Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

1– La générosité se porte plutôt bien.
Le montant annuel des dons est évalué à 9,2 milliards, en hausse de 8% en trois ans. 20% de ces dons sont destinés à des associations venant en aide aux personnes en difficulté. Les dons émanent de particuliers pour 58% et d’entreprises pour 42%, celles-ci peuvent aussi mettre gratuitement des salariés à disposition (mécénat d’entreprises). Un beau signe de solidarité qui met en lumière la capacité à prendre soin de notre vie commune, mais aussi le goût de pratiquer le don : l’humain n’est pas individu crispé sur son intérêt matériel, il s’épanouit en des relations marquées par la gratuité. Un bon résultat qui ne demande qu’à grandir…

2 – Des conflits dévastateurs et meurtriers.
Les mots de paix ont résonné pour le 1er janvier, notamment de la part du pape François. Mais, selon Caritas, 52 États connaissent actuellement des conflits armés. Les plus meurtriers étant ceux qui ont cours en Ukraine, après l’attaque russe, au Proche Orient, notamment entre Israël et le Hamas ; mais aussi les conflits civils au Soudan et en Birmanie.

Selon La Croix Hebdo du temps de Noël, à Gaza 14 000 enfants ont été tués, tandis que 17 000 se trouvent séparés de leur famille ou non accompagnés. De tels drames ont lieu dans le cadre de tous les conflits qui endeuillent notre monde, même quand il n’y a pas de chiffres.

Derrière la froideur du nombre de victimes, ce sont des souffrances scandaleuses : les espérances de vie des plus fragiles se trouvent sacrifiées, avec une mémoire marquée par les deuils et les traumatismes. Dans la guerre, il s’agit bien d’une humanité qui se dénie elle-même, qui s’abandonne à ses passions les plus morbides. Les pseudo légitimations de tels actes de mort paraissent d’une hypocrisie sans nom. Il n’y a pas de bonne guerre !

3 – Participer aux débats sociaux : cf. le message joint « Promouvoir les droits humains » .
L’air ambiant est marqué par la méfiance, mais aussi par des actes et des paroles qui risquent de mettre à mal une vie commune orientée par des références humanistes. Il ne faut pas déserter le front des idées, alors que le respect des droits humains risque d’être sacrifié au profit de gains matériels, d’emprises sur les plus faibles, de manipulations populistes de l’opinion publique y compris par le mensonge.

4 – Le Centre théologique de Poitiers fête ses 50 ans !
Il me fut donné d’être associé à la fondation du Centre théologique. Chaque année de ce demi-siècle, j’ai assuré des formations ; j’ai la joie de pouvoir rendre compte de cette histoire. Avec Philippe Blaudeau, historien et compagnon de route du Centre depuis de nombreuses années, nous réfléchirons donc aux enjeux d’une telle expérience, pour l’Église sans doute, mais aussi pour notre vie en société. Rendez-vous jeudi 23 janvier, de 20h à 22h, Maison Saint-Hilaire 36 Bd Anatole-France à Poitiers.

 

Télécharger le  n°76 janvier 25  (PDF) 

« Justice et Paix France a une fonction d’observatoire sur la doctrine sociale de l’Église, les questions de société, de Justice et de Paix auprès de la Conférence des évêques de France.

C’est dans ce cadre qu’il lui a été demandé de produire une étude sur les migrations dont il sera rendu compte dans les Lettres d’avril et de mai.

Pour préparer ce dossier, nous avons étudié les grandes tendances démographiques mondiales (Lettre de février), avec un focus sur l’Europe et l’Afrique (Lettre de mars). »

9 janvier 2025
par Gilles Pison, Institut national d’études démographiques (INED)

La population mondiale compte 8,2 milliards d’habitants en 2025. Elle n’en comptait qu’un milliard en 1800 et a donc été multipliée par plus de huit depuis (figure 1). Elle devrait continuer à croître et pourrait atteindre environ 10 milliards à la fin du XXIe siècle d’après les projections moyennes des Nations Unies. Pourquoi la croissance devrait-elle se poursuivre ? La stabilisation est-elle envisageable à terme ? La décroissance tout de suite ne serait-elle pas préférable ?

D’après les projections que les Nations Unies ont publiées en juillet dernier, la population mondiale, qui compte 8,2 milliards d’habitants en 2025, devrait en compter 9,7 en 2050, culminer à 10,3 milliards au milieu des années 2080, et commencer ensuite à diminuer pour atteindre 10,2 milliards à la fin du siècle dans le scénario moyen [1] (figure 1). Les scénarios bas et haut encadrant ce scénario moyen conduisent respectivement à 7 et 14 milliards en 2100.

