Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Rencontre avec Dominique Potier, député de Meurthe et Moselle

Invité à s’exprimer devant des membres de Justice et Paix pour analyser l’état de notre démocratie, Dominique Potier a choisi, à son habitude, d’emprunter un chemin de traverse. Pas question de jouer les experts politologues, lui qui refuse de considérer la politique comme un métier. Il a donc témoigné de ce qui le poussa à s’engager, sur plusieurs fronts et aujourd’hui en politique. En mettant l’accent sur ce qui l’a construit, nourri, sans doute voulait-il désigner – en creux – ce qui manque aujourd’hui à beaucoup de nos concitoyens et fragilise notre démocratie.
Pour lui, « la source » d’un engagement est fondamentale. Agriculteur de son métier, député socialiste de la 5e circonscription de Meurthe et Moselle, seul député de gauche à avoir été élu dans son département lors des élections législatives de 2024, il explique n’être jamais où on l’attend. Il est par exemple en désaccord avec le PS sur certains sujets de bioéthique, sur le projet de loi sur la fin de vie, ou sur l’alliance avec LFI.
Radio locale, coopérative agricole, conversion au bio il y a 35 ans, maire de sa commune, puis président de la communauté de communes jusqu’à se présenter pour la première fois à l’élection législative en 2012 contre Nadine Morano… : tel est le parcours d’un « enraciné » dans un « territoire où se vit une démocratie apaisée, où l’on coopère, on partage ». Lui, d’ailleurs, l’« indien », se définit comme très transpartisan : « je n’ai pas de problème à agir avec d’autres ». Et il aurait souhaité que sur cette séquence politique, jusqu’à l’élection de 2027, les partis se soient mis d’accord sur trois ou quatre sujets essentiels pour les mener ensemble.
La source qui abreuve Dominique Potier est triple, à vrai dire : sa famille, une famille engagée ; son engagement à la Jeunesse agricole catholique puis le MRJC, lieu d’éducation populaire ; et l’école de la République, le lycée agricole où il fit ses études avant de les reprendre plus tard pour se former en sociologie et en géographie humaine. Cette source, il la définit comme un « enracinement populaire, inscrit dans une tradition spirituelle ». Avec pour inspiration, Emmanuel Mounier, Jacques Delors et l’encyclique Laudato si’ du pape François. C’est ainsi qu’il créa en 2013 le cercle de réflexion Esprit Civique nourri de la pensée personnaliste et du christianisme social, lieu d’échanges, de formation, notamment à l’occasion d’une université populaire annuelle.
On a vu, déplore-t-il, depuis quelques années, arriver en politique, des jeunes hommes et femmes, « un nouveau monde », des gens culturellement vifs, brillants, mais « vides sur le plan anthropologique », manquant de structuration personnelle. Et Dominique Potier regrette que sa famille politique, la gauche, ait doublement démissionné : à l’égard des idées intellectuelles, à l’égard de la classe populaire.
Selon lui, le christianisme, affaibli, ne se retrouve plus aujourd’hui face à l’athéisme, mais face au paganisme. Il parle aussi de « servitude marchande ». « Nous connaissons une forme de paganisme politique où l’on se situe « dans l’air du temps », où l’on cultive les passions tristes. Or, nous venons de vivre un grand moment avec les JO, et quand on circule dans les territoires on voit plein de pépites,
d’actions remarquables, mais hélas la vie politique exprime peu cette espérance, cette joie. Elle manque de souffle ».
« Nous vivons un moment de bascule maximum, un moment tragique devant le péril écologique. Nous avons besoin de femmes et d’hommes qui s’engagent pour la dignité de la personne humaine, pour plus d’universalité, une interdépendance qui témoigne de notre commune humanité ». Il le sait : des jeunes sont là, prêts à des engagements radicaux auprès des plus fragiles, pour la sauvegarde de la planète, pour plaider des causes qui leur tiennent à cœur. Mais, souvent, « l’engagement politique ne leur apparaît pas comme une bonne nouvelle, comme la forme la plus haute de la charité, selon les mots de Pie XI. Avec eux, pourtant, il nous faut déchiffrer le monde qui vient et retrouver les eaux souterraines qui nous relient ».

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Quelques 500 personnes, jeunes professionnels, étudiants, familles se sont réunis à la Ferme de la Chaux en Bourgogne fin août 2024, pour la 2e édition du Festival des Poussières organisé par le collectif Anastasis. Ce furent quatre journées de conférences, d’ateliers et de vie commune pour des citoyens souvent (mais pas toujours) chrétiens, pour la plupart en colère contre l’hypocrisie et l’inaction des autorités politiques et religieuses face au dérèglement climatique et à l’injustice sociale.

