Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Recommandation de la Conférence des OING au Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe réunis à Reykjavík les 16 et 17 mai 2023
Adoptée par l’Assemblée générale le 26 avril 2023
CONF/AG(2023)REC1

Préambule
Rappelant que la Conférence des OING est la voix de la société civile organisée au sein du Conseil de l’Europe en tant que :

  • instance dont le mandat est reconnu par le Conseil de l’Europe « en tant qu’entité représentant toutes les OING dotées du statut participatif au près du Conseil de l’Europe, » (Comité des Ministres, Résolution CM/RES(2016)3 ) ;
  • instance reflétant la société civile la plus large en Europe dont les membres possèdent une variété de compétences et d’expériences de terrain dans les différents États membres du Conseil de l’Europe ;

Rappelant la Déclaration de la Conférence des OING sur la place et le rôle de la société civile dans la sauvegarde des droits humains, de la démocratie et de la prééminence du droit, adoptée le 16 décembre 2020  (CONF/PLE(2020)DEC1) ;

Rappelant la Déclaration de la société civile de La Haye sur la réforme du Conseil de l’Europe ;

Réaffirmant son adhésion et son ferme soutien aux valeurs fondatrices du Conseil de l’Europe : les droits humains, la démocratie et l’état de droit ;

Soulignant l’engagement des États membres à respecter les principes et les normes définies par le Conseil de l’Europe qui visent à mettre en œuvre ces valeurs ;

Constatant que l’agression armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine constitue un déni de ces valeurs fondamentales qui appelle en conséquence une réaction déterminée des institutions du Conseil de l’Europe, des États membres et de tous les acteurs de la société civile ;

Considérant que le Sommet de Reykjavík est une opportunité unique permettant de décider d’un engagement commun pour l’avenir du Conseil de l’Europe basé sur une vision commune, des politiques, des stratégies et des méthodes organisationnelles efficaces, ainsi que l’augmentation nécessaire des contributions afin de relever les défis actuels et futurs qui se posent à l’Europe ;

La Conférence des OING recommande aux Chefs d’État et de gouvernement réunis au 4e Sommmet du Conseil l’Europe à Reykjavik de :

1. Renforcer le système européen de garantie de l’ensemble des droits humains
– La Convention européenne des Droits des Droits de l’Homme 1
 Réaffirmer le rôle central que joue de la Convention européenne pour  la protection des droits humains,  pour  le développement de la démocratie et le respect de l’état de droit en Europe ;
 Renforcer le mécanisme de contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour afin de lutter contre le non–respect  systématique de ces arrêts et fournir les ressources nécessaires au Greffe ;
 Faciliter et soutenir le rôle des acteurs indépendants au niveau national telles les organisations non gouvernementales et les institutions nationales des droits humains pour la mise en œuvre effective sur le  terrain;
 Achever le d’adhésion de l’Union Européenne à la Convention  Convention européenne des Droits de l’Homme.
– La Charte sociale européenne 
 Mettre en œuvre dans la pratique et assurer la garantie effective des droits sociaux qui sont des droits humains reconnus comme indivisibles et interdépendants par la communauté internationale ;
 Encourager la ratification par tous les États membres de la Charte sociale européenne dans son intégralité et  l’acceptation de la procédure de réclamations collectives ;
 Poursuivre le  processus de réforme de la Charte sociale européenne afin de renforcer la cohérence et l’efficacité du système de protection avec le concours de la société civile.
 Lancer le processus d’adhésion de l’Union européenne à la Charte sociale européenne.

2. Développer les mécanismes conventionnels et de monitoring
 Encourager tous les États membres à ratifier les Conventions thématiques, notamment : la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et  la violence domestique (Convention d’Istanbul) ;
 Renforcer le mandat du/de la Commissaire aux Droits de l’Homme, notamment pour une réaction rapide, l’accès facilité à tous les territoires des États membres du Conseil de l’Europe et notamment les territoires frappés par des conflits armés ;
 Transformer du statut actuel de Représentant.e spécial.e sur les migrations et les réfugiés en vue d’accroître son pouvoir et sa compétence politique et de répondre aux défis actuels en matière de droits humains et de solidarité internationale.
 Transformer le statut actuel du représentant spécial sur les crimes de haine antisémites et antisémites et antimusulmans et toutes les formes d’intolérance religieuse afin d’accroître son autorité politique pour répondre aux défis actuels.

3. Renforcer la bonne gouvernance démocratique dans les États membres
 Accroître la mise en œuvre et le suivi des instruments existants sur la bonne sur la bonne gouvernance démocratique et envisager de les développer en une convention pour la démocratie ;
 Modifier l’article 3 du protocole 1 de la Convention des droits des droits humains afin de  garantir que des élections libres et équitables soient protégées en tant que droit fondamental humain ;
 Développer des ressources pour l’éducation et la formation tout au long de la la vie en matière de citoyenneté et de droits humains, en coopération avec les  acteurs de la société civile, tels que les ONG et les institutions nationales de défense des droits humains ;
 Lutter par tous les moyens appropriés contre les discours et les actes qui visent à réduire ou à détruire la démocratie et les droits humains, tant au sein des Etats qu’au niveau européen.

