Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Qu’est-ce que le Comité épiscopal France – Amérique latine (CEFAL) et qui sont celles et ceux qui sont partis sous son égide comme « Fidei donum » ? Un livre publié récemment (Des allers sans retours ? Les prêtres français en Amérique latine, 1961-1984), s’intéresse à ce moment du catholicisme français au cours duquel l’Amérique latine a incarné un terrain d’action et de réflexion de première importance pour les chrétiens engagés[i].

L’ouvrage montre que le CEFAL est né en 1962 d’une volonté du pape Jean XXIII de répondre à l’appel d’évêques latino-américains désireux d’assurer un meilleur encadrement religieux, en particulier dans les espaces les plus déshérités (que l’on nommerait volontiers aujourd’hui les « périphéries ») comme les bidonvilles des mégapoles brésiliennes ou andines. Souvent formés par l’Action catholique spécialisée et en phase avec l’aggiornamento du concile Vatican II, les premiers prêtres qui traversent l’Atlantique avaient pour mission de transmettre des outils de pastorale dite « d’ensemble », fondés sur la notion de milieu social, éprouvés en Europe. Mais très rapidement, au contact des plus pauvres, ils se disent évangélisés et convertis par des hommes et des femmes à la foi concrète et brute qui bousculent leurs certitudes. Le livre montre des Fidei donum entre deux cultures et entre deux mondes : la France et l’Amérique latine, une Europe en voie de sécularisation et une Amérique en pleine effervescence autour d’évêques charismatiques comme Manuel Larraín au Chili, Hélder Câmara au Brésil ou Leonidas Proaño en Équateur. Très souvent, ils font le choix de suivre la voie tracée par le CELAM lors des conférences générales de Medellín (1968) puis de Puebla (1979). L’attelage Guy Riobé – Michel Quoist – François de l’Espinay qui dirige le CEFAL dans ses premières années érige alors le néocolonialisme en repoussoir et soutient les évêques qui leur semblent particulièrement ouverts à l’engagement pour la justice sociale et à la lutte contre l’oppression sous toutes ses formes.

Au sein du Comité se sont créées au fil des années une culture et une sociabilité particulières, qui s’apparentent moins à un esprit de corps qu’à une familiarité de « copains », soudés par une pratique du terrain, la conversion personnelle aux pauvres et l’amour pour un continent qu’ils ne veulent plus quitter. Grâce à cette diaspora, le CEFAL est devenu une bannière de ralliement au sein du tiers-mondisme chrétien. Parfois portés par une voix prophétique (comme celle de Guy Deroubaix à la tête du CEFAL dans les années 1980), ce sont principalement les laïcs et les religieuses, longtemps refusés dans le giron du Comité, qui ont finalement pris la relève du manque de vocations sacerdotales dès le début des années 1970.

D’un strict point de vue comptable, le CEFAL n’a pas rempli la finalité qui lui était assignée : l’encadrement religieux des populations d’Amérique latine n’a pas connu d’embellie au cours de ces deux décennies. Pourtant, le livre montre que la formation des jeunes et des adultes ou l’accompagnement des communautés ecclésiales de base (CEB) ont permis à des laïcs latino-américains de prendre leurs responsabilités, voire de se passer de la présence du clergé étranger. N’était-ce pas la finalité ultime des membres du Comité : faire accéder à une certaine maturité de conscience et d’engagement un catholicisme latino-américain trop dépendant de l’extérieur ?

Avec Dial et toute une nébuleuse de revues et de mouvements, le CEFAL a porté sur son dos l’utopie latino-américaine des catholiques de gauche en France. Il en a subi la marginalisation. Mais il a fourni pendant deux décennies une place de choix à celles et ceux qui, dans l’Église, étaient désireux de connaître l’Amérique latine et qui à leur tour en ont répercuté les réalités au sein de réseaux amicaux et associatifs, souvent en lien avec la théologie de la libération.

Le CEFAL a cessé d’exister en tant que comité épiscopal depuis quelques années. Le CEFAL comme association s’est efforcé de sauver un capital d’expériences et un maillage de présence religieuse en Amérique latine qui se perdent, faute de forces vives. Il repose sur une poignée de bénévoles, laïcs retraités, prêtres encore en activité, ex-Fidei donum mariés. Le sauvetage puis le tri des archives du Comité ont été le principal fruit de cette lutte contre l’oubli et l’indifférence. Le livre qui vient d’être publié doit beaucoup à ce souci de la transmission.

 

[i] Olivier Chatelan, Des allers sans retours ? Les prêtres français en Amérique latine 1961-1984, laboratoire LARHRA, collection Chrétiens et Sociétés, Documents et Mémoires n°48, 2023

Plusieurs associations prenant en charge l’aide alimentaire viennent d’alerter sur leurs difficultés grandissantes à assurer ce service de première nécessité. Il y a des raisons conjoncturelles liées à l’inflation, mais surtout une forte augmentation du nombre de demandeurs qui se comptent en millions de personnes. Autre signal : la croissance inquiétante du nombre des gens à la rue, en particulier des familles avec enfants. La France connaît un problème de grande pauvreté qui relève du politique et, si des associations humanitaires essaient de palier cela, qu’en est-il des solidarités dans notre pays qui affiche Égalité et Fraternité sur ses bâtiments publics ?

De telles conditions de vie mettent en cause la dignité humaine. Pensons à l’humiliation de devoir quémander sa nourriture, de rester dehors avec son enfant. Il faut donc interroger la répartition des ressources dans notre pays ; on prend son parti que certains se trouvent laissés en marge d’une vie commune solidaire, mais la civilisation est en cause quand une société abandonne ses membres les plus fragiles.

