Nina Valbousquet, Catholique et antisémite. Le réseau de Mgr Benigni 1918-1934, Paris, CNRS Éditions, mars 2020, 325 p.
En réaction à la crise « moderniste », Mgr Benigni (1862-1934), proche de Pie X, fonde en 1909 le réseau secret Sodalitium Pianum (la Compagnie de Pie V), dit « la Sapinière » (Voir : Émile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral, Paris, Casterman, 1969). Ce réseau « intégriste » décline à l’avènement de Benoît XV en 1914 ; il est dissous en 1921 ; aujourd’hui un Institut et une revue « intégristes » en tirent leur nom : Sodalitium. Les réseaux Benigni se réactivent en 1919, sur la base d’un faux antisémite : Les Protocoles des Sages de Sion (deux versions : 1902/1903 / 1905/1906). Ce faux décrit un plan de conquête du monde par les Juifs et les Francs-maçons, qui aurait été élaboré lors du premier congrès sioniste (Bâle, 1897). Mgr Benigni et son ami français Mgr Jouin – mais aussi le constructeur automobile Henry Ford et d’autres – en font la promotion. Le texte russe se diffuse après la révolution de 1917, traduit en allemand (1920), en français (Jouin, 1920), en italien (Benigni, 1921…), etc. Avec ses réseaux, Benigni cherche à forger une opinion antisémite. Des collaborations transnationales s’élèvent contre le « Veau d’or » (= les Juifs), le « Loup rouge » (= le communisme judéo-bolchevique) et la « judéo-maçonnerie », sans pourtant réaliser une internationale en raison de fractures : nationalismes méditerranéens contre « aryens », entre chrétiens, entre chrétiens et non-chrétiens, entre « politiques » (Action française…) et « religieux ». Benigni finit espion fasciste…
NB : la conférence épiscopale allemande vient de publier un rapport critique : « L’Église n’a presque pas levé la voix au sujet des crimes monstrueux commis contre les autres, contre les personnes discriminées et poursuivies en raison de leur race, en particulier les Juifs » (29 avril 2020). Elle redit son engagement contre l’antisémitisme (Lettre de Mgr Bätzing, 19 juillet 2020).