Terrorisme : la fin ne justifie jamais les moyens
Le 25 septembre dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a rendu à l’unanimité un avis critique sur le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
Cet avis, rapporté (fait exceptionnel) par sa présidente, rappelle que la recherche d’efficacité dans l’adaptation du cadre juridique aux menaces pesant sur la France doit se concilier avec la préservation des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Les intentions du gouvernement et du Parlement sont louables. Mais un certain nombre de dispositions du projet de loi font basculer dans le champ de la police administrative des mesures normalement répressives devant être entourées de toutes les garanties relatives à la procédure pénale.
Les Etats ont obligation, droit et devoir de défendre leurs citoyens contre les attaques terroristes en procédant si nécessaire à l’arrestation des personnes soupçonnées de crimes terroristes, puis à leur jugement. Ils ont besoin de moyens dissuasifs légitimes au regard du droit international pour endiguer la violence non étatique et, en particulier, de juridictions compétentes. Mais au nom de la lutte contre le terrorisme, ils ne peuvent adopter des dispositions qui portent gravement atteinte aux droits de l’Homme.
Le 1er janvier 2002, dans son message pour la journée mondiale de la paix, Jean Paul II déclarait : « Les gouvernements démocratiques savent bien que l’usage de la force contre les terroristes ne peut justifier le reniement aux principes d’un Etat de droit. Des choix politiques qui rechercheraient le succès sans tenir compte des droits fondamentaux de l’Homme seraient inacceptables car la fin ne justifie jamais les moyens. »
Certes, on ne peut soupçonner chaque mesure anti-terroriste de mettre en danger l’état de droit et il est normal que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles. Mais il faut se méfier de toutes les justifications qui invoquent le caractère exceptionnel d’une situation, car les risques d’une dérive vers des pratiques contraires à l’état de droit sont alors élevés. Dire comme l’a fait il y a vingt ans un ministre de l’Intérieur, qu’il faut « terroriser les terroristes », c’est jouer avec le feu.
Relever le défi du terrorisme, pour une société démocratique c’est donc prendre les mesures nécessaires pour protéger sa population sans porter atteinte ni aux libertés ni aux fondements de l’état de droit. L’attitude à adopter face aux actes terroristes, les arbitrages à rendre entre divers types de politiques renvoient à des débats sur les fondements d’une société démocratique : privilégier plutôt la sécurité ou plutôt la liberté, aller plus ou moins loin dans les mesures d’exception.
Face au défi terroriste, les attitudes suivantes semblent nécessaires :
- Condamner tout acte de terrorisme et être à côté de toutes les victimes.
- Refuser toute représentation de Dieu qui justifie une pratique terroriste, ainsi que tout amalgame entre la religion des musulmans et les islamismes radicaux.
- Résister à tous les moyens, notamment policiers et judiciaires, non compatibles avec le respect des droits de l’Homme, de l’état de droit et du droit international.
- A moyen et à long terme, engager des mesures visant à modifier les facteurs politiques, sociaux, idéologiques, économiques, qui nourrissent le terreau du terrorisme.
- Avoir une attitude de « résistance spirituelle » ancrée dans la détermination à refuser le chantage et la lâcheté même au prix d’une certaine insécurité, dans le respect de la vie humaine, le refus de diaboliser et l’engagement pour la justice et la paix.