Si la population mondiale continue d’augmenter, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès – les premières sont deux fois plus nombreuses que les seconds [1]. Cet excédent apparaît il y a deux siècles en Europe et en Amérique du Nord lorsque la mortalité commence à baisser dans ces régions, marquant les débuts de ce que les scientifiques appellent la transition démographique. Il s’étend ensuite au reste de la planète, lorsque les avancées de l’hygiène et de la médecine et les progrès socio-économiques atteignent les autres continents.

Aujourd’hui, la croissance démographique décélère
La croissance démographique a atteint un taux maximum de plus de 2 % par an il y a soixante ans, et a diminué de plus de moitié depuis (0,86 % en 2024) [2] (figure 2).

Elle devrait continuer de baisser dans les prochaines décennies en raison de la diminution de la fécondité : 2,25 enfants en moyenne par femme dans le monde en 2024, contre plus du double (cinq enfants) dans les années 1960. Parmi les régions du monde dans lesquelles la fécondité est encore élevée (supérieure à 2,5 enfants), on trouve en 2024 presque toute l’Afrique, une partie du Moyen-Orient et une bande en Asie allant du Kazakhstan au Pakistan en passant par l’Afghanistan [3]. C’est là que se situera l’essentiel de la croissance démographique mondiale future.

L’un des grands changements à venir est le formidable accroissement de la population de l’Afrique qui, Afrique du Nord comprise, pourrait presque tripler d’ici la fin du siècle, passant de 1,5 milliard d’habitants en 2024 à probablement 2,5 milliards en 2050 et près de 4 en 2100 [1]. Alors que près d’un humain sur cinq vit aujourd’hui en Afrique, ce sera probablement plus d’un sur trois dans un siècle. L’accroissement devrait être particulièrement important en Afrique au sud du Sahara où la population pourrait passer de 1,2 milliard d’habitants en 2024 à 2,1 milliards en 205 et 3,3 milliards en 2100.

À court terme : une voie en grande partie tracée
Ces chiffres sont des projections et l’avenir n’est évidemment pas écrit. Il reste que les projections démographiques sont relativement sûres lorsqu’il s’agit d’annoncer l’effectif de la population à court terme, c’est-à-dire pour un démographe, les dix, vingt ou trente prochaines années. La majorité des hommes et des femmes qui vivront en 2050 sont déjà nés, on connaît leur nombre et on peut estimer sans trop d’erreurs la part des humains d’aujourd’hui qui ne seront plus en vie. Concernant les nouveau-nés qui viendront s’ajouter, leur nombre peut également être estimé car les femmes qui mettront au monde des enfants dans les 20 prochaines années sont déjà nées, on connaît leur effectif et on peut faire également une hypothèse sur leur nombre d’enfants, là aussi sans trop d’erreurs.

Il est illusoire de penser pouvoir agir sur le nombre des humains à court terme. La diminution de la population, prônée par certains, n’est pas une option. Comment l’obtenir ? Par une hausse de la mortalité ? Personne ne le souhaite. Par une émigration massive vers la planète Mars ? Irréaliste. Par une baisse drastique de la fécondité et son maintien à un niveau très inférieur au seuil de remplacement (2,1 enfants) pendant longtemps. C’est déjà ce qui se passe dans une grande partie du monde, les humains ayant fait le choix d’avoir peu d’enfants tout en leur assurant une vie longue et de qualité. Mais il n’en résulte pas tout de suite une diminution de population en raison de l’inertie démographique : même si la fécondité mondiale n’était que de 1,4 enfant par femme, comme en Europe [2], la population continuerait d’augmenter pendant encore quelques décennies. La population comprend en effet encore beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants, nés lorsque la fécondité était encore forte, ce qui entraîne un nombre élevé de naissances. Les personnes âgées ou très âgées sont en revanche peu nombreuses et le nombre de décès est faible.

La fécondité : une chute rapide en Asie et en Amérique latine il y a 40 ans, une baisse lente en Afrique intertropicale aujourd’hui.
Les démographes ont été surpris, il y a quarante ans, quand les enquêtes ont révélé que la fécondité avait commencé à baisser très rapidement dans beaucoup de pays d’Asie et d’Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Ils ont dû notamment revoir sensiblement à la baisse leur projection démographique pour ces continents.

Une autre surprise, plus récente, est venue de l’Afrique intertropicale. On s’attendait à ce que sa fécondité baisse plus tardivement qu’en Asie et en Amérique latine, en relation avec son retard en matière de développement socio-économique. Mais on imaginait un simple décalage dans le temps, avec un rythme de baisse similaire aux autres régions du Sud une fois celle-ci engagée. C’est bien ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en Afrique australe, mais pas en Afrique intertropicale où la baisse de la fécondité, bien qu’entamée aujourd’hui, s’y effectue plus lentement [4]. D’où un relèvement des projections pour l’Afrique qui pourrait rassembler plus d’un habitant de la planète sur trois en 2100 comme mentionné plus haut.

