Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
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L’agression contre des chrétiens au Pakistan pour la nième fois le 16 août dernier nous rappelle que les minorités, qu’elles soient religieuses ou ethniques, sont souvent le bouc émissaire de politiques ayant besoin de redorer leur blason et d’entretenir la flamme de leurs partisans.
1 – Quelle vie commune ? Quelles solidarités ?
Quand surgissent des éruptions violentes, il est nécessaire de chercher à comprendre les causes immédiates, de voir quelles décisions individuelles ont pu mener à des débordements ravageurs. Il vaut la peine aussi de s’interroger sur ce qui promeut une vie commune solidaire et pacifiée ou, à l’inverse, ce qui valorise un chacun pour soi qui profite aux puissants et aux plus violents. Le recours incantatoire à l’ordre et la menace d’usage de la force ne peuvent suffire si l’on oublie la justice sociale.
On peut mettre en question des conceptions de la société qui ne veulent voir que des individus juxtaposés à la recherche leurs intérêts propres, ou encore des îlots qui ne se relient à d’autres que pour en tirer quelque bénéfice. On use et abuse aujourd’hui du terme « communauté » qui mérite mieux qu’un rassemblement particularisé visant à faire valoir tels ou tels avantages spécifiques. Il nous faut ensemble cultiver le sens d’un bien commun qui vaut pour l’ensemble de la société, qui est toujours à construire, en tirant leçon des ratés, des crises.
Qu’en est-il de notre désir d’une vie commune solidaire ? Permet-il de tenir ensemble face aux difficultés de la vie et d’offrir à chacun la possibilité d’apporter sa propre contribution ? En ce cas, nos diversités constituent une richesse et non une menace. En 1869, E. Renan voyait dans la nation le fruit d’un héritage commun et surtout un « consentement actuel, un désir de vivre ensemble » pour continuer à avancer de manière solidaire. Pour sa part, H. Arendt évoque la démocratie comme reposant sur une promesse mutuelle en vue de promouvoir la vie commune sous le signe de l’alliance. Mais la promesse ne vaut que dans la mesure ou chacun(e) l‘honore en s’engageant concrètement au service du bien commun. Il est bon de nous soutenir dans cette quête d’une vie solidaire sous le signe de la confiance mutuelle.
La vie commune suppose une quête éthique, Renan parlait d’un « principe spirituel » qui sollicite la responsabilité personnelle. Comment l’éducation permet-elle aux plus jeunes de prendre conscience de l’intérêt d’une telle vie commune au goût de fraternité ? Chacun devant apporter sa pierre à l’édifice par des engagements concrets. Quant aux adultes, notamment ceux qui exercent des responsabilités (ex. en politique), quel usage font-ils du pouvoir dont ils disposent ? Est-ce une simple manipulation au service d’intérêts particuliers ? Quel poids accordent-ils à la parole ? Est-ce un simple jeu de provocation ou de séduction ? Avant de prétendre donner des leçons, il vaut mieux commencer par ajuster ses propres comportements aux principes qu’on énonce !
2 – Aide alimentaire
* On ne dispose pas de chiffres précis sur le nombre de personnes qui ont recours à l’aide alimentaire. Selon les associations, plus de 5 millions de personnes reçoivent une telle aide, mais certaines cumulent plusieurs inscriptions. Selon les relevés des banques alimentaires et une enquête de l’INSEE, ce serait plutôt 2,5 millions, ce qui est déjà considérable. Surtout, ce chiffre a triplé en dix ans : la situation se dégrade notablement, la pauvreté affecte une part importante des habitants de notre pays.
* Ces statistiques évoquent les situations de personnes concrètes. Le recours à l’aide alimentaire se conjugue souvent avec une alimentation insuffisante et déséquilibrée. Cela concerne des personnes âgées, mais aussi des jeunes notamment des étudiants, des chômeurs, des travailleurs pauvres (temps partiel), des familles monoparentales… En ce domaine, les associations dites caritatives jouent un rôle essentiel, liant la fourniture d’aliments à un accompagnement personnalisé. Le rôle du bénévolat est donc essentiel et pourtant peu reconnu socialement.
* Il y a bien un enjeu de justice sociale qui relève du politique : comment l’accès aux revenus permet-il une solidarité effective entre les citoyens ? Au nom de la dignité humaine, il est important que chacun(e) dispose de ressources suffisantes pour s’alimenter correctement. On ne doit pas s’habituer à ce que certains parmi nous deviennent « invisibles », dépendant de générosités aléatoires. Les politiques qui ne s’intéressent qu’à des critères de richesse globale (le fameux PIB) tolèrent en fait des écarts scandaleux, au détriment d’une prise en compte de la situation des plus pauvres. Un tel état de fait va à l’encontre de la paix civile, il s’agit bien d’une violence à bas bruit, il renie les principes d’égalité et de fraternité qui brillent sur nos monuments publics.
4 – Des chercheuses d’emploi « invisibles ».
