Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024 (PDF)
1 – Pour un sursaut démocratique…
+ Notre pays connaît un temps de bouleversements politiques, bouleversements au double sens de perturbations du cours habituel des choses, avec une charge notable d’émotions. Mais la force de la démocratie est de pouvoir gérer les tensions et les perturbations sans sombrer dans la violence brute ; une apparente faiblesse, au regard de pouvoirs autoritaires, or ce système permet d’honorer et d’organiser les diversités qui traversent toute société. La puissance démocratique s’oppose à la domination brutale d’un tyran ou d’un groupe dirigeant qui cherche à imposer une apparente paix civile par la peur, au prix de violences.
+ Pour choisir les personnes qui vont diriger la nation, la démocratie dispose d’un rite civil : l’élection, c’est-à-dire la désignation des responsables, en leur accordant une dignité et une responsabilité particulières. Les résultats produits par ce rite peuvent être étonnants, bousculant les prédictions, y compris celles qui se prévalent d’une scientificité sondagière ! Le peuple a donc plus d’un tour dans son sac…
+ La démocratie ne se réduit pas à un mode de désignation des responsables. Une noble tradition (Pie XII, Noël 1944) voit dans la démocratie le mode de gouvernement qui respecte le mieux la dignité humaine ; et, dans notre pays, la fraternité est reconnue comme une valeur fondatrice liée à l’héritage démocratique. Certes, les résultats d’un vote induisent le droit d’exercer le pouvoir ; mais la reconnaissance de la légitimité politique comprend aussi une évaluation éthique des discours et des pratiques : il importe de résister à ceux qui cultivent le mépris, l’exclusion des plus fragiles, les discriminations en raison de l’origine ou de la religion. Le vote peut parfois prendre une forme tactique qui ne correspond pas à une adhésion sans réserve aux projets de tel candidat ; s’il est élu, mais ignore les motivations de ceux qui lui ont apporté leurs suffrages, le citoyen peut se sentir trahi, voire méprisé.
+ Quelques réflexions sur l’actualité. Le bouleversement a précédé l’acte de dissolution, notamment en raison d’une pratique centralisée et parfois arbitraire du pouvoir, au mépris du principe de subsidiarité ; celui-ci reconnaît les compétences des différents niveaux politiques, le rôle important des corps intermédiaires et la dynamique de la société civile. Les résultats des différentes élections ont montré que des ensembles humains (rural profond, quartiers pauvres…) et des catégories sociales se sentent abandonnés à leur misère, au profit de ceux qui se trouvent mieux placés. En démocratie, quand le peuple s’estime méprisé il est en droit d’exprimer son désaccord, et les responsables politiques doivent l’entendre. Cependant, on constate l’amateurisme de courants politiques et de candidats qui se contentent de slogans, on peut avoir des doutes concernant les compétences d’acteurs et de partis, nous pouvons attendre qu’ils soient à la hauteur de leur fonction.
+ Les débats sont vigoureux lorsqu’il faut faire face à des événements imprévus, or des thèmes essentiels risquent de passer à la trappe. Le défi écologique a été le grand absent de ces débats : un enjeu de vie décisif ; on peut s’inquiéter de l’irresponsabilité de ceux qui associent systématiquement le qualificatif « punitive » à l’écologie. Sur un autre registre, la fraternité paraît renvoyée au domaine benêt des bons sentiments, alors qu’elle constitue le ciment de la vie commune ; souvenons-nous qu’elle est inscrite sur nos monuments publics. Un premier pas serait déjà le respect d’autrui, même s’il s’agit d’un adversaire, avec une dose de savoir-vivre et pourquoi pas de courtoisie ! Tant en ce qui concerne le défi écologique que l’utopie pratique de fraternité, il est fort utile de progresser en intelligence collective.
2 – Pour continuer à avancer…
Quelques citations qui invitent à grandir en humanité, y compris en période de remous politiques. Spectateurs de postures prévisibles, auditeurs de petites phrases qui ne cherchent qu’à faire le buzz, nous risquons d’oublier le monde dont nous sommes partie prenante. Il est toujours bon d’élargir la focale…
+ Le pape Paul VI disait en 1977 au Conseil de l’Europe : « L’Europe a une responsabilité particulière pour témoigner, dans l’intérêt de tous, des valeurs essentielles comme la liberté, la justice, la dignité personnelle, la solidarité, l’amour universel et réciproque. » Un message toujours d’actualité !