L’expérience fut riche : écouter Marion Muller-Collard revisiter la notion d’Idolâtrie à partir de l’Autre Dieu, son magnifique texte sur Job ; parler du monde paysan avec la présidente de Solidarité Paysans engagée depuis 50 ans, échanger sur la question de l’action non-violente, réfléchir à la décolonisation du Christianisme… Mais aussi éplucher les carottes, danser, prier, faire de la musique. Les débats étaient parfois vifs mais les postures d’inclusion et d’écoute m’ont réjouie. Ces jeunes, et moins jeunes, sont en chemin.

Cécile Dubernet – JPF

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La vidéosurveillance « algorithmique », VSA, consiste en ce que les images collectées par des caméras soient analysées par des logiciels permettant de détecter des situations à risque pour la sécurité publique. Une loi de mai 2023 avait autorisé son expérimentation pour les Jeux olympiques et est prolongée jusqu’en mars 2025 Un rapport d’évaluation sera remis au Parlement fin 2024.

Christine Lazerges, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, CNCDH, s’inquiétait dès 2016 de la régression des droits en France (Lettre de Justice et Paix, juin 2016). Or on envisage déjà la prolongation du dispositif Jeux olympiques. Cela pose des questions de contrôle et d’atteinte aux libertés.

480 caméras furent mises en œuvre pendant les Jeux olympiques. Des tests avaient précédé lors de manifestations sportives ou de concerts comme ceux de Taylor Swift à la Défense Arena. Dans tous les cas l’information du public est minimum.

Le préfet de police de Paris se déclare maintenant favorable à la prolongation du dispositif. Or la VSA dont l’utilité est sujette à débats est une technologie polémique. Félix Tréguer, membre de la Quadrature du Net, cite Michel Foucault dans Surveiller et punir à propos d’outils participants aux fantasmes policiers, cette « surveillance permanente, exhaustive et omniprésente ».

Tout ceci est un peu rapide car les résultats dans des pays anglo-saxons montrent un bilan mitigé. En matière d’incendie il y a une vraie efficacité ; ce n’est pas le cas pour les comportements humains.

La CNCDH a étudié la question en 2024 et recommande de conditionner l’installation d’un système de vidéoprotection à l’exigence de son caractère nécessaire et proportionné à l’exercice des finalités envisagées et non discriminatoires. Ensuite, elle veut que soit assorti à la demande d’autorisation une analyse d’impact sur les droits et libertés. De plus, la CNCDH veut interdire l’identification biométrique à distance et en temps réel dans l’espace public sauf s’il s’agit de prévenir une menace grave pour la sécurité des personnes et d’installations vitales.

 

1 – Fragmentation, éclatement, dispersion…
Autant de mots qui prennent une grande place dans nos discussions et qui caractérisent notre époque. Il y a bien sûr la fragmentation du paysage politique, dans notre pays et à l’échelle mondiale. Des repères qu’on croyait stables deviennent flous, des accords internationaux se trouvent déconsidérés, voire bafoués. Les institutions de tous ordres perdent de leur superbe ; pour ne prendre qu’un exemple, l’Église catholique, marquée notamment par des scandales, est appelée à se remettre en question.
o Les idées elles-mêmes connaissent des flottements. Cela se vérifie en politique, on a du mal à identifier les projets des différents partis : les prises de position varient au gré de l’actualité et des alliances de circonstance. Certaines prises de positions visent plus à faire le buzz qu’à développer une démarche cohérente et viable. Certains tics de langage en disent long, par exemple « non à l’écologie punitive », traduction possible : il faut bien avoir un discours écolo, mais à condition que cela n’affecte en rien nos choix concrets dans la vie réelle.
Il y a aussi le risque d’éclatement de la vie commune au profit de « communautés » particulières qui jouent des antagonismes, on affirme son identité en s’opposant aux autres. Ne perdons pas de vue un bien commun tissé de solidarités concrètes et de fraternité, au travers même des différences qui peuvent être vues comme des richesses diversifiées. L’éclatement se vérifie aussi au niveau mondial, avec la multiplication des conflits, des jeux de puissance pour asservir les autres. La construction de la paix suppose des engagements courageux et persévérants, elle peut alors apparaître belle et désirable.
Il ne suffit pas de pointer du doigt les politiques et les responsables d’institutions. Chacun se trouve aujourd’hui tenté de jouer le jeu de la dispersion dans sa propre vie. Il parait difficile de prendre un engagement et de s’y tenir, mais aussi de manifester une vraie cohérence entre les convictions affichées et les choix de vie ; on se gausse parfois des jeunes qui se déclarent écolos tout en succombant aux multiples attraits des objets à la mode, mais ce travers n’est pas réservé à une classe d’âge !
Faut-il alors prendre son parti de la dissolution (dans tous les sens du terme) ? Au risque de sombrer dans l’inanition. Les pièges ne manquent pas. Contre le flou politique, on risque de se tourner vers un pouvoir autoritaire qui mettrait de l’ordre – mais quel ordre et au profit de qui ? – et se ferait obéir ; en de nombreux pays aujourd’hui ce qui a pu apparaître comme un remède tourne au drame avec le déni des droits humains. Au niveau personnel, dans un monde complexe, il y a le risque de se fier à une idéologie simpliste qui voit le mal chez « l’autre », évitant ainsi toute remise en question de ses préjugés. Mais nous ne sommes pas sans ressources.

