Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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L’armement nucléaire soulève de graves objections morales. On ne saurait en effet considérer comme moralement acceptable l’emploi d’une arme destinée à détruire des villes entières et une grande partie de leurs habitants sans distinction.
Les conséquences humanitaires d’une guerre nucléaire, même « limitée » seraient proprement catastrophiques. Un nombre croissant d’États en prend conscience, comme en témoigne le succès des conférences internationales sur l’impact humanitaire des armes nucléaires. Il est vrai que la dissuasion nucléaire, dans son principe, ne repose pas sur l’emploi mais sur la menace de l’emploi. Cette distinction fondamentale a conduit certains théoriciens à qualifier la dissuasion de stratégie de « non-guerre ». Toutefois, même comprise comme une menace qu’il s’agit de ne pas mettre à exécution, la dissuasion nucléaire heurte la conscience morale : elle fait dépendre l’ordre international d’une menace réciproque d’anéantissement. Elle n’établit pas la paix mais, au mieux, une situation de non-guerre.
Elle asservit l’homme à sa propre création technique en lui imposant sa logique de menaces réciproques. Le secret qui l’entoure soustrait au contrôle démocratique des choix politiques essentiels. Au plan international, elle consacre l’inégalité entre les nations nucléaires et celles qui ne le sont pas. Enfin, parce qu’elle suppose le maintien en alerte permanente d’arsenaux considérables, elle entretient le risque d’un déclenchement de tirs nucléaires par accident ou par erreur. Pendant la guerre froide, les nécessités vitales de la défense de la Nation, de son indépendance et de sa liberté ont pu l’emporter sur ces objections, comme l’a reconnu la Constitution pastorale « Gaudium et Spes ».
Un document des évêques sur le nucléaire
Le document publié en 1983 par les évêques français, sous le titre « Gagner la paix», soulignait ainsi que « c’est encore servir la paix que de décourager l’agresseur en le contraignant à un commencement de sagesse par une crainte appropriée ». Il résumait comme suit la situation de la dissuasion : « affronté à un choix entre deux maux quasiment imparables, la capitulation ou la contre-menace… on choisit le moindre sans prétendre en faire un bien ». Le document jugeait dès lors la dissuasion nucléaire comme moralement acceptable à quatre conditions : qu’il s’agisse seulement de défense ; que l’on évite le surarmement ; que toutes les précautions soient prises pour éviter un tir par accident ; qu’une politique constructive soit engagée en faveur de la paix, notamment par un engagement dans des négociations de désarmement progressif et réciproque.
La situation a aujourd’hui profondément changé avec la disparition du bloc soviétique. On ne peut plus considérer que la France est directement menacée de capitulation et que le seul moyen à sa disposition pour y répondre est d’agiter en permanence une contre-menace d’emploi de l’arme atomique.
« Gagner la paix », Déclaration de l’Assemblée plénière de l’épiscopat français, 1983
L’une des menaces les plus graves pour l’humanité est en outre la prolifération nucléaire et le moyen le plus adapté pour y répondre, tant du point de vue de la morale que de l’efficacité, est le renforcement du régime international de non-prolifération. Or ce régime repose sur un compromis : renonciation au nucléaire militaire par la quasi-totalité des États ; reconnaissance du « droit inaliénable » de tous à développer l’énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifiques ; acceptation du statut nucléaire de cinq pays (Chine, Etats Unis, France, Grande Bretagne, Russie), mais à condition qu’ils s’engagent à réduire progressivement leurs arsenaux nucléaires.
Le régime de non-prolifération ne pourra être accepté durablement par tous que si les États dotés de l’armement nucléaire respectent cet engagement de désarmer. Les savoirs nucléaires ne cessent de se diffuser dans le monde. Au-delà même de la Corée du Nord, d’Israël, de l’Inde, du Pakistan et du cas iranien, les candidats à l’industrie nucléaire se multiplient (Indonésie, Jordanie, Arabie saoudite, Turquie, Émirats arabes unis, Vietnam…). Les contrôles sur les exportations et, en dernière instance, la logique de la force suffiront-ils à empêcher l’émergence de nouvelles puissances nucléaires si le régime de non-prolifération n’est plus considéré comme légitime ? En cas d’échec de la contre-prolifération, peut-on être assuré que les mécanismes de dissuasion fonctionneront comme dans l’ancien système bipolaire ? L’arme nucléaire jouera-t-elle toujours son rôle d’inhibition de la violence ? La prudence tout autant que la morale imposent donc une relance des processus de désarmement nucléaire, aujourd’hui dangereusement dans l’impasse. Faut-il pour autant qu’un pays comme la France, détenteur internationalement reconnu de l’arme nucléaire, choisisse d’abandonner immédiatement cette arme de manière unilatérale en dehors de tout processus de négociation ?
