Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Le 25 septembre marquera la 109e édition de la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié. Avec le risque que cette journée tombe dans la routine et l’indifférence des journées dédiées. Encore une et pour quoi ?

Pour se souvenir que le fait d’être migrant ou réfugié ne retire pas les droits les plus élémentaires dus à tout être humain et en particulier le droit le plus fondamental, celui de la vie. Les naufrages à répétition en Méditerranée ou dans la Manche et, parfois, l’absence de secours ou le cynisme de certains responsables nous le rappellent de façon criante !

Alors que le pape François dans son message souligne l’importance d’être « Libre de choisir d’émigrer ou de rester », il est peu de gouvernements qui ne soient aux prises avec la douloureuse question de l’immigration. En France, pendant que l’Assemblée Nationale est censée travailler à un nouveau projet de « loi migration », tout événement sociétal devient, parfois par les députés eux-mêmes, l’objet de récupérations politiques qui visent le plus souvent, à stigmatiser les immigrés. Début juillet, la politique d’immigration a fait tomber le gouvernement des Pays-Bas. Aux États-Unis, la question reste clivante entre Démocrates et Républicains. Ce fut une des raisons du Brexit. Tous les pays européens s’y confrontent.

Nul ne pourra jamais empêcher les hommes et les femmes de rêver à une vie meilleure, pour eux et pour leurs enfants, et de tout risquer pour la trouver. C’est une quête infinie qui touche à l’élan même de la Vie. Oui, il appartient à la liberté de chacun d’émigrer ou de rester. Mais pour rester, il est nécessaire que les conditions d’une vie meilleure soient assurées là où sont nés ces hommes et ces femmes. Car nul ne quitte son pays, sa famille et ses amis le cœur léger. Et partir ou rester ne se fera pas sans la solidarité internationale ni sans un élan d’humanité, notamment sur les routes de l’exil !

Alors la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié ne doit pas être une journée internationale comme les autres, car elle sera toujours celle qui nous rappelle le cri de Dieu vers l’Homme aux origines de l’humanité «  Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi ! » (Gn 4,10)

 

L’agression contre des chrétiens au Pakistan pour la nième fois le 16 août dernier nous rappelle que les minorités, qu’elles soient religieuses ou ethniques, sont souvent le bouc émissaire de politiques ayant besoin de redorer leur blason et d’entretenir la flamme de leurs partisans.

1 – Quelle vie commune ? Quelles solidarités ?
Quand surgissent des éruptions violentes, il est nécessaire de chercher à comprendre les causes immédiates, de voir quelles décisions individuelles ont pu mener à des débordements ravageurs. Il vaut la peine aussi de s’interroger sur ce qui promeut une vie commune solidaire et pacifiée ou, à l’inverse, ce qui valorise un chacun pour soi qui profite aux puissants et aux plus violents. Le recours incantatoire à l’ordre et la menace d’usage de la force ne peuvent suffire si l’on oublie la justice sociale.
On peut mettre en question des conceptions de la société qui ne veulent voir que des individus juxtaposés à la recherche leurs intérêts propres, ou encore des îlots qui ne se relient à d’autres que pour en tirer quelque bénéfice. On use et abuse aujourd’hui du terme « communauté » qui mérite mieux qu’un rassemblement particularisé visant à faire valoir tels ou tels avantages spécifiques. Il nous faut ensemble cultiver le sens d’un bien commun qui vaut pour l’ensemble de la société, qui est toujours à construire, en tirant leçon des ratés, des crises.
Qu’en est-il de notre désir d’une vie commune solidaire ? Permet-il de tenir ensemble face aux difficultés de la vie et d’offrir à chacun la possibilité d’apporter sa propre contribution ? En ce cas, nos diversités constituent une richesse et non une menace. En 1869, E. Renan voyait dans la nation le fruit d’un héritage commun et surtout un « consentement actuel, un désir de vivre ensemble » pour continuer à avancer de manière solidaire. Pour sa part, H. Arendt évoque la démocratie comme reposant sur une promesse mutuelle en vue de promouvoir la vie commune sous le signe de l’alliance. Mais la promesse ne vaut que dans la mesure ou chacun(e) l‘honore en s’engageant concrètement au service du bien commun. Il est bon de nous soutenir dans cette quête d’une vie solidaire sous le signe de la confiance mutuelle.
La vie commune suppose une quête éthique, Renan parlait d’un « principe spirituel » qui sollicite la responsabilité personnelle. Comment l’éducation permet-elle aux plus jeunes de prendre conscience de l’intérêt d’une telle vie commune au goût de fraternité ? Chacun devant apporter sa pierre à l’édifice par des engagements concrets. Quant aux adultes, notamment ceux qui exercent des responsabilités (ex. en politique), quel usage font-ils du pouvoir dont ils disposent ? Est-ce une simple manipulation au service d’intérêts particuliers ? Quel poids accordent-ils à la parole ? Est-ce un simple jeu de provocation ou de séduction ? Avant de prétendre donner des leçons, il vaut mieux commencer par ajuster ses propres comportements aux principes qu’on énonce !