4. Accroître la place et le rôle de la société civile 
 Lutter d’une manière concrète et efficace contre le rétrécissement de l’espace de la société civile dans les pays membres dans le cadre de l’amélioration de leur bonne gouvernance démocratique ;
 Garantir l’existence de la Conférence des OING au sein du Conseil de l’Europe Garantir en lui accordant un statut permanent et fort avec des moyens adéquats ;
 Accorder à la Conférence des OING un statut durable lui permettant de participer à tous les organes majeurs du Conseil de l’Europe ;
 Renforcer la coopération continue avec les acteurs de la société civile :
– dans les États membres du Conseil de l’Europe,
– dans les États limitrophes (société civile russe, biélorusse et du Kosovo 2),
– dans le cadre du Centre Nord Sud et du Centre européen de la jeunesse.

5. Lutter contre l’impunité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité
 Soutenir et contribuer aux activités de la Cour pénale internationale et d’autres institutions internationales pour enquêter et poursuivre au titre de la responsabilité pénale, les individus présumés coupables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité dans la guerre d’agression contre l’Ukraine ;
 Créer sans délai un registre des victimes et des dommages afin de pouvoir demander des comptes aux auteurs de ces actes, condition d’une paix juste.
 Soutenir les procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans les pays des Balkans occidentaux et donner la priorité aux activités qui contribuent à la justice transitionnelle au niveau local et régional.

6. Reconnaître et protéger le droit à un environnement propre, sain et durable comme un droit humain
 S’engager dans la négociation et l’adaptation à la CEDH pour protéger ce droit humain comme exigence de justice ;
 Prendre en compte la dimension intergénérationnelle de ce droit comme une exigence de justice.

7. Accorder les ressources nécessaires au Conseil de l’Europe
 Accroître notablement les contributions des États membres au Conseil de l’Europe afin d’assurer un financement adéquat qui permette au Conseil de l’Europe d’accomplir toutes ses missions qui sont essentielles pour l’avenir du continent.

1 Dans la la référence aux instruments et organes officiels, l’expression « Droits de l’homme » est  utilisée mais la Conférence des OING utilise dans ces propres textes l’expression « droits humains ».
2 Toute référence au Kosovo, qu’il s’agisse du territoire, des institutions ou de la population, dans le présent texte s’entend dans le plein respect de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies et sans préjudice du statut du Kosovo.

1 – Selon Hannah ARENDT (Condition de l’homme moderne, Pocket, p. 314) : « C’est cette espérance et cette foi dans le monde qui ont trouvé sans doute leur expression la plus succincte, la plus glorieuse dans la petite phrase des Evangiles annonçant leur “bonne nouvelle” : “Un enfant nous est né.” »

Chaque naissance est perçue comme un « nouveau commencement », « un miracle qui sauve le monde ». Les premiers soins portés au nourrisson manifestent le souci de préserver le fragile miracle de la vie, de lui donner une chance de s’épanouir.

Il est bon qu’il y ait un engagement de nos communautés humaines pour aider à la prise en charge de chacun de ces « nouveaux commencements », surtout s’ils sont faibles. Nous devons aussi nous demander : quel monde leur préparons-nous ?

2 – Dons et aides en hausse
Une bonne nouvelle : en 2022, les dons des Français ont bien augmenté, mais les années précédentes avaient connu des reculs en raison de la pandémie. Près d’un Français sur deux déclare avoir donné ; particuliers : 5 milliards d’€, dons des entreprises : 3,5 milliards.

Il y a aussi notre engagement collectif comme citoyens. L’aide publique au développement est également en hausse : 15 milliards d’€ en 2022. Elle soutient notamment des actions pour le climat, la santé, l’éducation. Ce montant représente 0,56% du revenu national brut ; selon les engagements internationaux, l’objectif est de 0,7% du RNB. Bref, la dynamique est positive, mais peut mieux faire !

 

3 – Les « invisibles » de notre société
On se réjouit à juste titre de la baisse du chômage : des gens retrouvent une place active et une certaine sécurité, tout en apportant leur contribution au bien commun. Mais on risque d’oublier les personnes qui ne sont ni au chômage, ni en emploi, ni inscrites au RSA (on estime à 600 000 les bénéficiaires potentiels du RSA qui ne font pas la démarche).

Parmi les jeunes de 14 à 24 ans, 801 000 (10,6% de cette classe d’âges) ne sont ni en emploi ni en formation, en raison du décrochage scolaire, mais aussi à la difficulté de trouver un premier emploi. Autre signe inquiétant : la moitié des inscrits aux Restos du cœur ont moins de 26 ans. Quand une société laisse ainsi en marge une part notable de sa jeunesse, elle ne favorise pas l’intégration dans la vie commune, elle altère l’estime de soi et la confiance dans la solidarité nationale. Une telle situation handicape l’avenir des personnes, mais aussi de la société.