La présence de l’arme nucléaire dans le monde
Cette décision n’aurait pas beaucoup d’impact sur la présence de l’arme nucléaire dans le monde, la France détenant moins de 2 % des arsenaux existants. De plus, dans l’actuel désordre international et tant que l’arme nucléaire existe, on ne peut exclure l’hypothèse que, dans un avenir indéterminé, des puissances hostiles en viennent à y avoir recours pour une attaque ou, plus vraisemblablement, pour un chantage. Un armement nucléaire réduit au minimum peut donc encore jouer à titre temporaire un rôle subsidiaire de réassurance en attendant que les négociations de désarmement permettent son élimination sous contrôle international.
Dès à présent cependant, la reprise des processus de réduction et à terme d’élimination des arsenaux nucléaires est une nécessité politique et morale pour toutes les puissances qui en sont détentrices. De manière unilatérale, il est souhaitable que ces puissances réexaminent le volume et la composition de leur armement nucléaire pour le ramener au minimum indispensable à leur défense. D’importantes marges subsistent pour une réduction du volume de cet armement dans tous les pays qui les détiennent (y compris en France). Les modernisations et accroissements de capacité en cours sont non seulement contraires aux dispositions du Traité de Non-Prolifération mais dépourvus de justification au regard des besoins réels de sécurité des puissances concernées.
Ces puissances (dont la France) devraient par ailleurs réduire, voire lever l’état d’alerte de leurs forces nucléaires. Dans un cadre multilatéral, les parties ont l’obligation juridique et morale de surmonter leurs divergences pour lever les blocages actuels des négociations de désarmement nucléaire (en vue de l’interdiction complète des essais nucléaires, de l’arrêt de la production de matières fissiles à usage militaire ou de la création d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient, par exemple).
Noter que cette position est défendue avec force par de nombreux chrétiens dont Mgr Emmanuel LAFONT, des ONG et des mouvements en France.
Les deux principales puissances nucléaires (États-Unis et Russie) ont pour leur part le devoir de consolider les acquis de leurs accords bilatéraux de désarmement et de progresser vers de nouvelles réductions et mesures de confiance en recherchant de bonne foi un accord sur les points qui les opposent encore, en ce qui concerne notamment les armes défensives.
Le moment venu, les autres puissances nucléaires devront se joindre à elles en vue de réductions coordonnées de l’ensemble des arsenaux existants jusqu’à leur élimination complète et contrôlée. Dans une société internationale de plus en plus interdépendante, il ne paraît pas possible de s’en tenir perpétuellement à des doctrines de sécurité fondées, en dernière analyse, sur la défiance et la menace mutuelles. La communauté internationale doit trouver les voies d’un ordre mondial plus coopératif dans lequel la sécurité et la paix sont recherchées comme un bien commun.
Les États membres des Nations Unies se sont réunis du 2 au 27 juillet 2012 à New York pour adopter un Traité régulant le commerce des armes.
Malheureusement, les négociations se sont soldées par un échec. Alors même que 50.000 personnes ont perdu la vie au cours de ce mois du fait de la violence armée et que la répression s’intensifiait en Syrie, des pays au poids non moins conséquent ont demandé plus de temps pour évaluer et se prononcer sur la proposition de Traité proposée par le Président de la Conférence de New-York.
Les conséquences de ce commerce sont multiples et désastreuses. Ainsi, chaque jour, des milliers de personnes sont tuées, blessées, violées et déplacées par des groupes armés, des bandes criminelles ou encore par des forces gouvernementales. Les effets sont aussi dévastateurs sur le développement socio-économique des États. Le recours effréné aux armements de certains d’entre eux dépasse les besoins légitimes de la défense nationale, détournant des montants importants des budgets de la santé et de l’éducation et engendrant une pratique généralisée de la corruption estimée à plusieurs milliards de dollars.
Le chiffre d’affaire généré par le commerce des armes est de l’ordre de 1 400 milliards de dollars par an – soit l’équivalent du PIB de la Russie en 2010. Beaucoup d’acteurs du secteur paraissent peu regardants sur les questions des droits de l’Homme et pratiquent un commerce irresponsable. Les enjeux financiers des guerres et du commerce des armes en général, les intérêts géostratégiques, les échéances électorales dans certains pays, le manque de volonté de certains États sceptiques, ainsi que des préoccupations exclusivement nationales expliquent l’échec des négociations. Il est pourtant primordial de passer au-delà des intérêts des États et de veiller à la paix et la sécurité internationales, comme stipulé dans la Charte des Nations Unies. En dépit de l’incapacité de parvenir à un texte final, une dynamique forte a été enclenchée qui a permis le ralliement de plus de 90 États favorables à un Traité des plus contraignants juridiquement. Ces 90 états se montrent « déterminés à obtenir un Traité sur le commerce des armes aussi rapidement que possible. Un Traité qui rendra le monde plus sûr pour l’ensemble de l’humanité ». Concrètement, nous demandons aux pays négociateurs de reprendre les négociations afin d’adopter le plus vite possible un Traité fort et contraignant, ainsi que de veiller à ce que:
- les transferts qui violent les obligations et engagements internationaux des États, notamment ceux découlant des mesures adoptées par le Conseil de sécurité, et en particulier les embargos sur les armes, soient interdits ;
- les transferts d’armes qui risquent de faire l’objet d’un détournement ou d’une revente sans autorisation soient interdits ;
- l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violation des droits de l’Homme et du droit international humanitaire;
- l’usage des armes issues de ces transferts n’occasionne pas de violences envers les femmes et les enfants ;
- les transferts d’armes ne soient pas une entrave à la réalisation des Objectifs du Millénaire des Nations Unies ;
- les transferts d’armes ne favorisent pas les réseaux de criminalité organisée, les réseaux terroristes et de violence organisée ;
- les transferts d’armes ne causent ou ne prolongent des conflits armés ou aggravent des tensions ou conflits existants;
- les transferts d’armes n’aient pas une incidence négative sur la sécurité et la stabilité régionale;
- les transferts d’armes n’encouragent pas la corruption.
