Vœux 2023 – Le Pape François aux membres du Corps Diplomatique

Au Vatican, le 9 janvier 2023
Discours du Pape François aux membres du Corps Diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège pour la présentation des vœux pour la nouvelle année.

Dans de nombreux pays par le monde, des vœux sont solennellement échangés en début d’année entre le corps diplomatique et le Chef de l’Etat. Le Saint-Siège entre dans cette coutume et la rencontre formelle entre le Pape et les ambassadeurs accrédités, qu’ils résident ou non à Rome, constitue un moment privilégié. Au discours déférent du doyen du corps diplomatique – Chypre actuellement -, le Saint-Père répond en développant longuement une vision de l’état du monde fondée sur ses analyses et celles de la Secrétairerie d’État, sur ses voyages présents et à venir, et sur le magistère de l’Eglise forgé au cours des siècles mais adapté aux réalités contemporaines. Un bref échange intervient ensuite entre le Pape et chaque ambassadeur, avant une « photo de groupe » en la chapelle Sixtine.

De tradition, l’occasion est d’abord saisie pour un rapide rapport d’actualité sur les relations diplomatiques qu’entretient le Saint-Siège avec, aujourd’hui, plus de 93% des États; la progression du nombre d’ambassadeurs résidents est notamment relevée (quatre de plus cette année : Suisse, République Démocratique du Congo (RDC), Mozambique, Azerbaïdjan) et le Pape a toujours des mots aimables pour le métier diplomatique, décrit comme un « exercice d’humilité ». Les accords officiels signés l’année d’avant sont mentionnés. En 2023, une mention spéciale a été accordée à la Chine, avec laquelle, « dans le cadre d’un dialogue respectueux et constructif », l’accord provisoire de 2018 sur la nomination des évêques a été à nouveau prorogé de deux ans. Des voyages sont aussi annoncés ou confirmés : François se rendra fin janvier en RDC et au Sud Soudan, où l’accompagneront l’archevêque de Canterbury et le Modérateur général de l’Église presbytérienne d’Ecosse.

Mais c’est ensuite à un long exposé auquel le Pape procède, au cours duquel nombre des positions fortes du Saint-Siège sont rappelées au regard de l’actualité internationale, mais sous un fil conducteur chaque année renouvelé.

Or 2023 marquera le soixantième anniversaire, le 11 avril, de l’encyclique Pacem in terris, signée de Jean XXIII. C’est donc sous l’invocation de ce texte à la portée si profonde pour l’Église catholique et apostolique qui préparait alors le Concile Vatican II, mais adressé aussi à tous les hommes de bonne volonté, que François s’est placé en en citant le titre : « Sur la paix entre toutes les nations, fondée sur la vérité, la justice, la charité, la liberté », et en passant au crible de ces quatre vertus bien des problèmes et malheurs que connaît aujourd’hui le monde.

Au préalable, le Pape a procédé à un bref tour d’horizon, appuyé sur deux de ses convictions profondes :

– cette troisième guerre en morceaux qui fracture un monde globalisé : le conflit insensé en Ukraine et ses conséquences sur les flux mondiaux d’énergie et d’alimentation; la Syrie où une réforme constitutionnelle est nécessaire; Jérusalem, où la solution à deux États doit être réaffirmée; le Caucase du Sud; le Yémen et l’Éthiopie, où les efforts de pacification doivent se poursuivre; plusieurs États africains en processus fragiles de transition (Soudan, Mali, Tchad, Guinée, Burkina Faso); la Birmanie; la péninsule coréenne.

– la possession « immorale » de l’arme atomique, sous la menace desquelles tout le monde est perdant. A cet égard, l’impasse de l’accord sur le nucléaire iranien est préoccupante.

Ensuite, le Pape a donc décliné les quatre piliers de Pacem in terris en en illustrant les exigences par des situations auxquelles l’Église est particulièrement attentive.

La vérité affronte les peurs. La vérité est absente quand les femmes sont considérées comme des citoyens de seconde zone, alors qu’elles peuvent apporter leur contribution irremplaçable à la vie sociale et être les premières alliées de la paix. La vérité appelle les États à garantir l’assistance des citoyens à chaque étape de la vie humaine, de la conception à la mort naturelle. Elle appelle à l’abolition de la peine de mort dans la législation de tous les pays. Elle doit avoir raison des peurs : peur de la vie qui génère dans certains contextes une baisse dangereuse de la natalité; peurs se nourrissant de l’ignorance et des préjugés et dont l’éducation est l’antidote; peur de la liberté religieuse, qui génère les persécutions pour motifs religieux. La vérité du christianisme, c’est la conversion et l’exercice de la vertu.

La construction de la paix exige que la justice soit poursuivie. La justice, c’est la conviction que les différends peuvent être résolus dans le cadre du droit international et par la diplomatie multilatérale. Cela passe par la nécessité de repenser en profondeur le système multilatéral pour éviter les mécanismes qui donnent plus de poids à certains États au détriment des autres. Il faut proscrire les polarisations et les tentatives d’imposer une pensée unique ou des formes de colonisations idéologiques. Il est nécessaire de revenir au dialogue, à l’écoute mutuelle, à la négociation, en privilégiant la responsabilité partagée et la coopération.

Les chemins de la paix sont des chemins de charité et de solidarité. Cela doit s’appliquer aux migrations, face auxquelles il n’est pas permis de procéder en rangs dispersés. Par ailleurs il faut redonner de la dignité à l’entreprise et au travail, en luttant contre toute forme d’exploitation qui finit par traiter les travailleurs comme une marchandise. Il faut aussi veiller à notre maison commune et partager entre États, chacun à la mesure des ses responsabilités et capacités, une réponse efficace et adéquate aux défis du changement climatique et de la perte de biodiversité.

Enfin la construction de la paix exige qu’il n’y ait pas d’atteintes à la liberté, à l’intégrité et la sécurité des nations, quelles que soient l’étendue de leur territoire et leur capacité de défense. Elle exige également de combattre l’affaiblissement de la démocratie menacée par l’augmentation des polarisations politiques et sociales.

Pour conclure, François cite saint Jean XXIII : « Il est permis d’espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d’unité qui découlent de leur nature commune; ils comprendront plus parfaitement que l’un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c’est de fonder les relations entre les hommes et entre les peuples sur l’amour et non sur la crainte ».

Le tableau ci-joint  classe de manière plus détaillée les thèmes évoqués.
Le texte intégral du discours peut être consulté  ICI