Ne déclarons donc pas trop vite que nous sommes proches du « plein emploi » et que chacun, s’il se bouge un peu, va trouver un job ! Nous oublions alors ces millions d’invisibles (peut-être 5% selon le gouverneur de la Banque de France). Un signe que l’on risque de les laisser de côté,  c’est qu’il n’y a pas vraiment de statistiques à ce sujet.

Certes, il est difficile de rejoindre ces personnes les plus éloignées de l’emploi et de l’intégration sociale, et ce n’est pas la seule annonce de postes à pourvoir qui va leur permettre de reprendre pied dans l’activité. Il faut saluer à ce sujet la dynamique positive des territoires zéro chômeur de longue durée ; il y a de belles expériences près de chez nous : on va à la rencontre des personnes qui sont loin de l’emploi afin de voir avec elles dans quel domaine elles pourraient contribuer à la vie commune. Cela suppose un engagement commun des responsables politiques, des acteurs économiques, des réseaux associatifs… Nous pouvons nous informer sur ces initiatives à Mauléon, Naintré et Chatelleraudais, Poitiers et les environs…

 

4 – Et encore la faim dans le monde…
Le géographe Gilles FUMEY nous alerte (voir Sciences Humaines, mai 2023) : tous les indicateurs inquiétants sont en hausse : 900 millions de personnes affectées par la faim à des degrés divers ; 345 millions en sévère insécurité alimentaire, dont 35 millions d’enfants de moins de 5 ans, 50 millions en situation de famine qui conduit à la mort. L’auteur rappelle que ce n’est pas le manque d’aliments disponibles qui provoque une telle dégradation, mais la hausse vertigineuse des prix ; il y a longtemps que Amartya SEN a montré, par des études de terrain, que les famines n‘étaient pas liées d’abord à l’absence physique de nourriture, mais à l’incapacité monétaire d’accéder à ces biens.

Selon G. Fumey, c’est le résultat de la mondialisation des échanges et de la financiarisation de l’alimentation. Ce qui conduit à des situations paradoxales : pour des raisons spéculatives, des firmes canadiennes (un pays qui ne manque pas de terres !) achètent des terrains en Éthiopie (un pays qui souffre de la faim). Ou encore, la vente subventionnée de surplus agricoles venant de pays développés provoque des gaspillages et détruit l’agriculture paysanne en des régions fragiles, ce qui diminue la capacité des populations à produire localement la nourriture nécessaire à leur survie.

 

5 – Tensions, crispations… à l’échelle nationale et internationale. Et après ?
* Il y a toujours des violences à l’œuvre dans nos relations proches et lointaines. Un lecteur de la Bible, n’est pas étonné, dès les premières pages on retrouve tromperie et violence destructrice ; mais il est surtout question d’une promesse d’alliance qui invite au respect de l’autre, à la pratique d’une justice qui fait place à chacun, et surtout au désir de bâtir la paix et de partager un amour plus fort que la haine.

* Nous ne devons donc pas prendre notre parti des violences guerrières qui endeuillent notre monde, y compris près de chez nous. Il vaut mieux identifier et combattre les injustices, envisager de restaurer la paix grâce à des traités, en évitant de penser la sécurité uniquement en termes d’armement.

Il vaut mieux oser des rêves, formuler des utopies positives, en évitant de réduire les relations aux rapports de force les plus brutaux. Travailler à une plus grande justice, construire une paix durable, oser la fraternité, c’est servir l’avenir de la vie, notamment pour les plus jeunes d’entre nous : quel monde voulons-nous transmettre ?

* Il y a aussi chez nous des crispations sociales. Justement, la vie démocratique permet que s’expriment les désaccords. Mais il y a le risque d’une méfiance généralisée, du mépris de l’autre, de la violence verbale qui dérape en violence physique. Et au bout du compte la tentation d’ouvrir la voie à un régime autoritaire qui s’en prendrait aux libertés et à la vie démocratique elle-même. Une vie commune relativement pacifiée doit faire place à chacun, en prenant vraiment en compte la situation des plus fragiles, de ceux qu’on laisse en marge, comme des « déchets » encombrants. Cultivons donc le désir de faire alliance, de vivre ensemble dans le respect mutuel et la solidarité, de promouvoir joyeusement la fraternité inscrite au fronton de nos édifices publics.

André Talbot

Télécharger le  n°56, mai 2023 (PDF)

 

Tandis que la guerre cruelle qu’il lança il y a plus d’un an contre l’Ukraine se poursuit, Vladimir Poutine mène un autre combat, à l’intérieur de ses frontières, contre les opposants qui continuent à résister. Ainsi Vladimir Kara-Mourza a-t-il été condamné..