V – L’accueil des réfugiés au Tchad, un exemple de solidarité Sud-Sud
Le Tchad illustre comment les pays du Sud peuvent s’entraider face aux défis globaux de l’accueil et de l’intégration des réfugiés qui fait tant de bruit dans les pays nantis. En accueillant plus d’un million de réfugiés soudanais, le Tchad montre que même avec des moyens limités, il est possible de contribuer à la lutte contre la pauvreté et la violence.
Depuis plusieurs décennies, le Tchad est devenu une terre d’accueil pour des populations fuyant les conflits armés dans les pays voisins comme le Soudan, la République Centrafricaine et le Nigeria (Boko Haram). D’après les ONG chrétiennes rencontrées durant mon récent séjour au Tchad, près de 900 000 réfugiés soudanais, voire plus ont traversé et continuent de traverser la frontière. Ces derniers viennent s’ajouter aux populations réfugiées qui sont présentes dans le pays depuis très longtemps. Cet afflux massif pose des défis importants en termes de prise en charge, d’intégration et de gestion des tensions potentielles. Mais malgré ses propres défis économiques et sécuritaires, le Tchad essaie de vivre la solidarité entre pays du Sud et fait face à ces crises humanitaires.
D’après les responsables du Service Jésuite des Réfugiés au Tchad (JRS) et du Secours Catholique pour le Développement (SECADEV), ils sont heureux de la politique du gouvernement en faveur des réfugiés. En effet, le gouvernement tchadien a adopté une loi sur l’asile avec un décret d’application pour renforcer les droits des réfugiés, notamment leur accès à l’éducation, aux soins de santé et au travail. Cette législation fait du Tchad un pionnier régional en matière de protection des réfugiés, et il faut s’en réjouir. D’après ces ONG, les autorités collaborent bien avec les organisations internationales grâce à une commission mise en place dénommée : Commission Nationale d’Appui au Réfugiés et Retournés (CNARR). Cette commission dépend du ministère de l’Intérieur et est en quelque sorte « l’œil du gouvernement sur les questions concernant les réfugiés et sur les camps où ils sont accueillis. » C’est cette commission qui organise et oriente les fonds et tout ce qui concerne les camps de transition ou camps d’accueil des personnes qui arrivent. Le JRS suit les étudiants et la formation des enseignants dans les établissements et universités tchadiennes. Ils perçoivent leurs bourses directement sur leurs comptes personnels ouverts à cette intention. Certains étudiants ont pu être réinstallés pour la poursuite de leurs études ailleurs lorsque la filière choisie le nécessite.
Cette commission a aussi mis en place un plan qui vise à répondre aux besoins immédiats des réfugiés tout en favorisant leur intégration dans les initiatives locales. Plus d’un million de réfugiés soudanais et 200 000 retournés tchadiens qui vivaient au Soudan se trouvent principalement dans les provinces de l’Est du pays, confrontés à des défis tels que l’insécurité alimentaire et l’accès limité aux services essentiels.
La population locale joue un rôle clé dans l’accueil des réfugiés. Bien que la pression sur les ressources soit importante, des initiatives communautaires ont émergé pour renforcer la cohésion sociale. C’est ainsi que des activités génératrices de revenus sont mises en place, des moulins communautaires ou cybercafés, etc. d’autre part, des équipes intercommunautaires formées par l’OIM et la FAO travaillent à résoudre les conflits et à promouvoir le dialogue entre réfugiés, rapatriés et communautés hôtes. Ces efforts témoignent d’une volonté de construire une coexistence pacifique malgré les tensions liées à la rareté des ressources et de l’eau dans cette région qui accueille des réfugiés. Le vrai défi auquel font face les jeunes tchadiens aussi bien que les jeunes réfugiés, c’est de trouver un emploi.
Le Tchad illustre comment les pays du Sud peuvent s’entraider face aux défis globaux de l’accueil et de l’intégration des réfugiés qui fait tant de bruit dans les pays nantis. En accueillant plus d’un million de réfugiés soudanais, le Tchad montre que même avec des moyens limités, il est possible de contribuer à la lutte contre la pauvreté et la violence. Tout n’est pas parfait, mais un effort est fait et il faut le reconnaitre. Il reste à ce que toute la population tchadienne en particulier les « retournés » soient impliqués dans cet effort de solidarité, et participent aussi à l’intégration des réfugiés dans la vie économique et sociale.
L’effort d’accueil des réfugiés par le Tchad met en lumière une gestion inclusive des crises humanitaires, où les efforts conjoints entre gouvernement, ONG et communautés locales permettent d’atténuer les impacts des conflits tout en favorisant le développement durable. C’est vraiment heureux que le pays ait pu mettre cette politique d’accueil en place, malgré l’effondrement du budget humanitaire qui a entraîné des coupes drastiques dans les programmes d’aide au Tchad. Cette décision affecte les réfugiés mais aussi les communautés locales qui dépendent de ces soutiens pour leur survie. Tous ces défis montrent que le Tchad doit non seulement gérer ses propres problèmes mais aussi jouer un rôle clé dans la stabilité régionale.
Réfugié-es soudanais-es en République CentreAfricaine
La région de Birao, province située dans le nord-est de la Centrafrique (l’un des pays les plus pauvres de la planète), en zone semi-désertique, à la frontière du Soudan, qui n’est pas accessible par la route (et actuellement encore moins en saison des pluies), où il est difficile d’acheminer de l’aide humanitaire, pour la population comme pour les réfugiés, fait face à un déséquilibre dangereux entre population locale, 19 000 personnes, et réfugiés, 26 000 personnes. C’est un risque social, économique et de famine. Comment partager des ressources si limitées, de façon juste, avec un si grand nombre ? Les Soudanais sont des musulmans, les Centrafricains plutôt chrétiens, et l’extrême pauvreté créée et accentuée par cette situation risque de ré-attiser un conflit qui, s’il n’est pas très bien et rapidement accompagné, peut utiliser la fibre religieuse pour déchirer les communautés.
Cf. § 14 du message des évêques catholiques de Centrafrique à l’Église-famille de Dieu, aux Hommes et aux Femmes de bonne volonté, donné en la Cathédrale Sacré-Coeur de Jésus d’Alindao, le 22 juin 2025 (voir pièce jointe – PDF)