La publication « Vaincre le chômage » (juillet 2023, Réseau Caritas France), évoque une situation peu étudiée, rarement mise en évidence : les femmes se trouvent défavorisées en matière de recherche d’emploi. Elles sont nettement plus nombreuses que les hommes à subir des statuts précaires : temps partiel non choisi, emplois temporaires, répartition entre plusieurs employeurs… Elles connaissent souvent des trajectoires brouillées entre emploi et chômage. Les femmes ayant la charge d’une famille monoparentale sont particulièrement affectées par ces formes de précarité, avec ce que cela comporte de tensions entre l’emploi et la responsabilité parentale, sans oublier des temps de transport souvent importants. Il n’est alors pas rare qu’elles se trouvent en décrochage, au point de devenir invisibles : ni en emploi, ni en retraite ; même les dispositifs d’insertion leur sont peu favorables.
Ainsi, des femmes se trouvent contraintes d’assumer des situations compliquées et elles sont nombreuses parmi les « invisibles » que notre société préfère « oublier ». On ne veut pas voir l’injustice et celle-ci redouble lorsque des politiques laissent entendre qu’elles sont les seules responsables de leurs difficultés et qu’en plus elles négligent leur rôle parental !
5 – Atelier du Centre théologique : Fonder la vie commune, des repères pour vivre.
L’an dernier, un travail en atelier a permis la publication d’un texte intitulé « Fonder la vie commune », ce document accompagnait DIÈSE du 10 janvier 2023.
L’objectif de cette nouvelle proposition (ouverte à tous) est de considérer lucidement les inquiétudes et les peurs qui paralysent les initiatives, qui risquent de conduire au repli sur soi. Ensemble, nous chercherons à préciser quels repères éthiques et spirituels peuvent orienter des choix de vie renouvelés, sous le signe d’une humanisation responsable.
Il s’agira bien d’un travail en commun, sollicitant les apports des participants, de manière à élaborer un message susceptible d’être publié.
Première rencontre le mardi 12 septembre, de 16h à 17h30, à la Maison Saint-Hilaire 36 Bd Anatole France, Poitiers. Animateur : André TALBOT.
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Les réactions qui ont suivi le décès de Nahel, un jeune de 17 ans, à Nanterre, ont provoqué des foyers de violence destructrice en de nombreux points du territoire national. Les saccages et dégradations de bâtiments publics, d’établissements scolaires, de commerces et de structures socio-culturelles furent un spectacle de désolation. Il faut déplorer aussi les agressions de maires et d’élus locaux qui, au quotidien, se mettent avec abnégation, au service du bien commun pour leur population. Il est clair que de tels événements doivent trouver une condamnation unanime au sein de la population, mais aussi mobiliser pour trouver des réponses ajustées pour mettre fin rapidement à cette situation de chaos social. Pour autant, il ne suffira pas de ramener le calme. Ce serait nous contenter de mettre le couvercle sur un chaudron bouillant qui risque d’exploser à nouveau. La condamnation de toutes les violences doit s’accompagner d’une recherche qui mobilise tous les partenaires sociaux. Ne nous arrêtons pas à mi-chemin !
Dans ces moments de crise, les débats vont bon train. Chacun y va de son commentaire et de son analyse. Comme il est facile de trouver des boucs émissaires : ce serait la police jugée trop violente, les parents qualifiés de démissionnaires, les enseignants incapables, l’ensauvagement des jeunes des banlieues, l’intrusion de jeunes migrants, par ailleurs souvent nés en France et formés dans les écoles de notre pays… On propose alors diverses solutions parcellaires : plus de présence policière, une rigueur judiciaire accrue, des suppressions d’aides sociales aux familles, un coup d’arrêt aux migrations, voire même des expulsions …
Malheureusement, ce qui manque cruellement dans ces réponses partielles, c’est une recherche commune et globale en vue de dépasser la crise des quartiers, lieux de relégation sociale. Cette question ne date pas d’aujourd’hui. Souvenons-nous des émeutes en 2005 ! Nous avons un urgent besoin de solutions concertées, éprouvées et évaluées pour le long terme. Elles ne peuvent souffrir de postures idéologiques souvent unidimensionnelles et simplificatrices. Ceux et celles qui distillent à longueur de propos le séparatisme, le désordre, la suspicion, le rejet et la haine…, détruisent l’harmonie sociale et barrent le chemin vers une société apaisée et démocratique.
La complexité et l’urgence de mettre en œuvre une politique durable du bien commun, nécessitent des mesures à hauteur des enjeux d’avenir de notre vie sociale basée sur le triptyque de la liberté, l’égalité et la fraternité… Permettez que je m’introduise dans ce débat à partir de l’expérience personnelle vécue comme accompagnateur de la JOC dans l’agglomération roubaisienne durant une quinzaine d’années, et ce dont je suis témoin aujourd’hui au Havre. … Cela m’invite à ne pas laisser disqualifier les politiques publiques visant un vrai développement social des quartiers populaires, en les réduisant de façon caricaturale, à des pratiques de saupoudrage coûteux ou de clientélisme politicien.