+ Muhammad YUNUS (prix Nobel de la paix 2006) : « Le capitalisme a poussé l’être humain à chercher le maximum de profits comme si celui-ci était seulement guidé par son intérêt particulier. Moi, je constate depuis quarante ans que les êtres humains ne sont pas uniquement égoïstes. Ils sont également altruistes. Le côté désintéressé est totalement refoulé par le système capitaliste aujourd’hui. » La Croix, 19 juin 2024. En ce temps de débat politique, n’oublions pas l’énergie et la compétence déployées par les bénévoles, les soutiens mutuels au quotidien, l’accueil de l’autre même quand celui-ci vient de loin…
+ Les bienfaits du travail pour les personnes en situation de handicap, notamment celles qui souffrent de troubles cognitifs. « La travail manuel – organisé en apprentissage et non pas en succession de tâches – développe des synapses grâces auxquels nos neurones communiquent entre eux. La grande plasticité du cerveau, liée au langage et à nos cinq sens, dont le toucher, est donc stimulée par le travail manuel. » Vaincre le chômage, Lettre de juin 2024. Un tel soutien intelligent de personnes en difficulté leur permet de mieux s’épanouir, et la vie commune s’en trouve elle-même enrichie ; une société est toujours gagnante lorsqu’elle sait offrir une place à chacun de ses membres, à commencer par les plus fragiles.
+ Et pendant ce temps, des enfants continuent de mourir de la guerre, des écoles et des hôpitaux sont bombardés, en Ukraine, à Gaza… D’autres conflits meurtriers endeuillent diverses régions du monde, notamment en plusieurs pays d’Afrique, dont le Soudan.
Un rôle central du politique est de construire la paix, chez nous, mais aussi dans le monde. En 5 ans, dans les pays dotés, les dépenses liées aux armements nucléaires ont augmenté de 30%. Débattons aussi à propos des moyens de défense…
3 – Du religieux dans les conflits actuels…
Un texte signé par André Brigot et moi-même que vous pouvez retrouver sur le site de Justice et Paix France : justice-paix.cef.fr Accueil. Si vous rencontrez des difficultés pour accéder à ce texte, n’hésitez pas à me le demander, je vous le transmettrai bien volontiers.
L’actualité politique en notre pays ne doit pas nous rendre insensibles aux conflits qui affectent des parts importantes de notre humanité. Or des motifs religieux sont souvent invoqués par des acteurs de ces drames. Avec A. Brigot, spécialiste des conflits dans le monde, nous avons mené une réflexion qui précise certains enjeux d’une telle problématique, à la lumière de l’histoire de la pensée politique et de l’héritage chrétien en la matière.
Télécharger le n°70, juillet 24 (PDF)
En se mobilisant plus que d’habitude, les français ont élu leurs députés pour une nouvelle législature. Le résultat est celui d’une France divisée, dont les partis centristes jusqu’alors au pouvoir ont résisté, face à des extrêmes qui se sont renforcés. Aucun d’entre eux n’a la majorité. Des alliances devront être trouvées pour gouverner, rassembler, reconstruire ce qui a été détruit, retrouver la confiance. L’exercice qui commence va être difficile à réaliser et demande de la part de tous les partis et de tous les élus une vraie volonté de recherche du bien commun dans la plus grande harmonie possible.
Cela est-il possible dans une société où les divisions et les anathèmes ont pris le dessus ? Quelles forces spirituelles aller chercher ? Quel sens de l’unité les élus, de quelque bord qu’ils soient, peuvent-ils / veulent-ils promouvoir ? Sont-ils en mesure de dépasser leurs intérêts personnels et de parti ? Ce qui n’a pas pu se faire dans une campagne trop courte peut-il se réaliser demain ? Il faut un peu d’utopie pour animer l’espérance.
Comme l’ont écrit avant les élections les évêques des Hauts de France, plus les temps sont troublés, plus nous avons besoin de sagesse, une sagesse politique ancrée courageusement dans la tradition humaniste, la fidélité au service du bien commun, l’attention aux plus petits, l’humilité de l’écoute et la solidarité universelle.
A Justice et Paix, nous resterons vigilants sur les développements qui vont suivre, pour que soient promus la dignité et les droits humains, le respect des étrangers, la construction de l’Europe, la justice sociale et environnementale, le soutien à l’Ukraine et aux initiatives de paix dans le monde, le refus des communautarismes excluants, la sagesse dans les évolutions nécessaires que devra porter le nouveau gouvernement.
Trois semaines après la décision incompréhensible du président Macron, et même avec une surprise de taille, le résultat est là : il n’y a pas de majorité véritable à l’Assemblée. Bien sûr d’ici quelques jours nous aurons un gouvernement, mais celui-ci risque d’avoir une durée de vie limitée et