2 – Aide alimentaire
* On ne dispose pas de chiffres précis sur le nombre de personnes qui ont recours à l’aide alimentaire. Selon les associations, plus de 5 millions de personnes reçoivent une telle aide, mais certaines cumulent plusieurs inscriptions. Selon les relevés des banques alimentaires et une enquête de l’INSEE, ce serait plutôt 2,5 millions, ce qui est déjà considérable. Surtout, ce chiffre a triplé en dix ans : la situation se dégrade notablement, la pauvreté affecte une part importante des habitants de notre pays.
* Ces statistiques évoquent les situations de personnes concrètes. Le recours à l’aide alimentaire se conjugue souvent avec une alimentation insuffisante et déséquilibrée. Cela concerne des personnes âgées, mais aussi des jeunes notamment des étudiants, des chômeurs, des travailleurs pauvres (temps partiel), des familles monoparentales… En ce domaine, les associations dites caritatives jouent un rôle essentiel, liant la fourniture d’aliments à un accompagnement personnalisé. Le rôle du bénévolat est donc essentiel et pourtant peu reconnu socialement.
* Il y a bien un enjeu de justice sociale qui relève du politique : comment l’accès aux revenus permet-il une solidarité effective entre les citoyens ? Au nom de la dignité humaine, il est important que chacun(e) dispose de ressources suffisantes pour s’alimenter correctement. On ne doit pas s’habituer à ce que certains parmi nous deviennent « invisibles », dépendant de générosités aléatoires. Les politiques qui ne s’intéressent qu’à des critères de richesse globale (le fameux PIB) tolèrent en fait des écarts scandaleux, au détriment d’une prise en compte de la situation des plus pauvres. Un tel état de fait va à l’encontre de la paix civile, il s’agit bien d’une violence à bas bruit,  il renie les principes d’égalité et de fraternité qui brillent sur nos monuments publics.

4 – Des chercheuses d’emploi « invisibles ».
La publication « Vaincre le chômage » (juillet 2023, Réseau Caritas France), évoque une situation peu étudiée, rarement mise en évidence : les femmes se trouvent défavorisées en matière de recherche d’emploi. Elles sont nettement plus nombreuses que les hommes à subir des statuts précaires : temps partiel non choisi, emplois temporaires, répartition entre plusieurs employeurs… Elles connaissent souvent des trajectoires brouillées entre emploi et chômage. Les femmes ayant la charge d’une famille monoparentale sont particulièrement affectées par ces formes de précarité, avec ce que cela comporte de tensions entre l’emploi et la responsabilité parentale, sans oublier des temps de transport souvent importants. Il n’est alors pas rare qu’elles se trouvent en décrochage, au point de devenir invisibles : ni en emploi, ni en retraite ; même les dispositifs d’insertion leur sont peu favorables.
Ainsi, des femmes se trouvent contraintes d’assumer des situations compliquées et elles sont nombreuses parmi les « invisibles » que notre société préfère « oublier ». On ne veut pas voir l’injustice et celle-ci redouble lorsque des politiques laissent entendre qu’elles sont les seules responsables de leurs difficultés et qu’en plus elles négligent leur rôle parental !

 5 – Atelier du Centre théologique : Fonder la vie commune, des repères pour vivre.
L’an dernier, un travail en atelier a permis la publication d’un texte intitulé « Fonder la vie commune », ce document accompagnait  DIÈSE du 10 janvier 2023.
L’objectif de cette nouvelle proposition (ouverte à tous) est de considérer lucidement les inquiétudes et les peurs qui paralysent les initiatives, qui risquent de conduire au repli sur soi. Ensemble, nous chercherons à préciser quels repères éthiques et spirituels peuvent orienter des choix de vie renouvelés, sous le signe d’une humanisation responsable.
Il s’agira bien d’un travail en commun, sollicitant les apports des participants, de manière à élaborer un message susceptible d’être publié.
Première rencontre le mardi 12 septembre, de 16h à 17h30, à la Maison Saint-Hilaire 36 Bd Anatole France, Poitiers. Animateur : André TALBOT.

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