, est d’approfondir, de diffuser et de mettre en pratique la doctrine sociale de l’Église. Les publications sont abondantes, sur des sujets aussi cruciaux que l’endettement international, le commerce des armes, la financiarisation des activités économiques, les droits de l’Homme, l’environnement, sans oublier la dernière note, en octobre 2011, « Pour une réforme du système financier et monétaire international ».La liste serait longue. Ce ne sont pas simplement des textes : ils sont en effet le fruit de collaborations multiples et de liens tissés avec des organismes internationaux. L’Église prend part ainsi aux débats qui concernent la vie et l’avenir de l’humanité ; elle est présente et active sur les fractures de notre monde. Il faut lire le livre du cardinal Roger Etchegaray, au titre suggestif : « J’ai senti battre le cœur du monde ». On est impressionné par le nombre des missions qui lui ont été confiées, sur tous les continents, pour promouvoir la paix et la réconciliation : les Balkans, l’Amérique latine, le Rwanda, l’Irak,…

Eveiller et réveiller les consciences, exercer une mission de vigilance, « éduquer à la justice et à la paix » (Message de Benoît XVI, 1er janvier 2012), agir pour qu’adviennent « les cieux nouveaux et la nouvelle terre où la justice habitera » : c’est l’une des façons de « recevoir » le Concile dans l’aujourd’hui de notre histoire.

« Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent »  (Ps 84,11)

REPÈRES

Dès 1971 Paul VI écrivait au Cardinal Maurice Roy, président du conseil des laïcs et de  usticeet Paix:

« De partout monte une aspiration à plus de justice et s’élève le désir d’une paix mieux assurée dans un  respect mutuel entre les hommes et entre les peuples.. …

Dans les mutations actuelles, si profondes et si rapides, chaque jour l’homme se découvre nouveau, et il s’interroge sur le sens de son être propre et de sa survie collective… Il a besoin d’éclairer son avenir, par des vérités permanentes…

Jamais, à aucune autre époque, l’appel à l’imagination sociale n’a été aussi explicite. Il y faut consacrer des efforts d’invention aussi importants que ceux qui sont investis pour l’armement ou pour les performances technologiques. Si l’homme se laisse déborder et ne prévoit pas à temps l’émergence des nouvelles questions sociales, celles-ci deviendront trop graves pour qu’une solution pacifique puisse être espérée. » (Lettre apostolique au cardinal Roy, 7,18).