- Enfin, le champ d’application du Traité devrait être le plus large possible afin que les objectifs soient clairement remplis. Ainsi, les munitions et, en particulier les munitions pour les armes légères et de petit calibre, et le plus possible d’armes conventionnelles devraient être concernés. Une transparence totale devrait également être exigée à travers la publication de rapports annuels retraçant toutes les opérations effectuées par les États.
Nous, Commissions Justice et Paix européennes signataires de cette déclaration,
soutenues par la conférence des trente commissions Justice et Paix européennes, restons
mobilisées pour que voit enfin le jour un Traité historique qui constituera un pas essentiel
vers la paix et la justice mondiale.
Commissions Justice et Paix signataires :
– Commission Justice et Paix Belgique francophone
– Justice et Paix – France
– Justice and Peace Greece
– Commission luxembourgeoise « Justice et Paix »
– Justice and Peace Scotland
– Justicia y Paz de España
– Österreichische Kommission Iustitia et Pax
Le 9 Juillet 2011, le continent africain sera le théâtre d’un évènement majeur, avec la création d’un nouvel Etat, la République du Sud-Soudan. Cette date marque l’aboutissement d’un processus de paix engagé depuis 2002, qui s’est soldé par la tenue d’un référendum consacrant le choix des Sud-Soudanais en faveur de l’indépendance de leur région. Ce scrutin qui s’est déroulé, contre toute attente, de manière relativement calme dans un pays qui a connu 50 ans de guerre civile, ne doit pas faire oublier les défis restant à relever. Au vu de la dégradation de la situation actuelle, quatre associations chrétiennes appellent à la vigilance tant les mois et années à venir sont cruciaux.
Au lendemain du 9 juillet, le Sud-Soudan entamera un processus classique de construction d’un Etat (mise en place de l’appareil étatique, des systèmes juridiques et économiques…) dans un contexte de sous développement catastrophique (aucun investissement dans les infrastructures routières, sanitaires, scolaires, etc. depuis des décennies). Dès ses premiers pas, ce pays présentera des indicateurs inquiétants d’un niveau jamais enregistré depuis 1945 : les taux de mortalité infantile parmi les plus élevés au monde, une jeune femme de 15 ans a plus de chances de mourir en accouchant que de terminer ses études. Cette situation est en plus aggravée par des mouvements de population de grande ampleur. Depuis décembre 2010, environ 300 000 Sud-Soudanais ont quitté le Nord pour rejoindre le Sud Soudan.
Le Sud-Soudan devra également être attentif aux risques persistants de dissensions internes et veiller à promouvoir le vivre ensemble. A ce titre, le rôle des Eglises est précieux. Engagées de longue date dans le processus de paix et ayant toujours eu à cœur la réconciliation entre le Nord et le Sud, elles travaillent à la promotion d’une société multiculturelle.
Par ailleurs, les récents évènements au Sud Kordofan (situé à la frontière entre le Nord et le Sud) et dans la région d’Abyei pointent la faiblesse de cet Etat naissant qui ne possède pas encore de frontières définitives et stables. Cette situation conflictuelle renvoie plus largement à la question des ressources pétrolières, minières et aux futures relations entre le Nord et le Sud-Soudan. Or la viabilité de ce nouvel Etat sera tributaire de l’établissement de relations pacifiques et durables avec le Nord Soudan. Il est ainsi nécessaire pour la communauté internationale, dont la France, de poursuivre les efforts pour maintenir un cadre global de négociation entre les deux Etats et pérenniser une présence militaire des Nations Unies pour garantir la sécurité des populations nord et sud-soudanaises.
Au lendemain de l’indépendance du 9 juillet, si les regards seront naturellement dirigés vers la République du Sud-Soudan, dont la population attend avec impatience les dividendes de la paix, le Nord ne doit pas être pour autant oublié, tant les foyers de tensions et de violences, au Darfour notamment, restent préoccupants. Le Nord-Soudan devra redéfinir son unité politique, sociale et économique après la perte d’un tiers de son territoire. Dès lors, nos quatre associations et leurs partenaires soudanais insistent sur la nécessité pour ces deux Etats de maintenir le dialogue et la coopération.