La fécondité diminue bien en Afrique intertropicale, mais dans les milieux instruits et en villes plus que dans les campagnes où vit encore la majorité de la population. Si la baisse de la fécondité y est pour l’instant plus lente que celle observée il y a quelques décennies en Asie et en Amérique latine (figure 3), cela ne vient pas d’un refus de la contraception. La plupart des familles rurales ne se sont certes pas encore converties au modèle à deux enfants, mais elles souhaitent avoir moins d’enfants et notamment plus espacés. Elles sont prêtes pour cela à utiliser la contraception mais ne bénéficient pas de services adaptés pour y arriver. Les programmes nationaux de limitation des naissances existent mais sont peu efficaces, manquent de moyens et surtout souffrent d’un manque de motivation de leurs responsables et des personnels chargés de les mettre en œuvre sur le terrain. Beaucoup ne sont pas persuadés de l’intérêt de limiter les naissances y compris au plus haut niveau de l’État, même si ce n’est pas le discours officiel tenu aux organisations internationales. C’est là une des différences avec l’Asie et l’Amérique latine des années 1960 et 1970 et l’un des obstacles à lever si l’on veut que la fécondité baisse plus rapidement en Afrique subsaharienne.

 

À long terme : l’explosion, l’implosion ou l’équilibre ?
Au-delà des cinquante prochaines années, l’avenir est en revanche plein d’interrogations, sans modèle sur lequel s’appuyer. Celui de la transition démographique, qui a fait ses preuves pour les évolutions des deux derniers siècles, ne nous est plus guère utile pour le futur. L’une des grandes incertitudes porte sur la fécondité. Si la famille de très petite taille devient un modèle dominant de façon durable, avec une fécondité moyenne inférieure à deux enfants par femme, la population mondiale, après avoir atteint le niveau maximum de dix milliards d’habitants, diminuerait inexorablement jusqu’à l’extinction à terme. Mais un autre scénario est possible dans lequel la fécondité remonterait dans les pays où elle est très basse pour se stabiliser à l’échelle mondiale au-dessus de deux enfants. La conséquence en serait une croissance ininterrompue et à nouveau la disparition de l’espèce à terme, mais cette fois par surnombre. Si l’on ne se résout pas aux scénarios catastrophes de fin de l’humanité, par implosion ou explosion, il faut imaginer un scénario de retour à terme à l’équilibre.

Les modes de vie : plus importants que le nombre des hommes
Les hommes doivent certes dès maintenant réfléchir à l’équilibre à trouver à long terme, mais l’urgence est le court terme – les prochaines décennies. L’humanité n’échappera pas à un surcroît de 1 à 2 milliards d’habitants d’ici 2050, en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Il est possible d’agir en revanche sur les modes de vie, et ceci sans attendre, afin de les rendre plus respectueux de l’environnement et plus économes en ressources. La vraie question, celle dont dépend la survie de l’espèce humaine à terme, est finalement moins celle du nombre que celle des modes de vie.

9 janvier 2025

 

Références
[1] Nations unies, 2024 – World Population Prospects: the 2019 Revision  (https://esa.un.org/unpd/wpp/).
[2] Gilles Pison et Svitlana Poniakina, 2024 – Tous les pays du monde (2024). Population et Sociétés, 625: 1-8  (http://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/)
[3] INED, 2024 – La population en cartes interactives http://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/graphiques-cartes/cartes-interactives-population-mondiale/
[4] Population & Development Review, 2017 – Fertility transition in Sub-Saharan Africa, Volume 43, Issue Supplement S1, http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/padr.2017.43.issue-S1/issuetoc

 

© Alexandre Gonçalves da Rocha de Pixabay

Engageons-nous à remédier aux causes profondes des injustices, apurons les dettes injustes et insolvables et rassasions…
Pape François (Spes non confundit, §16)

Dans sa lettre d’invitation pour marquer le Jubilé de 2025, Spes Non Confundit (« L’espérance ne déçoit pas », Rm 5,5), le Pape François nous rappelle que « l’espérance doit être accordée aux milliards de pauvres qui manquent souvent du nécessaire pour vivre » et que « les biens de la Terre ne sont pas destinés à quelques privilégiés mais à tous ». Inspirée par ce profond appel à la justice, Caritas Internationalis, en collaboration avec des organisations confessionnelles et de la société civile, invite toutes les personnes de bonne volonté à se joindre à notre campagne, Transformer la dette en espérance. Ensemble, nous exhortons les décideurs à donner la priorité aux personnes et à la planète plutôt qu’au simple profit.
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