Au fil de ces années, j’ai vu se dégrader une vraie politique de la Ville. Au dispositif DSQ [Développement Social des Quartiers] qui agissait en proximité des habitants jeunes et adultes et animait des espaces de médiation et de concertation locale, on a substitué d’autres dispositifs : le DSU [Développement Social Urbain], puis le « Contrat d’Agglomération ». Ces dispositifs successifs de la Politique de la Ville ont progressivement éloigné les lieux de concertation et de décision. Selon le pape François, la cause des difficultés de nos sociétés et de la perte du sens de la solidarité se trouve, dans la prégnance du paradigme technocratique qui s’impose en tous domaines (Laudato si, 109).
Nous payons aujourd’hui le déficit démocratique lié à cette évolution où la technocratie a pris le dessus. Ce ne sont aucunement les compétences des techniciens de l’ingénierie sociale qui sont en cause, mais leur éloignement décidé par le pouvoir politique des lieux de concertation avec l’ensemble des populations. Elles sont les premières concernées par la définition et la mise en œuvre des politiques publiques les concernant. Ajoutez à cela, la baisse significative des fonds accordés pour une politique de développement social.
Les événements que nous avons connus et que nous connaissons, risquent, hélas, de se reproduire, si nous n’ouvrons pas le chantier pour redéfinir une politique sociale qui soit de nouveau inclusive pour toutes les catégories de population et soutienne une vraie dynamique de démocratie participative. Dire cela n’est pas se satisfaire de discours faciles. Je le dis aussi comme chrétien, fidèle au Christ venu annoncer le Royaume de Dieu qui surgit dans les lieux où les plus pauvres et les plus petits sont pris en considération, rendus à leur dignité humaine, acteurs de leur avenir, réintégrés dans un réseau de relations sociales appelées à devenir fraternelles. Le pape François, dans des termes simples dont il a le secret, le rappelait en 2016 dans un discours aux mouvements populaires : « Cette idée des politiques sociales conçues comme une politique vers les pauvres, mais jamais avec les pauvres, jamais des pauvres, et encore moins insérée dans un projet réunissant les peuples, me semble parfois une espèce de char de carnaval pour contenir les déchets du système… Vous, vous êtes appelés à revitaliser, à refonder les démocraties qui traversent une véritable crise. »
La politique de la Ville dans ses débuts, a mis en place des espaces de rencontres, de débats et de concertation. Je me souviens de ces quartiers où, habitants jeunes et adultes, se retrouvaient avec des enseignants, des parents d’élèves, des élus, des policiers, des travailleurs sociaux … pour exprimer leurs attentes et co-construire des projets mobilisateurs pour l’avenir des habitants et de leur quartier. C’était un lieu de formation à une citoyenneté responsable et de recherche du bien commun pour l’ensemble de la population. La politique publique qui fut animée par le sénateur-maire André Diligent et les maires qui lui ont succédé, a pu faire de Roubaix un ferment d’intégration de populations diverses. La présence de mouvements d’éducation populaire, telles que la JOC et d’autres mouvements, permettait de soutenir l’engagement des jeunes de l’agglomération roubaisienne comme acteurs au sein de cette politique publique.
Aujourd’hui, au Havre, je constate que de telles initiatives continuent d’exister pour intégrer les habitants dans la définition et la mise en œuvre d’un développement social de leurs quartiers. Je veux citer sans développer la spécificité de leur démarche, des dispositifs et des associations comme les « fabriques » de quartiers mises en place par la municipalité, espaces de co-construction de projets locaux. Citons aussi les comités de quartier, des associations telles qu’« Emergence » pour remobiliser des jeunes par l’initiation aux sports de combat, « Le Havre des familles », Maison d’Eglise animée par le Secours Catholique et les Apprentis d’Auteuil, espace d’accueil pour libérer chez les parents leur pouvoir d’agir dans le domaine de leur responsabilité parentale. Citons encore des mouvements d’éducation populaire comme le scoutisme et la JOC, mais aussi les initiatives de sensibilisation citoyenne des jeunes mises en place par des mosquées au Havre … Groupes non confessionnels, groupes à caractère religieux, au-delà de tout particularisme idéologique ou confessionnel, nous nous retrouvons pour favoriser ensemble une éducation citoyenne et remobiliser les populations dans une démarche de rencontre et de dialogue afin de participer activement à la croissance d’une société plus juste et plus fraternelle.
En janvier 2015, le Conseil « Famille et Société » de la Conférence des évêques de France, publiait un opuscule intitulé « Aux périphéries de nos villes ». S’appuyant sur de nombreuses auditions effectuées auprès d’acteurs divers des quartiers périphériques, il offrait des perspectives d’engagement pour les chrétiens. En fidélité au Christ qui a rejoint les périphéries de son époque pour y révéler le Salut et réveiller l’Espérance de ses contemporains oubliés et relégués, les chrétiens doivent pouvoir inviter notre société à aller au bout du chemin pour que les solutions politiques envisagées ne perdent jamais de vue l’intégration de toutes les catégories de population pour faire société ensemble.