Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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Lors d’une visite annuelle, du 4 au 10 janvier, une délégation d’évêques catholiques représentant les diverses assemblées épiscopales d’Amérique du Nord et d’Europe, membres de la Coordination des évêques pour la Terre sainte, a rencontré des communautés chrétiennes dans la bande de Gaza, à Bethléem et à Beit Jala (Cisjordanie), ainsi qu’en Jordanie, à Madaba et à Zarqa.
Les années passent, et rien ne permet de penser que la situation au Moyen-Orient va s’améliorer rapidement.
Le mur qui protège Israël se prolonge, lance ses tentacules en direction des colonies qui se multiplient. Un recours en justice a pour but d’arrêter sa construction dans la vallée de Crémisan, mais qui peut croire que la justice, ici, puisse résister à l’argument de la sécurité, même quand, en l’occurrence, il est totalement fallacieux et cache la volonté de finir l’encerclement de Jérusalem et de couper celle-ci de Bethléem ?
Et sur la route de Jéricho, les colonies vont arriver à couper le territoire palestinien en deux.
Pendant quelques années, nous avons cru à la solution de deux États.
A chaque période, nous nous disions : « c’est la dernière année de Clinton, il va avoir les mains libres, il va pouvoir agir ; Obama a fait un superbe discours au Caire, il va agir ; Hillary Clinton a montré son agacement devant le projet de nouvelles colonies, les Américains vont agir ; la communauté européenne a publié un rapport précis et très critique sur la planification de l’encerclement par les colonies faite par les élus de Jérusalem, elle va agir… ».
C’est toujours pour demain.
Certes, le ton des communiqués monte. Diplomatiquement, il ne peut pas aller beaucoup plus loin… d’autant que les condamnations les plus fermes sont immédiatement assorties du : « évidemment, nous sommes contre la politique de sanction ».
Nous qui pensons qu’il n’y a pas de paix possible sans l’établissement de deux États égaux en droit, nous rêvons encore d’une fenêtre d’opportunité : les élections en Israël et le début de la mandature Obama II.
Mais soyons clairs : la fenêtre sera de courte durée, car les colonies s’installent et l’irrémédiable sera fixé.
Nous allons vers un statu quo… un seul État, Israël… et, au cœur d’Israël, la tentation, soit de chasser les Palestiniens, soit de l’ « apartheid ».
Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Dans le monde tel qu’il est, il est difficile de ne pas se laisser prendre aux discours sur la sécurité. La conscience risque de s’endormir devant ceux qui ne prennent pas conscience de l’injustice qu’ils causent. La sécurité est un bien. Elle peut justifier des actions d’urgence. Elle ne peut pas justifier, sur le long terme, l’absence de considération pour les drames humains et le refus de chercher une solution politique aux problèmes. Bref, pour refuser d’oser la confiance.
La frustration est grande.
Israël est une jeune démocratie, mais c’est une démocratie et, en son sein, une grande partie de la population est horrifiée chaque fois qu’elle apprend les violations des droits de l’homme. Mais elle sait mal, même si ses réseaux sociaux peuvent permettre aujourd’hui de dépasser les censures et les politiques de communication.
Israël a besoin de sécurité, comme tous les peuples, mais Israël au aussi besoin d’ouverture… et les murs ne peuvent pas monter jusqu’au ciel : c’est Israël qui a la force, c’est donc cet Etat qui a le devoir d’oser la confiance malgré les terroristes des deux camps.
Les chrétiens sont majoritairement arabes. Mais ils sont soutenus par le monde entier. 45 % des ON.G travaillant en Palestine sont chrétiennes (2 % de la population), 25 % du service de santé est entre leurs mains. Et leur effort pour l’éducation des jeunes – quels qu’ils soient, musulmans ou chrétiens, pauvres ou riches- est un moyen pour eux de résister au manque d’espoir : elles cherchent à bâtir le futur.
Pourtant, cet engagement est le fait d’une partie importante, mais minoritaire : que ce soit chez les juifs, chez les musulmans ou chez les chrétiens, la sécularisation gagne, et, parallèlement, les tentations identitaires, voire extrémistes. La guerre n’est jamais une école de moralité.
A Beit Jala, la communauté chrétienne est celle qui va être privée de son gagne-pain, en étant privée de ses terres de Crémisan. Humainement, la frustration est grande. Le pire semble inévitable. Mais la communauté est non-violente, et elle s’est engagée dans une campagne de prière. Avec confiance.
Arriver à se faire confiance les uns les autres en demandant à Dieu d’y parvenir, c’est le seul plan.
Et il n’existe plus de plan B.
