Ni des racailles, ni des traîtres…
Le 20 mars 2022
« Ni des racailles, ni des traîtres à cracher comme un moucheron ! »
Comment en entendant ces mots que vient de scander Vladimir Poutine, ne pas se rappeler le vocabulaire du bestiaire utilisé par tous les régimes dictatoriaux, fascistes et totalitaires qui ont dramatiquement jalonné l’histoire et frappé l’humanité. Chacun peut se les remémorer sans qu’il soit utile de les citer ici.
Mépriser l’autre, le réduire à l’état d’animal, le dégrader en humanité, le déshumaniser pour mieux le frapper et l’anéantir, c’est le point commun de ces régimes que le chef du Kremlin rejoint en frappant par le verbe avec des mots « délicats et subtils : ils vont s’écraser sur le pavé, il faut une purification naturelle et nécessaire de la société…
Mais de qui s’agit-il ?
Qui sont ces moucherons qu’on a avalés sur la route et qu’il faut recracher?
Pas moins que des citoyens russes, de vrais citoyens qui sont les forces vives de la société russe, qui aiment leur pays et qui n’ont de leçon de patriotisme à recevoir de personne. Tout simplement ils/elles protestent contre la guerre d’agression menée contre l’Ukraine. Combien sont-ils/elles ?
Nombre difficile à évaluer dans un pays où l’exercice de la liberté d’expression est à très haut risque. Mais sans doute suffisamment nombreux pour inquiéter un régime fragilisé et répressif qui arrête et emprisonne à la moindre pancarte brandie.
« Je ne fais pas partie de la racaille ! » a déclaré la journaliste russe Marina Ovsyannikova interviewée samedi dernier et qu’on interrogeait sur les mots animaliers et les menaces visant tout individu « non digestible » par le régime du Kremlin. Toujours aussi courageuse, inquiète mais extraordinairement sereine et lucide sur les risques graves que son acte lui fait encourir.
Non, cette journaliste courageuse n’est pas une racaille ! Non, les citoyens et citoyennes russes qui protestent ne sont pas des racailles ! Non, citoyens et citoyennes européens et du monde, nous ne sommes pas des racailles parce que, comme eux, nous croyons aux droits humains et à la démocratie!
*Jean-Bernard MARIE,
– Membre de la Commission française Justice et Paix,
– Juriste, Directeur de recherche hon. au CNRS,
– Ancien Secrétaire général de l’Institut International des Droits de l’Homme (Strasbourg).
[- enseignant à l’Université de Strasbourg,
– représentant des Commissions Justice et Paix d’Europe auprès du Conseil de l’Europe.]