La solution de la crise actuelle ne peut se satisfaire de quelques dons ponctuels privés : il faut envisager un partage plus équitable des ressources. Alors que les pouvoirs publics annoncent un pacte des solidarités, on peut évoquer un relèvement significatif des minimas sociaux et le soutien des initiatives locales telles qu’une sécurité alimentaire s’inspirant de la sécurité sociale.

La recherche urgente de solutions politiques ne délégitime pas l’action des associations. Elles savent gérer les situations qui appellent des réponses rapides. Elles disposent d’une expérience inégalable dans un accompagnement humain des personnes les plus fragiles. Mais voulons-nous vraiment changer les problèmes d’invisibilité de notre monde ? Les pauvres qu’on ne veut pas voir, les bénévoles du quotidien qu’on laisse dans l’ombre alors qu’ils contribuent par leur soutien fraternel à une vie commune plus humaine…

Un signe de cette cécité : les débats passionnés à propos de l’âge de la retraite ont peu évoqué l’activité bénévole de nombreux retraités, or celle-ci représente un enjeu vital pour notre société ; les ranger dans la catégorie « inactifs » est donc particulièrement inapproprié. En France et dans l’UE, il faut faire inscrire à l’agenda politique la question de la grande pauvreté. C’est un enjeu de civilisation.

 

Le lundi 4 septembre 2023, plus d’une cinquantaine de participant-e-s issus du Cameroun, du Congo, de France, de Guinée et de République Démocratique du Congo (RDC) ont pu échanger durant une journée sur les pratiques des Institutions Financières Internationales (IFI) et leur rôle dans l’endettement de ces quatre pays africains.
Les mandats de ces institutions qui disposent de représentations dans chacun des pays portent sur la promotion de la croissance économique, la bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté et/ou encore le changement climatique.
Or comme cela a été souligné durant la journée, si l’endettement n’est pas une mauvaise chose en soi, par un mauvais usage de la dette, un pays peut compromettre l’avenir de sa jeunesse. C’est pourquoi la Société civile veut connaître les tenants et aboutissants de cet endettement pour que les pays concernés ne se retrouvent pas dans des situations d’endettement insoutenables.
L’endettement via les financements de ces institutions pour des projets peut aider à lancer des projets pilotes sur lesquels un pays peut s’appuyer pour impulser son développement. Certes un projet ne peut pas tout résoudre, mais il peut permettre de montrer que quelque chose a marché à une certaine échelle et que cela devrait être transposé à plus grande échelle dans le budget d’investissement du pays ou alors inversement ; que les bénéfices (résultats attendus) du projet n’ont pas été obtenus ou atteints.
Or, un constat largement partagé par les participant-e-s a été celui de la difficulté d’accès aux informations concernant ces IFI et leurs pratiques dans les pays et notamment les conditionnalités adossées à leurs prêts aux Etats et l’impact des projets sur les populations concernées. Même les institutions les plus importantes comme le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale (BM) ou encore la Banque Africaine de Développement (BAD) ne publient que peu d’informations et sont difficiles à contacter, encore plus à rencontrer.
C’est pourquoi, les organisations présentes se sont engagées à mener un plaidoyer dans le but d’obtenir
d’une part, l’institutionnalisation de la participation de la société civile en amont des financements des IFI mais aussi durant la réalisation des projets financés ainsi qu’à leur fin et
d’autre part, une meilleure transparence de l’information des projets et programmes des IFI au niveau national.

 

 

04 septembre 2023
Crédit photo : INC, RDC
Plateforme des Citoyens Unis pour le Développement, PCUD, Guinée
Plateforme Dette & Développement, PF2D, Congo
Intersyndicale Nationale du Congo, INC, RDC
Plate-forme d’Information et d’Action sur la Dette, PFIAD, Cameroun
Avec le soutien de la Plateforme Française Dette et Développement, PFDD, France

 

Objectif 1 : Œuvrer pour l’institutionnalisation de la participation de la société civile avant, pendant et après la mise en œuvre des projets financés par les IFI en :
❖ Créant des mécanismes de participation permanent en amont et à l’échelle nationale avec les ministères concernés, les IFI et les organisations de la société civile (OSC) pour l’identification des secteurs et des besoins des populations à pouvoir dans le cadre des projets à financer.
❖ Impliquant la Société civile aux comités de pilotage des différents projets et programmes.
❖ Rendant effective la mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au
❖ développement de 2005, concernant l’implication de la société civile dans les projets et programmes de développement;
❖ Impliquant la Société civile dans le choix des responsables des projets financés par les IFI.

Objectif 2 : Améliorer la transparence de l’information des projets/programmes des IFI en :
❖ Facilitant l’accès à l’information de la société civile sur la mise en œuvre des projets à financer suivant les engagements pris en termes promotion de la transparence et de responsabilité dans le cadre de la gestion des fonds publics
❖ Exigeant des Etats une communication officielle sur tout le processus de transaction des prêts auprès des IFI notamment via une loi d’accès à l’information lorsque celle-ci n’existe pas ou n’est pas suffisante
❖ Renforçant la capacité des acteurs de la société civile sur le plaidoyer et l’accès à l’information et le suivi des programmes financés par les IFI et des politiques publiques affectant l’endettement
❖ Menant des actions de communication et de sensibilisation renforcée entre OSCs et IFIs