« L’impression qui y prévaut en France est plutôt négative et source d’inquiétude : Les Frères musulmans prennent le pouvoir ici et là ; la charia devient une référence dans le droit de certains pays ; les chrétiens se sentent menacés ; à terme cette vague ne menace-t-elle pas l’Occident ?»
Je ne partage pas ce pessimisme, même s’il y a ici de vrais sujets d’inquiétude. Un puissant sentiment de liberté a soufflé sur l’Égypte après la chute du régime de Moubarak, le mur de la peur est tombé ; pour la première fois de leur vie, pour la plupart d’entre eux, les Égyptiens ont voté et ils l’ont fait avec fierté : ce sont là des acquis immenses, sous-estimés quand on est loin, que l’on n’a pas connu les contraintes de l’état d’urgence (40 ans !), l’omniprésence de la police et ses excès, l’arrogance du régime déchu. Cette révolution est d’abord une requête de dignité. Maintenant, l’euphorie des commencements est retombée, on est entré dans le temps de la politique et la transition ne peut qu’être longue : au moins quinze ans, disais-je déjà l’an dernier. Les premiers scrutins, les législatives, ont donné une large majorité aux islamistes (76% des voix), ce qui n’est pas une surprise dans un pays où l’islam imprègne beaucoup les mentalités populaires. Pour les présidentielles, le scrutin était déjà plus partagé : Mohamed Morsi, candidat des islamistes, est passé de justesse (51%). La Constitution qu’il vient de faire passer en force n’a mobilisé, elle, que 32,9 % de l’électorat et, au total, seul un Égyptien sur cinq a voté pour. Faut-il y voir une première prise de distance par rapport aux partis islamistes ? Le scrutin à venir des législatives nous le dira, peut-être. L’opposition libérale, elle, peine à s’organiser, à constituer un front uni, avec un programme cohérent, mais faut-il s’en étonner dans un pays qui a vécu près d’un demi siècle sans place pour le débat politique, sans véritable liberté d’expression ? Dans un pays encore analphabète à 40%, il est encore assez facile de mobiliser des masses en s’appuyant sur des prédicateurs de mosquées (ou d’églises). Il faut donner le temps aux Égyptiens de faire cet apprentissage de la liberté, du débat politique, de la citoyenneté.
Pour l’heure, le pays souffre moins de la violence, finalement assez limitée à quelques manifestations, que d’une sérieuse dégradation de la situation économique et sociale : le tourisme a baissé de 30 à 40%, l’investissement étranger des multinationales (de l’ordre de 15 milliards de $ par an) s’est quasi arrêté, ce qui a des effets dramatiques sur l’emploi et sur la parité de la monnaie que le budget de l’Etat doit soutenir à grands frais ; la liberté recouvrée a ouvert la voie à d’innombrables revendications sociales et à des grèves. Blâmée pour ses excès passés et l’impunité dont elle jouissait, la police a quasi disparu de l’espace public durant des mois, ouvrant la voie à une certaine insécurité que nous ne connaissions pas. Bref, ce n’est pas l’enfer, loin de là, mais plus compliqué qu’avant tout de même. Cela dit, il n’est pas dangereux du tout de venir en Égypte et d’y vivre !
Plutôt que de se lamenter ou de lever les bras au ciel en nous annonçant le pire pour demain (la charia, à la mode iranienne ou saoudienne), nous avons mieux à faire dans deux directions :
- Essayer de comprendre cette transformation sociale : nous sommes seulement à son début. Elle est en partie impulsée par la réalité de la mondialisation : internet est dans beaucoup de foyers, les jeunes ont leur compte facebook. Les discours rétrogrades n’auront qu’un temps.
- Voir que l’urgence est de ne pas sombrer dans le pessimisme, de ne pas déserter. C’est la tentation des chrétiens d’Orient, dont je peux comprendre la lassitude face à l’envahissement de l’espace public et de la vie sociale par un islam politique militant. Il est légitime de soutenir les chrétiens d’Égypte dans la défense de leurs droits, mais en évitant d’en faire un ghetto qui vit sur la défensive. Au-delà des transformations politiques en cours, l’Égypte vit une véritable révolution culturelle, où chrétiens et musulmans sont confrontés au défi de devenir des citoyens, acteurs de leur destin. Le clivage n’est pas d’abord entre chrétiens et musulmans, mais plutôt entre partisans d’une société plurielle et ouverte et partisans d’un ordre social figé, justifié par une idéologie religieuse d’un autre âge. Les chrétiens ont un rôle à jouer, quelque chose comme le « levain dans la pâte » dont parle l’Évangile, mais cela requiert la volonté de rester, d’être acteur et suppose donc du courage. Ce n’est pas une mince affaire, mais c’est une belle mission. »