2 – Connexion, résonance, communication…
+ Le terme spiritualité peut désigner une expérience humaine forte. Il ne concerne pas seulement quelques personnages d’exception : le moine ou le voyageur en route vers le Népal. À l’inverse, nous constatons les ravages causés par un matérialisme banalisé qui voit dans la nature une mine de produits à consommer sans retenue et dans le monde animal une ressource à exploiter sans vergogne ; quant au semblable humain, il se trouve alors réduit à un individu susceptible de servir mes intérêts ou d’assouvir mes pulsions. Pour grandir en humanité, il nous faut regarder plus haut et plus loin que nos intérêts matériels, individuels et immédiats.
+ Il est prudent d’associer la spiritualité à l’éthique, sinon elle risque de s’évader dans le rêve. L’éthique balise le chemin en mettant en avant des pratiques concrètes : le respect de l’autre (humain et non humain), la qualité de la relation, la quête continue d’un bien commun qui associe l’humain à l’ensemble de la création.
+ Un exemple, la Revue d’éthique et de théologie morale (août 2024) rend compte d’un colloque consacré à la spiritualité de l’écologie. J’en retiens une invitation à l’émerveillement devant la beauté du monde, sans méconnaître le mal lié à la « lutte pour la vie ». On note aussi la prise en compte du lien originel de l’humain avec l’ensemble de la création, ce qui implique des solidarités concrètes. L’humain devient cause de malheur s’il oublie son lien avec l’ensemble du vivant et l’exploite jusqu’à le détruire. L’esprit de responsabilité associe éthique et spiritualité pour stimuler la volonté de prendre soin du monde, du vivant, de l’humain. L’ouverture à l’avenir prend alors la forme d’une marche vers une communion pacifiée.

3 – Signes d’espérance
+ La communauté Sant’ Egidio est un mouvement laïc d’inspiration catholique qui travaille pour la paix dans le monde, la lutte contre la pauvreté, le soutien aux demandeurs d’asile. Alors qu’elle recense 59 conflits dans le monde, elle met en cause un imaginaire saturé de guerres afin de rendre la paix désirable et possible. Une assemblée internationale de Sant’ Egidio a eu lieu à Paris sur le thème « Imaginer la Paix » ; elle a réuni des représentants de différentes religions, des responsables politiques (le Président de la République est intervenu), des chercheurs, des acteurs de la société civile. La construction de la paix suppose une démarche humaniste qui résiste à la tentation de détruire son semblable : il s’agit surtout de comprendre l’autre, de cultiver l’ouverture d’esprit et la patience. Résistons à un imaginaire qui considère la guerre comme une fatalité. La fabrique de la paix appelle une culture de la confiance, une quête continue de justice sociale au niveau mondial. L’extrême pauvreté et le mépris des droits humains, c’est du malheur pour les victimes et des problèmes pour tous les membres de la famille humaine. La justice : un chemin de paix.
+ Que deviennent les scouts ? Une enquête à grande échelle vient d’être menée sur les personnes qui appartiennent au scoutisme ou qui l’ont fréquenté à un moment de leur vie. En comparant avec la moyenne des Français, les scouts manifestent plus fortement le sens du service, l’engagement dans le bénévolat et la citoyenneté, la proximité avec la nature, la capacité à faire face aux difficultés… Et ils se montrent particulièrement heureux de leur vie ! Exemple d’une éducation populaire qui favorise une socialisation sur la base d’objectifs communs et de projets humanisants. Le développement des enfants, des jeunes, mais aussi des adultes, se réalise grâce aux démarches qui nous ouvrent aux autres et au monde, en déployant le sens des responsabilités à tous les niveaux. Cessons de réduire l’humain à un individu en quête de ses seuls intérêts, à un producteur/consommateur qui compense la platitude de sa vie par quelques divertissements. Oui à un chemin de bonheur vécu sous le signe de l’ouverture et non du repli sur soi.

 

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